17 ans après l’Affaire Festina (1998), quelques années après l’Affaire Armstrong, toutes deux révélant un dopage étendu et institutionnalisé dans le cyclisme, voilà que l’athlétisme se réveille avec un accablant rapport de l’Agence Mondiale Antidopage révélant un dopage généralisé au sein de l’athlétisme russe. Même la fédération russe n’y échappe pas, le scandale faisant état d’un « dopage généralisé » dans l’unique but de « produire des vainqueurs ».
« Produire des vainqueurs ».
Tout est là. Nos sociétés ne valorisent aujourd’hui que ça: le vainqueur, peu importe le moyen. Sans discernement, sans jugement sur la crédibilité des performances. J’en ai encore eu un exemple récemment dans mon entourage proche.
Quoi qu’il en soit, voilà donc que l’athlétisme se réveille. Le scandale remonte jusqu’à la fédération antidopage russe, qui pour l’instant nie avoir fermé les yeux sur des cas, ou falsifié des contrôles.
À la lumière de la gravité de la situation, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a toutefois déjà engagé le processus pour suspendre la fédé russe d’athlétisme, notamment en vue des Jeux Olympiques de Rio en 2016 où aucun athlète russe de cette discipline pourrait concourir.
Et on annonce que le cas du Kenya serait le prochain sur la liste.
Le plus drôle dans l’affaire, c’est que l’IAAF est présidée par l’Anglais Sebastian Coe. Quant on voit les performances parfois surprenantes des athlètes britanniques au cours des dernières années, cyclisme compris, on se demande parfois si le prochain gros scandale ne viendra pas de là, notamment avec le Reproxygen qui est une forme de dopage génétique et qui a été découvert dans des laboratoires anglais (Oxford Biomedica).
Anyway, à quand le réveil dans le ski de fond, le triathlon, la natation, le trail?
Le cyclisme a beaucoup morflé ces deux dernières décennies, générant notamment le plus grand scandale de dopage de l’histoire du sport (Affaire Armstrong). Je pense que d’autres scandales sont à venir dans d’autres sports au cours des prochaines années, de l’ampleur que celui que traverse actuellement le football (soccer) dans un autre registre (corruption de la fédé internationale, matchs truqués, etc.).
Il est pas beau, le sport professionnel? Remarquez qu’avec mes deux récents articles sur le dopage sur les cyclosportives (ici et ici), le problème est également présent aux échelons inférieurs.
C’est désespérant.
Et que dire du football (américain, avec le ballon ovale) universitaire? Vous n’avez qu’à consulter la liste des athlètes suspendus par le Centre Canadien d’Éthique dans le Sport: plus du quart des athlètes canadiens actuellement suspendus sont issus de ce sport ! (13 sur 41).
Augias
La bonne nouvelle dans tout ça? C’est qu’Interpol (Interpol!) va coordonner une vaste enquête mondiale sur le dopage et la corruption qu’il implique à beaucoup de niveaux (l’Affaire Armstrong est éloquente sur l’inter-relation dopage-corruption, notamment du côté de la dissimulation de contrôles positifs pour préserver l’image du sport), sous la direction de la France (qui a une bonne expérience en la matière, rappelez-vous le rapport du Sénat il y a quelques années). Nom de code Augias, comme les écuries oui, nettoyées par Hercule dans ses 12 travaux.
La tâche à accomplir aujourd’hui n’en est pas moins herculéenne tant la gangrène semble répandue!