Triste, c’est actuellement assez triste dans le cyclisme: les affaires liées au dopage se multiplient.
À un tel point que cela éclipse la course sur le Tour de France.
Et il est inutile de se cacher la tête dans le sable, il faut en parler. Affronter nos problèmes de face. Ce n’est quand même pas la faute aux journalistes et blogueurs si les coureurs cyclistes se dopent!
Quatre affaires retiennent actuellement l’attention: Affaire Pozzato, Affaire DiGregorio, Affaire Armstrong et Affaire Wiggins.
Affaire Pozzato
Fillipo Pozzato a en effet avoué travailler depuis 2005 avec le fameux et sulfureux docteur italien Michele Ferrari, dont la réputation en matière de dopage n’est plus à faire. Si Pozzato n’est pas spécialement un gros poisson, cette affaire nous est utile en ce sens qu’elle nous apprend qu’en dépit de son bannissement à vie prononcé en 2002 en Italie, Ferrari continue encore aujourd’hui d’encadrer de très près des coureurs cyclistes professionnels.
Comment est-ce possible? Comment voulez-vous qu’on s’en sorte dans ces conditions? C’est désespérant.
Affaire DiGregorio
Elle est toute récente celle-là: la police française a placé en garde à vue Rémi DiGregorio pour une présumé affaire de dopage à Marseille. Deux autres personnes seraient également en garde à vue dans cette histoire de dopage. Les faits remonteraient à l’an dernier alors que DiGregorio courait pour l’équipe Astana et c’est un coup de téléphone mis sous écoute qui l’aurait trahi. Il se serait procuré des produits dopants à l’aide d’un réseau à Marseille.
L’équipe Cofidis a déjà réagi et suspendu DiGregorio qui quitte donc le Tour par la plus petite des portes.
Cette affaire nous rappelle que depuis 14 ans, la majorité des coureurs pris pour dopage ne l’ont pas été suite à un contrôle positif, mais bien suite à une enquête ou une perquisition menées par la police. L’Affaire Puerto, l’Affaire Oil for Drugs, et maintenant l’Affaire DiGregorio nous rappelle donc que l’absence de contrôles positifs ne saurait en aucun cas être un gage de probité d’un athlète, n’en déplaise à… Lance Armstrong. À ma connaissance, Rémi DiGregorio n’a échoué aucun test antidopage l’an dernier…
Quoi qu’il en soit, il est intéressant de remarquer que DiGregorio a eu quelques bons résultats en 2011 en cyclisme, alors qu’il était de passage dans une équipe non-française, à savoir Astana. Une de ses seules victoires professionnelles a été acquise l’an dernier lors de la 7e étape de Paris-Nice. Ayant ré-intégré une équipe française (Cofidis) en 2012, il n’a rien gagné cette année.
Ce que je veux dire? Rien du tout. Simplement je porte à votre attention que DiGregorio a eu ses meilleurs résultats la seule année de sa carrière où il était dans une équipe non-française et que sa récente arrestation est liée à l’usage de produits dopants justement l’an dernier. Troublant comme coïncidence.
Affaire Armstrong
Lance Armstrong est aux abois et ça parait: il cherche par tous les moyens possibles et imaginables à stopper l’USADA dans sa démarche. Il vient de reloger une poursuite auprès de la cour fédérale pour tenter d’invalider le recours de l’USADA à son endroit. Un premier juge l’a débouté avant-hier: on verra ce que fera la cour fédérale dans les prochains jours, elle a jusqu’au 14 juillet à 17h pour rendre une décision.
Lance Armstrong continue d’attaquer la légitimité de l’USADA, amenant le débat sur autre chose que le dopage. Car sur ce plan, il sait qu’il a déjà perdu. Seule solution, invalider l’action de l’USADA. Si la cour fédérale permet à l’USADA d’aller de l’avant le 14 juillet, je crois bien que M. Armstrong sera déchu rapidement de ses titres et de sa réputation, par ailleurs construits sur un mensonge.
Fait intéressant, trois personnes accusées en même temps que Lance Armstrong et Johan Bruyneel ont reçu hier une sentence de suspension à vie d’oeuvrer dans le milieu du cyclisme: Michele Ferrari, Luis Garcia Del Moral et Pepe Marti. Ces personnes n’ont pas réagi, ne contestant en rien la sentence prononcée à leur endroit: c’est dire comme ces personnes s’en foutent et c’est dire à quel point cette nouvelle sentence ne les empêchera probablement pas de poursuivre leurs activités dans le milieu du cyclisme. Ces activités devront simplement être dans l’ombre, les privant de tout rôle « officiel » auprès d’une équipe cycliste professionnelle.
Plus encore, l’UCI refuse de commenter cette affaire, estimant n’avoir rien à y voir. Elle refuse de commenter probablement parce qu’elle sait qu’elle est elle-même à risque d’être sérieusement éclaboussée, les rumeurs étant que le dossier de l’USADA renferme des preuves crédibles que l’UCI aurait bel et bien étouffé un contrôle positif d’Armstrong. Lance Armstrong lui-même a déclaré que le procès de l’USADA violait une « entente » qui serait en vigueur entre l’UCI et lui… Bref, vivement qu’on avance pour en savoir plus sur ce cirque.
C’est désespérant: comment croire que le cyclisme a une chance de devenir plus propre dans ces conditions?
Affaire Wiggins
Il n’y a pas d’affaire Wiggins, mais comme vous la maigreur impressionnante de plusieurs coureurs chez Sky ainsi que la domination de cette équipe sur l’actuel Tour me laisse sans voix. Dans le contexte du dopage dans le cyclisme depuis 14 ans, il est légitime, je pense, de se poser des questions, sans pour autant verser dans la paranoia. Encore une fois, il s’agit d’exercer avec jugement notre sens critique. Ne pas condamner sans faits, mais rester prudents sur notre interprétation du spectacle offert.
Soyons bien clair: nous n’avons actuellement aucune raison de remettre en doute la probité de Bradley Wiggins et de l’équipe Sky.
Ceci étant, nous savons par ailleurs qu’un des produits à la mode côté dopage est actuellement l’AICAR, ou aminoimidazole carboxamide ribonucleotide. Ce produit est souvent utilisé en conjonction avec le GW501516, ce qui rend les cures très dispendieuses et donc réservées à l’élite de pointe.
Or, une des propriétés de l’AICAR est de renforcer la musculature tout en brulant les graisses, provoquant donc à la fois gain de puissance et maigreur extrême. On sait aussi le produit extrêmement efficace, permettant des gains de performance très appréciables (+44% chez les souris!).
À priori, le produit serait toujours indétectable aux contrôles anti-dopage.(NDLR: merci à Sébastien B qui nous informe que l’AICAR serait détectable lors des contrôles depuis juin 2012. Voilà qui est intéressant, en espérant que des dérivés de l’AICAR ne soient pas déjà en circulation.)
Dans ce contexte, comment exclure que dans 3, 4 ou 5 ans, les échantillons 2012 de certains coureurs, dont des coureurs Sky, soient re-testés et sortent positifs à l’AICAR?
On apprend également ce matin que le médecin Geert Leinders, chez Rabobank lors des affaires Rasmussen et Dekker (EPO), travaille désormais au sein de l’équipe Sky. Cela ne veut pas forcément dire grand chose, mais cela soulève suffisemment de questions pour que le patron de l’équipe, Dave Brailsford, ai cru bon de réagir publiquement. Cette situation pose une question: pourquoi diable l’équipe Sky a-t-elle pris le risque de travailler avec ce médecin?
Bref, à la vue de ces nouvelles affaires, il convient je pense de continuer d’exercer notre sens critique et notre jugement face aux performances offertes. Il ne faut pas pour autant sauter aux conclusions. Je demeure convaincu que plusieurs coureurs professionnels exercent avec éthique leur métier. Tous les coureurs pros dopés? Non. Le dopage est-il en régression? Pas sûr. On ne peut pas l’affirmer avec certitude. Pour les dopés, tous dopés égal? Non. Certains ont toujours accès à un dopage plus élaboré et efficace simplement parce qu’ils ont les moyens financiers d’y souscrire.
Comme toujours, la vérité est probablement quelque part dans la nuance.