C'était un secret de polichinelle dans le milieu du cyclisme québécois et la nouvelle est finalement sortie aujourd'hui: Benjamin Martel (aucun lien de parenté avec moi!), de l'équipe Team Spirit G.H.T. Cannondale, est positif à la testostérone.
Il écope d'une suspension de deux ans, conformément aux règlements en vigueur.
Il est le troisième cycliste du peloton élite du Québec a être sanctionné en quelques mois seulement après les cas d'Arnaud Papillon et de Miguel Agreda, tous deux (ex-) membres de l'équipe Garneau-Club Chaussures. Rappelons que Benjamin Martel a remporté une étape de la série des Mardis cyclistes de Lachine en 2011. C'était le 9 août.
Que dire de ce nouveau cas de dopage (décidément, la semaine est fertile à ce niveau!) ?
Ce qu'il faut dire à mes yeux, c'est que Benjamin Martin avait, en 2011, 37 ans. Donc aucune ambition de devenir coureur cycliste professionnel. La situation de Benjamin Martel à l'égard du cyclisme était très différente de celle d'un David Veilleux par exemple, un jeune coureur de 24 ans qui a tout l'avenir devant lui. Et qui fait par conséquent face à des enjeux autrement plus importants pour son avenir que Benjamin Martel.
Avec Benjamin Martel, on était à priori devant un coureur de 37 ans qui était en principe sur les courses cyclistes pour se faire plaisir.
Et il se dopait!
À mes yeux, la seule explication est l'envie de briller, d'être supérieur aux autres, de se démarquer et d'obtenir une parcelle de gloire.
Vous serez nombreux à dire que c'est pathétique et vous avez raison.
Mais il y a une leçon dans tout ça et c'est ce qu'il faut retenir aujourd'hui: cette situation nous ramène à la profonde nature humaine.
L'appât du gain, dans ce cas-ci la gloire éphémère.
Si on ne comprend pas cela, on ne comprend pas les enjeux entourant la lutte contre le dopage. On ne comprend pas que la lutte contre le dopage, c'est la même chose que la lutte contre l'excès de vitesse sur les routes: toujours à recommencer, toujours à entretenir. Parce qu'il est dans la nature humaine de vouloir montrer qu'on est meilleur que les autres, même s'il n'y a aucun enjeu.
Toute approche d'une fédération visant à faire un "blitz" de quelques mois de sensibilisation est donc vaine. La lutte contre le dopage s'inscrit plutôt dans le long terme et nécessite des moyens récurrents, chaque année. C'est une lutte ingrate, de longue haleine, mais pourtant nécessaire.
Depuis longtemps, je suis donc d'avis que la lutte contre le dopage doit obtenir un financement annuel stable et se doter de moyens conséquents. S'il est évident que la priorité demeure la lutte contre le dopage au niveau des jeunes coureurs présentant le potentiel de passer professionnel, le cas Martel montre qu'il faut aussi exercer des contrôles dans les autres catégories, ne serait-ce que pour créer un climat de "peur de gendarme" salutaire et qui profitera à l'ensemble des cyclistes, toute catégories confondues. Car bien souvent, ce sont les coureurs les plus âgés qui initient les plus jeunes aux travers du sport…
Ces quelques vers d'Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac me viennent spontanément à l'esprit, des vers qui accompagnent ma vie:
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît
Et modeste d’ailleurs, se dire: mon petit,
Soit satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis à vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul!”