L’histoire n’est pas banale : 31 ans après le Championnat du monde 1973 disputé sur le circuit de Montjuich en Espagne, Merckx et Maertens ont enfin enterré la hâche de guerre et accepté leurs torts respectifs, échangeant même une poignée de main à l’issue de l’entretien. Du jamais vu de mémoire d’homme puisque ces 2 là refusaient catégoriquement de s’adresser la parole depuis ce jour fatidique de 1973. Retour sur l’histoire d’un long différent.

Dans le final de ces Mondiaux, 4 coureurs étaient devant : 2 Belges, Merckx (qui avait déjà 4 Tours de France à son palmarès et qui venait d’enchaîner une victoire au Giro et à la Vuelta cette année-là) et Maertens (le jeune loup), un Espagnol Ocana (récent vainqueur du Tour) et un Italien, Gimondi (frustré par Merckx à de nombreuses reprises au cours de la saison). Une véritable échappée royale, et les Belges avaient logiquement l’avantage. Droit d’aînesse oblige, les rôles étaient clairs au sein de l’équipe de Belgique : Maertens devait emmener le sprint pour Merckx, c’était aussi simple que ca. Tout était réglé comme du papier à musique, surtout que Merckx avait multiplié les accélérations durant la course, forcant la sélection ; il était assurément dans un grand jour.

En vue de la ligne, Maertens met le turbo avec Merckx bien calé dans sa roue, comme prévu. Il accélère, accélère encore puis… puis plus rien. Au moment ou Merckx aurait dô le passer pour aller cueillir le bouquet, plus de Merckx mais plutôt un Gimondi déboulant vitesse grand V. Maertens n’avait alors plus le temps de réagir et de s’ajuster à la nouvelle situation, et termine 2e. Ocana est 3e, Merckx seulement 4e.

Aussitôt la descente de machine, le scandale commence. Maertens exprime publiquement ses regrets : « en sprintant pour moi-même, j’aurais pu être champion du monde« . Merckx n’apprécie pas pareille insubordination, et parle tout simplement d’une panne de jambes imprévisible, d’une défaillance physique au plus mauvais moment. Les deux hommes deviendront dès ce jour ennemis jurés, et se seront gardés rancune jusqu’à aujourd’hui!

Maertens, qui connut ensuite une carrière tourmentée et une après-carrière identique, a même émis une autre hypothèse intéressante pour expliquer le comportement de Merckx. Dans l’échappée, seul Maertens était équippé de composantes Shimano, Ocana, Merck et Gimondi courant sur Campagnolo. Shimano tentait à l’époque de faire une perçée dans le monde du cyclisme pro pour s’implanter en Europe et concurencer Campagnolo. Sachant très bien qu’il était « cuit » en raison de ses multiples attaques durant la course, Merckx ne dit rien à Maertens afin que ce dernier ne lui demande pas d’inverser les rôles et de lui emmener le sprint. Ainsi, Merckx savait que Gimondi pourrait gagner ce sprint et ainsi priver Shimano d’une retentissante victoire (une des premières) sur le sol européen. Merckx était très lié à l’époque avec Tullio Campagnolo et aurait ainsi protégé les acquis de son ami.

Mais de cette version de l’histoire, Merckx refusera toujours d’en dire plus, omerta du milieu oblige, tout comme avec le dopage… Et sur ce coup-là, sachant comment ca se passe souvent dans le peloton, on est plutôt porté à croire la version de Maertens plutôt que celle de Merckx…

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