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Que se passe-t-il à l’AMA?

Ce soir, La Flamme Rouge vous propose de faire le point sur ce qui se passe actuellement à "l’Agence Mondiale Antidopage":http://www.wada-ama.org/fr/ (AMA). Ce ne sont pas de bonnes nouvelles… *Contexte*: Un nouveau président de l’AMA devra être choisi lors de la conférence mondiale antidopage les 15, 16 et 17 novembre prochain à Madrid. L’actuel président, le Canadien Richard "Dick" Pound, à la tête de l’agence depuis sa création en 1999, est en effet arrivé au terme des mandats prévus par "les statuts de l’agence":http://www.wada-ama.org/rtecontent/document/constitutive_instrument_foundation_Fr.pdf. Il faut également savoir qu’il est prévu dans les statuts de l’AMA une règle d’alternance, son président devant tour à tour être issu du Mouvement olympique (milieu sportif), puis des autorités publiques (gouvernements). Pound appartenant au Mouvement olympique (ancien nageur), il était donc prévu que la présidence incombe désormais à une personnalité des autorités publiques. *Acte 1*: Le Français Jean-François Lamour, double-champion olympique de sabre (Los Angeles 1984 et Séoul 1988) mais aussi ancien ministre des sports en France, s’est positionné depuis plusieurs mois comme candidat sérieux pour la succession de Pound. Il était, jusque récemment, le seul candidat en lice. Sa candidature était très sérieuse, l’homme étant à la fois issu du Mouvement olympique et des autorités publiques, un atout de taille selon nous pour le poste de président de l’AMA. *Acte 2*: Lors d’une réunion du comité éxécutif de l’AMA fin septembre, un candidat surprise s’est pointé: l’ancien ministre des finances australien, un certain "John Fahey":http://en.wikipedia.org/wiki/John_Fahey_%28politician%29, totalement inconnu du monde du sport voire de la lutte contre le dopage. D’ou sort-il? Quel est son background? Quelle est son expérience dans les affaires du sport? Nous l’ignorons. *Acte 3*: Le comité éxécutif de l’AMA a récemment décidé de changer la donne et de ne pas attendre l’élection prévue en novembre à Madrid mais bien d’imposer une primaire (premier suffrage) devant les seuls représentants des autorités publiques siégeant au Conseil de Fondation. Le milieu sportif s’est donc vu écarté du processus. Lamour s’est opposé à la tenue de cette primaire, estimant qu’elle contrevenait au statut de l’AMA. Dans sa réponse, Pound a signifié à Lamour que malheureusement, rien dans les statuts de l’AMA ne pouvait s’opposer à la tenue d’une telle primaire. *Acte 4*: Lamour a estimé n’avoir aucune chance dans cette primaire face à ce qu’il appelle le monde anglo-saxon et sa vision particulière de la lutte contre le dopage, sachant bien qu’un bloc constitué des représentants des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de l’Afrique du Sud voterait en faveur de l’Australien John Fahey. Au lieu d’aller au casse-pipe, Lamour a donc décidé non seulement de se retirer de la course à la présidence, mais aussi de remettre sa démission comme actuel vice-président de l’AMA. *Acte 5 (à venir)*: Désormais seul candidat, l’Australien Fahey devrait logiquement être élu sans problème à la présidence de l’AMA lors de la conférence de Madrid en novembre prochain. *Que conclure de tout ca?* Plusieurs choses très inquiétantes. Il faut tout d’abord comprendre que Lamour incarnait la position européenne contre le dopage, une position volontariste, entreprenante et donc dérangeante pour les autorités du sport. Il faut se rappeler que la France fut le premier pays à adopter le suivi longitudinal et qu’ASO a déjà clairement pris position pour une lutte contre le dopage dans le cyclisme plus agressive. Cette position dérange visiblement de nombreuses organisations influentes dans le sport dont le Comité International Olympique qui auraient tous une vision nettement plus permissive voire utilitariste du dopage, vision qualifiée "d’anglo-saxonne" par Lamour. En gros, le message de ces organisations serait "il faut lutter contre le dopage certes, mais jamais au point de mettre en péril l’image, l’économie et le développement du sport". Visiblement, la réputation de Lamour et les positions qu’il aurait pu adopter en tant que président de l’AMA inquiétaient. Pour le contrer, on lui a présenté un candidat surprise et on lui a imposé une primaire inattendue. Avec beaucoup de lucidité, Lamour a préféré se retirer tout en offrant aux pays européens de créer leur propre AMA européenne. Il faudra voir si ce souhait se transformera en réalité dans les prochains mois. Ces récents événements pourraient également jetter un doute sur les positions même de Dick Pound, un homme qui n’a pourtant pas la langue de bois et qui a milité, ces dernières années, pour une lutte efficace contre le dopage, dérangeant beaucoup dans le monde du sport, notamment l’UCI et Lance Armstrong. Pound aurait-il dû défendre plus fermement la candidature de Lamour? La vérité, c’est que Pound ne peut probablement pas faire grand chose. Le choix du prochain président ne dépend pas de lui mais bien du Conseil de Fondation. Il ne pouvait probablement pas modifier les statuts de l’AMA pour empêcher la tenue d’une primaire. Et déjà, de nombreux observateurs évoquent que le départ de Pound est une occasion rêvée pour tout ceux que l’AMA dérange afin d’affaiblir cette institution qui menace la survie même du sport professionnel. Les lobbys seraient très, très puissants… Pour Jean Pitallier, président de la Fédération Française de Cyclisme, la situation serait même pire: regrettant le retrait de la candidature de Lamour, un homme qui avait une vision très engagée dans la lutte contre le dopage, il affirme qu’il est possible qu’Hein Verbruggen soit celui qui, en coulisse, aie fomenté les récents événements afin d’éliminer Lamour et d’affaiblir l’AMA. Ancien président de l’UCI, Hein Verbruggen demeure l’actuel président de la puissante AGFIS (Association Générale des Fédérations Internationales de Sport) et à ce titre, aurait pu influencer le cours des choses. Rappelons que Verbruggen a toujours eu des positions très laxistes envers le dopage dans le cyclisme, se souciant d’abord et avant tout de préserver l’image et les revenus tirés du sport. La création du ProTour n’en est-elle pas la preuve incontestable? Cette position est aujourd’hui reprise par son successeur, Pat McQuaid. Enfin, comment ne pas penser que la guerre ouverte entre l’UCI et les organisateurs des trois grands tours, surtout ASO, ne soit pas liée à ces manoeuvres autour de l’élection du nouveau président de l’AMA? Sous Dick Pound, l’AMA a souvent été sur la même longueur d’onde que les organisateurs des trois grands tours, en particulier ASO, en matière de lutte contre le dopage. Cette collaboration ne manquait pas d’affaiblir l’UCI et de la décrédibiliser. Il est possible que l’UCI tente actuellement de profiter de la fin de mandat de Dick Pound afin de reprendre la main en s’assurant que le nouveau président sera plus proche de ses intérêts. Il est donc possible que l’UCI et indirectement le CIO aient fait le calcul qu’en portant l’Australien Fahey à la tête de l’AMA, cela serve ses intérêts tout en contribuant à isoler les organisateurs des trois grands tours, en particulier ASO qui ne pourrait plus compter autant dans l’avenir sur la collaboration de l’AMA pour lutter contre le dopage durant ses épreuves. Ne pouvant rivaliser sur le terrain, l’UCI aurait en quelque sorte porté la guerre qui l’oppose aux organisateurs des trois grands tours dans le monde de la politique du sport, usant de tous les moyens possibles pour éliminer les partenaires de ces organisateurs. Bref, tout cela sent très, très mauvais et nous sommes probablement en présence d’authentiques jeux en coulisse de très haut niveau. Au fond, deux visions s’affrontent: celle, européenne, qui souhaite prendre le taureau par les cornes dans la lutte contre le dopage, une vision qu’incarnait Lamour; l’autre, plus anglo-saxonne (bien qu’on doute que le Canada soutienne cette approche, ses positions contre le dopage étant sévères), qui milite pour un certain laxisme dans la lutte contre le dopage, estimant qu’il vaut mieux préserver avant tout l’image et l’économie du sport. Les récents événements montrent sans l’ombre d’un doute que les lobbys de la deuxième vision sont très puissants et surtout prêts à tout pour s’assurer que l’AMA ne leur mène plus dans l’avenir la vie aussi dure qu’au cours des dernières années.

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13 Commentaires

  1. patrick B

    La mise en place du système français actuel de lutte anti-dopage est due à la volonté de la majorité politique précédant celle de JF Lamour (le ministre était MG Buffet). Si elle reste assez dissuasive, plus que dans de nombreux autres pays, ce n’est pas le fait de JF Lamour et son gouvernement qui n’ont pas poursuivi dans la même voie et l’ont même adouci, c’est par simple inertie. Il n’y avait rien de bon à attendre de JF Lamour, je suis donc satisfait qu’il n’obtienne pas de majorité pour ce poste. Que fera Fahey de ce poste, je ne sais pas. Mais je suis plutôt satisfait de la présidence de dick Pound, qui vient lui aussi du “milieu anglo-saxon”.

  2. Bark

    A lire la presse française ce matin, le dopage a gagné à l’AMA.
    L’article de Laurent ressemble au meilleur de ce qu’on trouve sur la théorie du complot avec bien sûr les boucs émissaires bien connus UCI, Hein Verbruggen, Pat McQuaid, Lance Armstrong.
    Dans l’Equipe du jour, Lamour affirme que le représentant de l’europe ne l’a pas soutenu. Même le comité olympique français et certaines fédérations françaises ne l’ont pas soutenu. Vouloir inventer une rivalité Europe/reste du monde sur le dopage. Comme si en europe la politique anti-dopage était la même partout.

  3. Testocarbone

    Quelque soit le degré de paranoia qui sévit ce matin dans la presse française, faut’il rappeler à Bark, qu’Hein Verbrueggen continue de tirer les ficelles de l’UCI, et qu’Hein Verbrueggen est sans conteste, avec Sepp Blatter, une des plus grosses crapules que le sport connaisse.
    Après le volte face de l’AMA, je comprends aussi que toutes sortes de théories de complot puissent naître. Juste pour clarifier, je n’ai jamais prêté le moindre crédit à Lamour pour remplir sa mission, par ailleurs, mais incontestablement, ce qui s’est passé à l’AMA n’est pas trés catholique, ni casher d’ailleurs.
    Je ne vois pas non plus de rivalité Europe/reste du monde, mais bien une rivalité, trés classique sur le plan politique, conservateurs contre progressistes ou un combat gauche droite pour être plus précis. D’un côté les ultra-libéraux qui ne voudraient pas voir la poule aux oeufs d’or s’affaiblir devant les revendications des régulateurs et des idéalistes qui souhaitent un sport plus juste, plus propre.
    Eternel combat, qui va bien au delà des frontières du sport.

  4. patrick B

    Combien se sont gaussés lorsque j’ai évoqué le petit moteur dans le pédalier comme possibilité de triche bien plus sûre et moins risquée que le dopage. On dira que ce modèle est (pas immédiatement) visible, mais pour qui s’en donne les moyens, nul doute qu’on peut le rendre parfaitement invisible. Je réitère mes questions: et si le secret d’Armstrong était là? Qui peut me donner des raisons que ce n’est pas le cas?

    http://www.gruberassist.com/

  5. Mitch

    il faudrait vraiment être tordu! Il faudrait poser la question à Gruber pour connaitre leur opinion à ce sujet!!!

  6. patrick B

    Il faudrait vraiment être tordu pour faire quoi?
    Il me semble que doter son vélo d’un moteur mécanique est moins tordu que de pousser son moteur corporel au sur-régime par des moyens pharmaceutiques. Le gain est plus sûr et on élimine les risques sanitaires.
    Et vu que le dopage existe…
    Je crois que Gruber a tout simplement une meilleure connaissance de la psychologie humaine que notre ami Mitch, et qu’elle a flairé un marché à mon avis très prometteur…

  7. Testocarbone

    Oui mais ce qui est opérationnel aujourd’hui, l‘était ‘il déjà en 1999 ??
    J’en doute. Mais tout est bon à prendre pour quelqu’un de déterminé à gagner quel qu’en soit le moyen.

  8. patrick B

    Testo, si j’ai pensé à cette technique depuis plus de 10 ans, nul doute que je ne suis pas le seul. Je vous rappelle qu’il y a bientôt 40 ans qu’on a envoyé un vol habité sur la lune; essayez d’imaginer un peu ce que ça demande comme savoir-faire. Alors, maginer que quelques individus friqués se soient il y a une dizaine d’années associés avec quelques bons ingénieurs pour réaliser un petit moteur caché dans les tubes d’un cadre de vélo, ne me semble pas débile. Ceci dit, j’ai il y a plusieurs mois été le seul à donner des arguments autres que péremptoires au fait que j’ai tendance à croire que ce n’est pas arrivé au niveau pro. Au niveau amateur, j’ai de fortes convictions que c’est arrivé; il y a trop de tricheurs potentiels pour qu’il n’y ait pas de petits malins dans le lot. Et au niveau pro, qui peut me convaincre avec force que ce n’est pas arrivé?
    Je pronostique des contrôles de vélo dans ce sens dès cette saison…

  9. Charles Kohler

    Quand il n’y aura plus personne sur le bord des routes,le problème va se régler par lui même…

  10. Patrick B

    La compétition en cyclisme ne se limite pas au plus haut niveau.
    Personnellement, je participe à des courses sans aucun public. Et crois-moi les concurrents se dépouillent. Et je ne doute pas que certains d’entre nous n’hésitent pas à tricher. Et c’est dommageable pour les autres. Le brugerassist et autres copies vont augmenter le problème.

  11. Testocarbone

    Un moteur comme le brugerassist doit être bruyant, ou du moins doit résonner dans le cadre, de manière à se faire remarquer dans un sous bois calme où l’on entend que le bruit des chaînes.
    Non ?

  12. Patrick B

    “Il doit être bruyant”. Peut-être…

  13. C’est électrique, donc ça ne fait aucun bruit.

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