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Philippe Gilbert: « Le vélo va très, très mal »

Ca a le mérite d'être clair. J'ai été surpris de la récente déclaration du champion belge, en marge de la dernière course de la saison, le Tour de Lombardie.

Gilbert se base sur quelques observations pour soutenir cette opinion: retrait du sponsor HTC après une saison pourtant faste avec notamment Cavendish, Martin, Goss, Degenkolb et Van Garderen, arrêt de la jeune équipe Leopard et fusion avec RadioShack dans la confusion totale, disparition d'équipes en Belgique et en Espagne, baisse des spectateurs sur le bord des routes sur de nombreuses courses, difficultés de budget et pelotons faméliques dans plusieurs épreuves du calendrier.

C'est crédible, ça vient de quelqu'un qui est un acteur important du cyclisme depuis des années. Je n'ai rien pour mettre son opinion en question.

Je m'étais moi-aussi surpris du retrait d'HTC, une compagnie de téléphones portables, un produit hautement à la mode ces années-ci. L'équipe fonctionnait bien, gagnait, que demander de plus? Victime d'une concurrence féroce de la part de nombreuses autres compagnies dont Apple, Motorola, Samsung et BlackBerry?

Chose certaine, Bob Stapleton n'a pu retrouver de sponsors pour continuer l'aventure, et c'est une surprise que ce milliardaire américain n'ait pu relancer son équipe. L'an dernier, Bjarne Riis aurait mis la clef sous la porte si Saxo Bank n'avait pas rempilé pour quelques saisons supplémentaires, malgré d'excellents résultats à faire valoir lui-aussi. Inquiétant. 

Il est également vrai que le nombre d'équipes espagnoles a fortement diminué ces dernières années, plongeant au chômage de nombreux coureurs ibériques. Deux seulement se sont maintenues, jusqu'ici, en World Tour: Movistar et Euskaltel-Euskadi. Sinon, il ne reste guère plus que Geox voire Andalucia au niveau continental pro comme employeur.

Il n'y a plus d'équipes allemandes non plus. Il y a quelques années, par exemple sur le Tour 2006, on en comptait pas moins de trois, soit Gerolsteiner, T-Mobile et Milram. 

Idem pour les équipes italiennes: elles étaient six au départ du Tour 1998 (Mercatone Uno, Mapei, Saeco, Riso Scotti, Asics, Polti) ; il n'en reste plus que deux en World Tour, soit Lampre et Liquigas. 

Par contre, les équipes émanant des pays du Nouveau Monde (pour le cyclisme, j'entends) n'ont jamais été si nombreuses: trois aux États-Unis (Garmin, RadioShack, BMC), une en Australie (Green Edge) et une anglaise (Sky). Effet de la mondialisation ? Peut-être. Le centre de gravité du cyclisme se déplace peut-être et quitte l'Europe pour aller ailleurs. Certains s'en réjouiront surement…

Le public au bord des routes ? Je ne peux me prononcer sur ce point, faute d'assister aux courses européennes. Chose certaine, le public était au rendez-vous de ce côté-ci de l'Atlantique, pour les GP de Québec et Montréal. On voit également beaucoup de monde sur les monuments du cyclisme que sont les grandes Classiques et les trois grands tours. Pour le reste, Gilbert a probablement raison, c'est probablement le désert derrière. 

Enfin, les difficultés de budget sont en lien avec la difficulté de trouver de nouveaux sponsors prêts à investir dans une équipe cycliste. Les coûts croissants de la sécurité, des infrastructures plombent probablement d'autant plus les budgets serrés. 

Le bilan

Alors, le vélo va mal ? Difficile à dire, mais chose certaine, il a déjà été mieux portant et l'opinion de Philippe Gilbert compte. Quinze années de scandales de dopage et de guerres intestines n'ont surement pas aidé la cause du cyclisme… mais la principale raison est peut-être les années difficiles que le monde traverse depuis la crise économique de 2008. Baisse du pouvoir d'achat en Europe, crise des dettes souveraines, instabilité des marchés financiers, chômage élevé, la prudence est probablement de mise en ce moment et le sponsoring d'une équipe cycliste vu comme un luxe de nombreux dirigeants d'entreprises.

Le positif dans tout ça ? C'est que le cyclisme demeure un des sports professionnels les moins chers de la planète et qu'en ce sens, il demeure très concurrentiel. 

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15 Commentaires

  1. dédé la moulinette

    Certes la crise n’est pas étrangère aux difficultés que rencontre le cyclisme mais, le « spectacle » offert n’est-il pas, lui aussi en cause ?
    Une échappée matinale, deux heures de chasse, un sprint. Je schématise bien sûr mais le spectateur non spécialiste ne retient que cela. Les courses cyclistes deviennent aussi monotones qu’un grand prix de formule 1.
    La domination à outrance de tel ou tel coureur est aussi une insulte à l’intelligence et, à force de prendre les gens pour des …., il ne faut pas s’étonner qu’ils se détournent de ce sport.
    Heureusement il restera toujours des inconditionnels qui resteront des heures le long des routes pour voir passer un peloton ou qui investiront leurs deniers dans une équipe.

  2. nikkos

    D’accord avec Dédé. La crise économique ne peut pas être LA raison principale. Sinon pourquoi les autres sports, dont le sport roi en Europe, le foot, ne sont pas touchés ? Dans ces sports le pognon coule à flots. Dans ces sports, pas d’affaires, pas de dopage. Et comme Dédé, je pense que les courses, celles qui passent à la télé, sont ennuyeuses à mourir. Pour voir du spectacle, il vaut mieux aller sur une course de village, une ufolep, une fsgt.

  3. David

    Je crois que l’une des principales raison de ce déclin du cyclisme en Europe comme le signifie Philippe Gilbert est nul autre que Lance Armstrong. Voilà, je m’explique: Lance Armstrong n’a fait du Tour de France sa seule course importante de l’année, ne faisant que le Dauphiné en préparation au Tour et quelques autres ici et là. Lorsque la plus grande vedette de ce sport ne fait que quelque course, il est sure qu’il y a des conséquences. Que dirait les dirigeants de la LNH si les vedettes comme Crosby ou Ovechkin déciderait de ne pas jouer contre la moitie des club inférieurs. Le contexte économique est maintenant différent du temps d’Armstrong à son plus fort, mais je crois qu’il a aidé à contribuer au déclin des foules et des sponsors sur les autres courses autres que le Tour de France.

  4. Lucien

    Vous avez vu le Giro di Lombardia ? Zaugg m’a rappelé Gianetti à Liège, sorti de nulle part, surpuissant sans la rampe, malgré la position très haute sur me vélo, y arrive a tenir les autres au loin sur le plat. Ca donne pas envie de s’intéresser plus que ça, m’étonne pas que le vélo plaise moins.

  5. yannick

    meme constat
    *histoire de dopage
    *championnat du monde (des sprinters) soporifique
    *meme le tour de françe devient ennuyeux

    il va falloir se poser les bonnes questions

  6. Thierry Lemaire

    Tour de France ennuyeux ? le dernier était absolument énorme

  7. JOCELYN

    Bonjour, il ne faut pas débarquer tout de meme, il y a longtemps que le vélo est en crise à la base, aucunes raisons pour que le haut du panier soit préservé. Vous connaissez tous les raisons pour lesquelles énormément de courses de villages ont disparues. Argent, contraintes, maffias, dopage, changement de mode de vie, augmentation du nombre de sport,etc…etc…. bref un monde qui disparait. Cela est triste et fait peur.
    Pour l’anecdote, il y avait 100 000FRS au 1ER en 1958 au GP DE THIZY, et 100000FRS de primes distribuées à divers endroits du circuit!!!!!!!(Café/bar généralement)

  8. Marmotte

    Il n’y a pas de scandale dans les autres sports professionnels (autres que l’athlétisme et le cyclisme) tout simplement parce qu’il n’y a aucun contrôle rigoureux, et encore moins de volonté d’avoir des contrôles rigoureux. Vous connaissez un joueur de la English Premier League qui donne une heure de disponibilité par jour pour un contrôle inopiné ? Les joueurs de baseball professionnels, ils se font pourchasser pendant qu’ils font du ski en vacances avec leur petite famille pour un échantillon d’urine (c’est arrivé à Basso). On devrait dire: pas de volonté, pas de contrôle, pas de scandales.

  9. tuttle

    Quel cyclisme à la peine ? Les financiers / publicitaires mettent l’argent où cela rapporte. Les marques ont elles vraiment intérêt à mettre de l’argent dans un sport où un scandale est prêt à effondrer ce dernier tous les 6 mois ? Tout le cyclisme (sport ?) pro se fout de la gueule du monde…

  10. JOCELYN

    Le problème n’est pas QUE la, il était déja prévisible largement avant 98!!!Arreter de vous focaliser sur le dopage, meme si c’est bien sur un ENORME SOUCI,il va falloir beaucoup d’imagination pour que ce sport retrouve sa place dans les coeurs!

  11. schwartz patrick

    En prenant par exemple le budget d’HTC qui ne peut être qu’énorme vu la qualité de leur plateau, si les profits sont en baisse, question de conjoncture ou non,si les investisseurs veulent placer leur argent dans le foot ou dans la voile, question d’image et de changement, c’est autant d’argent qui n’ira pas dans le vélo; de plus le vélo commence quand même à être cher, quand un cadre carbone monocoque se négocie en Chine entre 45 et 75 dollars au départ, quand vous l’achetez, c’est 1500 euros! ; quand de bonnes chaussures fabriquées dans les pays de l’est de l’Europe ou en Chine vous coûtent bientôt 300 euros! tout est rapport de cause à effet ! Et puis il y a effectivement la mondialisation qui condamne doucement la « vieille Europe », saturée, blasée, vieillie qui perd son dynamisme et survie grâce à son histoire, son passé …Les champions sont surtout anglosaxons !

  12. Ray Neuville

    Il n’y a pas d’illusion à se faire, Gilbert a raison. Le cyclisme sur route se porte mal. Les raisons sont multiples. En est-il ainsi des autres sports cyclistes? Le vélo de montagne avec toutes ses variantes,le trial, le BMX et le cyclocross attirent de plus en plus une clientèle jeune avec un pouvoir de consommation très important. Ces sports sont plus déjantés où la discipline bien que présente est certes moins exigeante pour les athlètes. Moins de contraintes aussi pour les organisateurs de compétitions. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est qu’une entreprise fait des placements publicitaires là où le retour sur l’investissement est le plus élevé pour un niveau de risque limité. À moins de réagir, je doute que les heures de gloire du vélo de route soient derrière nous. Le ski alpin a dû s’adapter à la planche à neige, le cyclisme sur route devra le faire aussi en prenant une orientation moins élitiste.

  13. tyler kay

    Bonjour,

    Réflexion intéressante, commentaires intéressants.

    Les affaires de dopage des quinze dernières années n’ont pas aidé, c’est certain.

    La FFC à tout de même enregistré cette année un nouveau record de licencié

    http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/06/25/la-federation-francaise-de-cyclisme-bat-son-record-de-licencies_1541111_3242.html

    +1% sur la route, avec des gros score en BMX (+10%) et VTT (+8%).

    Concernant les sponsors, les joueurs de football espagnols faisaient grève en début de saison car certains clubs ne pouvaient plus les payer, preuve que cela ne touchent pas que le cyclisme…

    http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/08/19/greve-deficit-record-cessation-de-paiements-le-football-espagnol-en-mauvaise-posture_1561248_3242.html

    Si HTC se retire, c’est avant tout pour moi parce qu’après quelques années dans le cyclisme, leur visibilité ne peut pas être améliorée. Les Taiwanais voulaient être connus en Europe, c’est fait.

    Après, il reste la crise. Et le modèle économique choisi par l’UCI…

    Concernant les spectateurs, pas constaté de baisse de fréquentation sur le TDF, un peu plus sur Paris-Tours, mais je suis moins bien placé que Philippe Gilbert pour en parler…

  14. Zut

    Ben voyons…
    Le cyclisme n’a jamais été aussi démocratisé, pratiqué, beau, puissant, rapide, scientifiquement vulgarisé et vendable.
    Il faut peut-être tenter de vendre les équipes à un autre type d’investisseur…
    Pas des gens qui désirent faire de l’argent avec une équipe, mais bien des investisseurs qui sont prêts à en perdre pour payer un peu moins d’impôts… De vrais trippeux de vélo riches !

  15. LaFemmeRouge

    Marre de la « Crise », elle existait déjà à ma naissance !
    La parenthèse du retour d’Armstrong a fait beaucoup de mal au cyclisme aussi…

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