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Le cheminement de Geneviève Jeanson

Je trouve la démarche très intéressante, utile. Admirable même.

Geneviève Jeanson a fait parvenir hier une lettre à l’UCI exprimant ses inquiétudes quant aux sanctions réservées à Patrick Van Gansen, l’ex-manager de l’équipe féminine Health Mate convaincu d’harcèlement physique et psychologique envers plusieurs coureuses.

Le cas avait fait du bruit: onze femmes ont rapporté des comportements inappropriés, et quatre plaintes formelles ont été logées auprès de la Commission d’éthique de l’UCI.

Van Gansen a été condamné par la Commission de discipline de l’UCI à un peu moins de trois ans de suspension, rétroactive, soit du 16 avril 2020 au 31 décembre 2022.

Jeanson trouve la sanction insuffisante. Je suis parfaitement d’accord avec elle.

Elle évoque, à titre de comparaison, qu’un(e) athlète pris pour dopage aujourd’hui écope de quatre ans de suspension, et d’une suspension à vie en cas de récidive. Elle mentionne également que dans la société civile, une agression sexuelle est passible d’une peine de prison. Bons points.

Difficile de trouver une personne mieux placée et plus crédible qu’elle pour témoigner des effets dévastateurs que peuvent avoir des entraineurs abuseurs sur de jeunes athlètes.

Et son initiative arrive à un très bon moment, alors que le Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports tient en France sa 2e convention nationale de prévention des violences dans le sport.

Des cas isolés? Détrompez-vous: les chiffres sont effarants. En France seulement, 407 affaires de violences sexuelles dans le sport au cours de la dernière année, mettant en cause 445 personnes et 48 fédérations sportives. Le cas de Sarah Abitbol est probablement le plus médiatique.

On attend toujours une décision de la Commission de discipline de l’UCI dans le dossier d’harcèlement sexuel opposant Marion Sicot et Mark Bracke. La Commission d’éthique de l’UCI a déjà statué que le code d’éthique avait bel et bien été enfreint par Bracke.

Au Canada et au Québec, Natation artistique Canada est actuellement même au coeur d’un gros scandale d’abus psychologiques de la part d’entraineurs envers plusieurs athlètes. Même l’ex-olympienne Sylvie Fréchette s’en est mêlée.

Faut que ca cesse. Et vite. Vivement cette plate-forme pour les lanceurs d’alerte, promise par l’UCI.

La réhabilitation de Jeanson

Je trouve le geste de Geneviève Jeanson admirable car il témoigne d’une volonté de contribuer aujourd’hui concrètement à prévenir ce genre de comportements totalement inacceptables et extrêmement préjudiciables pour les jeunes sportifs(ves).

Et de s’assurer que les abuseurs sont sanctionnés de façon appropriée. Devons-nous rappeler ici qu’André Aubut, son ex-entraineur, a récidivé depuis sur d’autres femmes?

Ce qui n’est pas pleinement compris se répète, dit-on.

Geneviève Jeanson aurait pu rester loin de tout ça.

En ce sens, son geste est courageux aussi, car il implique de se replonger dans un chapitre de sa vie certainement toujours douloureux pour elle. Sa lettre est manifeste en ce sens:

The abuse that I endured by my coach damaged me. I never thought I would be good at anything else, or be able to function in a normal society. I sought professional help in 2008, and stayed in therapy until 2019. I can proudly say that I am now living a healthy and happy life, but not all young women cyclists have the same opportunities to heal that I had: most will suffer in silence for the rest of their lives.

(…)

It took me 7 years to touch a bike after I was suspended and I retired. I will never know what would have become of my life if I would have had an enriching and healthy career. I’m still bitter about that. Can you believe that it took a failed EPO test and a 10 year suspension to save my life? That suspension allowed me to escape from the imprisonment of my abuser. 

Let’s not have that happen to other riders.

Genevieve jeanson

De toute évidence, Geneviève Jeanson a beaucoup cheminé depuis ses aveux en 2007. C’est tout à son honneur.

Lance Armstrong ne peut (toujours) pas en dire autant.

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11 Commentaires

  1. Serge

    Salut Laurent,

    Comment espérer que les fédérations fassent la police dans leur propre organisation ? Le plus souvent, ils sont déjà au courant des problèmes, donc complices et c’est seulement quand cela devient public qu’ils font mine de s’en occuper avec des sanctions dérisoires. Les fédérations doivent gérer que le sport, ces affaires sont de la compétence des tribunaux de justice pour envoyer ses voyous derrières les barreaux.

  2. Antoine Vayer

    Oui, madame Jeanson est admirable dans sa démarche ! Sa lettre est parfaitement juste. Si un Québécois parfaitement bilingue pouvait « bien » la traduire, en Français je la publierai en France. Un volontaire ?

    • esteban

      @ Antoine Vayer. Même si il n’y a pas de traduction, je serais heureux si vous acceptiez de la publiez quand même.

      • Antoine VAYER

        Non, en Français. Peu de Français lisent bien l’Anglais.

    • X

      Les abus que j’ai subis de la part de mon entraîneur m’ont brisés. À cette époque je n’ai jamais pensé que je pourrais être bonne à autre chose ou être capable de mener une vie normale dans la société. J’ai été chercher de l’aide professionnelle en 2008 et je suis restée en thérapie jusque en 2019.
      Aujourd’hui je peux affirmer fièrement que j’ai une vie heureuse et en santé, mais ce ne sont pas toutes les jeunes femmes cyclistes abusées qui ont la chance d’être soignées comme moi. Beaucoup d’entre elles vont souffrir en silence le reste de leur vie.
      Ça m’a pris 7 ans suite à ma suspension et ma retraite avant de retoucher à un vélo. Je ne saurai jamais comment aurait été ma vie si j’avais eu une carrière enrichissante et en santé, je peux seulement spéculer. Je suis encore amère quand j’y repense. Pouvez-vous croire que c’est un test positif à l’EPO et une suspension de 10 ans qui ont sauvé ma vie ? Cette suspension m’a permise d’échapper à mon bourreau.
      Ne laissez pas ces abus se reproduire à d’autres coureuses.

  3. noirvélo

    Il y va dans le sport comme dans la politique , en haut , il y a une autorité qui sait (tout ?) beaucoup , qui se doute … Il y a toujours des bruits de couloirs , des « miaulements » , des personnes qui parlent ,qui pensent mais qui n’osent pas plus , par lâcheté , parce que leur job est en question et qu’il est bien rénuméré … Alors on se tasse , « on fait comme si », on n’est pas sûr …. Ces « on » font partie d’une (petite ?) majorité silencieuse de la « classe moyenne » qui est dans le doute permanent entre les « petits » (tes) qui subissent ou les « autres » qui font le mal , en bas , et la hiérarchie qui du haut de sa pyramide , ferme les yeux par complaisance ou par vice … Et il y a toujours un moment où je me dis que l’autorité est complice de ce vice … Comment croire que l’autorité « toute puissante , si informée par ses « lèche culs » ou ses ambitieux opportunistes (trop souvent sévèrement impliqués ) … ne sait pas ???
    Le problème est là , l’inattaquabilité du « sommet » , cette bureaucratie sourde et si souvent corrompue …

    • esteban

      @Noirvelo. je suis en partie d’accord avec ce que tu dis mais je voudrais apporter un bémol et élargir la discussion aux enfants maltraités. Sauf à être témoin de fait, dénoncer c’est difficile. On est toujours dans le doute. Si il y a maltraitance le maltraité subi cette non dénonciation, si il n’y en a pas le mal n’est pas forcement moins pire pour celui qui est l’objet de cette dénonciation. Je ne souhaite à personne d’être en situation d’avoir des doutes sur d’éventuels faits de violence/viols. Or au vu de l’incidence de la maltraitance en France, nous avons tous dans nos connaissances des gens qui se font maltraiter. Nous avons tous l’obligation de faire des signalements, or peu d’entre nous en avons fait.
      En France, il me semble que l’on peut faire un signalement au procureur et celui-ci peut diligenter une discrète première enquête afin d’en savoir plus, puis lancer les procédures si il y a de serieux doute, ce qui est un bon compromis me parait-il.

      • noirvélo

        Je suis d’accord avec toi , le doute est un problème ,, la solitude aussi face à la puissance de l’autorité . C’est pourquoi , il faut se prendre le courage de parler , en partageant les données , les expériences et surtout les soupçons . De plus , il faut trouver les bonnes personnes de confiance et sa confiance propre . S’armer de courage et ne pas considérer son adversaire sportif sur le terrain comme un adversaire moral dans le domaine privé et mélanger les genres mais se battre pour une cause commune …
        Pour l’affaire « Weinstein » par exemple , du monde savait , beaucoup de gens savaient …. Mais l’argent , la carrière , les relations , le job sont de sérieux freins au courage … Et si personne n’ose prendre le départ , personne ne suit ! A partir de la témérité primale d’une victime , tout s’est décanté , enfin … Dans notre société individualiste , moi , moi , moi !!! , on oublie cette cause commune …

  4. Edgar Allan Poe

    Je ne sais pas ce qu’il en est au Québec ou au Canada, mais dans l’Hexagone, entre affaires de pédophilies chez les curés, maltraitances et abus sexuels dans le sport, dans le monde de la culture, au travail, en famille… certains jours les médias me filent la gerbe ! Enfin, les medias ne font que relater des déviances humaines… donc, de nos semblables.
    J’en arrive à me dire que j’ai eu de la chance de ne pas avoir été confronté à ces tordus, et ne parviens pas à analyser quel processus psychologique amène à perpétuer ce genre de forfaits !
    Bon… c’est demain les Gars !
    On est chaud comme une baraque à frites au sommet du Kwaremont, assaillie par des fans de Boonen assoiffés. Gare Cancellara… 🔋🔌

    • noirvélo

      Pour moi dans le « Kop » , EAP , dans les entrailles du démon !! mais il est vrai et je l’admets , le Kwaremont est plus long , plus usant , plus décisif aussi , j’en sais quelque chose … Mais le Kop , c’est juste plus « fun » …

  5. Jacques Faille

    Bonjour Geneviève. J’ai été un de tes fidèles supporteurs, et je le suis toujours. J’ai été aussi un fidèle supporteur de Marco Pantani, et je le suis toujours. Vous avez tous deux souffert sur un vélo, et dans la vie. Toutes les souffrances et le prix que vous avez payé, sont beaucoup plus grands que tous les trophées ou la gloire que vous avez pu en récolter. Je te souhaite d’être heureuse et de passer à autres choses, tu as amplement payé. Lorsque tu rencontre quelqu’un qui te regarde avec insistance, ne baisse pas les yeux, dis toi simplement qu’il aimerais te parler, mais il ne sait pas comment aborder le sujet. Ce que tu fais maintenant pour aider d’autres personnes dans le besoin est excellent pour ta guérison

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