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L’arnaque des béta-2 agonistes

Le récent cas Wiggins a levé un doute sérieux quant à la légitimité de l’utilisation par les coureurs pro des fameuses AUT (autorisation pour usage à des fins thérapeutiques). Dans le domaine, on a l’impression que c’est du grand n’importe quoi, les coureurs pro, à consulter leurs fichiers médicaux, passant sur papier pour de grands malades!

Je publie aujourd’hui une contribution spéciale de Marc Kluszczynski (que je ne présente plus!), et je l’en remercie pour ce billet éclairant sur le sujet. Il nous montre que l’usage de tels bêta-2 agonistes, disponibles au commun des mortels (donc nous), n’est certainement pas recommandé!

L’arnaque des béta-2 agonistes

Avec les bronchodilatateurs (ou bêta-2 agonistes) type salbutamol, on est bien en présence d’un « doping to lose » que s’infligent eux-mêmes les utilisateurs de ces substances, même si trois d’entre elles (salbutamol, salmétérol et formotérol) sont d’usage légalisé depuis 2011.

« Doping to lose » car le phénomène de tachyphylaxie, inhérent à cette classe de médicaments, est bien documenté dans le domaine médical du traitement de l’asthme. Le phénomène de tachyphylaxie est celui de l’accoutumance rapide du corps à une substance lorsqu’administrée de façon répétitive.

Pourtant, dans le domaine du dopage, l’absence d’information, la mode (si tout le monde en prend, pourquoi ne pas essayer ?) ont fait généraliser leur usage, et pas seulement en ski de fond. Avec les bêta-2 agonistes, le problème de la tolérance à long terme se traduit immanquablement par une diminution d’efficacité puis une inversion de l’effet, et donc une majoration de la constriction bronchique, l’inverse du but recherché !

Ces médicaments perdent donc leur efficacité au cours du temps par désensibilisation des récepteurs bronchiques, phénomène qui touche aussi d’autres classes de médicaments. Cette tachyphylaxie reste partiellement régressive après interruption du traitement pendant quelques jours. Il se pourrait alors qu’un non-utilisateur de bêta-2 agonistes soit finalement avantagé par rapport à un adepte dépendant de ces substances!

Cette tolérance à long terme pourrait peut-être expliquer le recours à d’autres voies d’administration, comme avec les appareils à aérosol pneumatique ou sonique employés par les équipes nationales des fondeurs norvégiens depuis 2 ou 3 ans. Mais pire, des articles médicaux citent que « la tachyphylaxie pour la broncho-protection est en partie prévenue par la corticothérapie », à l’efficacité incertaine dans ce domaine. Les corticoïdes deviennent ainsi la 2ème ligne d’assaut de l’arsenal médical, après épuisement de l’effet des bêta-2 agonistes. Et qui ne dit que certains sportifs ne soient pas tentés ? Car les corticoïdes par voie inhalée sont autorisés! Non sans danger: signalons que l’insuffisance surrénalienne aigüe (mortelle) reste possible avec la corticothérapie inhalée à haute dose (1mg/j de fluticasone)…

Avant 2011, les bêta-2 agonistes n’étaient pas libéralisés par l’Agence mondiale antidopage (AMA) et nécessitaient une autorisation pour usage à des fins thérapeutiques (AUT). Celle-ci devait répondre à quatre critères de délivrance. Et à y bien regarder, les bêta -2 n’en répondaient à aucun ! C’est peut-être pour cela que leur usage est devenu légal pour trois d’entre eux.

Les quatre critères étaient les suivants. 1er critère, l’absence de prise de la substance créerait un préjudice de santé : des sportifs ont signalés que l’inhalation de salbutamol leur provoque une crise d’asthme peu après.

Le 2ème critère n’est pas rempli non plus : plus personne ne croit à leur absence d’effet sur la performance.

Pas plus que le 3ème : des alternatives thérapeutiques existent, comme les anticholinergiques, jamais interdits, et à effet systémique réduit.

Le 4ème critère, qui cite « la condition pathologique ne doit pas être la conséquence d’une utilisation antérieure de la substance » vole en éclat avec le phénomène de tachyphylaxie.

L’AMA devrait donc interdire de nouveau les trois bêta -2 agonistes (salbutamol, salmétérol et formotérol) et restreindre l’accès des AUT qu’à certaines des substances de la liste interdite : il n’y a pas d’AUT possible pour l’EPO, il ne devrait pas y avoir d’AUT pour ces bronchodilalateurs ou les corticoïdes non plus. Si les AUT ou leur usage demeure possible, il faudrait interdire de toute compétition pendant 15 jours le bénéficiaire.

En ce sens, la Russie, qui critique actuellement l’AMA sur ce système des AUT, n’a pas entièrement tort…

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  1. jmax

    Il semble que Thomas Dekker balance fort sur les fameuses AUT dans son autobiographie. Que faire à part tout interdire ?

  2. mica

    L’ article de M. Klusczynski est certainement éclairant, mais il s’ adresse à des spécialistes, confinant quasiment au domaine de la recherche; ce que je retiens est que tout cela est décidemment bien compliqué et que la lutte contre le dopage est pratiquement impossible.
    J’ ajouterai, par ailleurs, que certaines fédérations, celle de rugby par exemple, justifient l’ usage thérapeutique de substances très puissantes par la necessité de « soigner » les blessures des matchs antérieurs. Bref, c’ est le serpent qui se mord la queue. Dés lors toute lutte anti dopage devient impossible. (un peu comme pour certains coureurs qui justifient l’ usage de crémes aux corticoïdes par une blessure « à la selle » par exemple).
    Le milieu du sport est certainement pourri, et le cyclisme n’ est bien sur pas le dernier dans ce domaine. Tiens, pendant ce temps on ne parle pas des moteurs électriques et autres turpitudes…
    J’ ai cru apprendre récemment que Argentin (un ancien « champion » Italien) vient de se voir infliger 1 an de prison pour fraude (qui n’ avait rien à voir avec le cyclisme apparemment), Argentin fraudeur?..tu m’ étonnes! Au sein d’ une longue lignée comprenant, entre autres, Sarroni, Vicentini, Moser, Pantani….que du beau linge!

  3. lNoirvélo

    De toutes façons, tout le monde est au courant des AUT et des corticoides, du coureur au médecin en passant par les DS, les sponsors,les médias du sport,les organisateurs,
    les juristes du milieu et les institutions (l’UCI et toutes les fédérations), l’AMA et toutes les agences
    anti-dopage … Et puis moi aussi parce que ça fait longtemps que j’en parle des corticoides « produit miracle » et des AUT qui suivent… Mais à quoi bon,le mal est fait,le mal perdure et n’est pas prêt de disparaître!
    Quand on me dit « tous ne sont pas dopés », ça me fait bien rire, oui 3%,peut-être … Les autres le sont ou sont malades ! Personne ne va me prétendre que tous les coursiers ne vont pas tôt ou tard « essayer » pour gagner
    ou pour finir le 7e col… éternel débat où je me répète depuis des années en étant bien conscient ! Alors on fait quoi ? Tout le monde le sait alors on agit,oui ou non ?

  4. Donjuandodu

    Désolant de voir depuis combien de temps le problème est dénoncé et que rien n’a changé. Citation de Christophe Basson dans l’humanité 26-06-2001.
    « Vous croyez sérieusement que la moitié des coureurs sont asthmatiques? Il faut arrêter de nous prendre pour des cons. Je suis désolé mais quand un coureur a une bronchite, il doit aller au lit. Le problème c’est que l’on veut à tout prix le remettre sur son vélo. Du coup, le coureur « malade » est un coureur heureux.
    On devrait interdire l’acte de récupération. L’acte de piqûre devrait être interdit. Mince, on fait pas du sport pour se faire des piqûres, on fait du sport pour s’épanouir. « 

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