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La machine Armstrong décortiquée…

La nouvelle du jour est évidemment la publication de « cet article scientifique »:http://jap.physiology.org/cgi/content/full/98/6/2191 intitulé « _Improved muscular efficiency displayed as Tour de France champion matures_ » dans la revue scientifique américaine Journal of Applied Physiology. L’auteur, « Edward F. Coyle »:http://www.utexas.edu/opa/news/2005/06/education15.html, un professeur à l’Université du Texas, a pu régulièrement tester Lance Armstrong lorsque ce dernier était âgé entre 21 et 28 ans (il a donc été témoin des effets de l’interruption d’entrainement provoquée par le cancer d’Armstrong) et explique, dans cet article, le secret des succès du champion américain.

La principale conclusion de son article est que les performances exceptionnelles d’Armstrong sont en bonne partie due au fait que ce dernier parvenait, dans les semaines avant le Tour, à réduire son poids corporel de 4 à 7 kg, améliorant ainsi considérablement son rapport poids/puissance. Selon l’auteur, cette perte de poids conduisait à une amélioration d’environ 18% de ce rapport poids/puissance. Il prend toutefois la peine de décrire de nombreux paramètres physiologiques du champion américain, paramètres qu’il qualifie souvent d’exceptionnels.

« Certains journaux ont repris cette conclusion et l’ont déformé »:http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/RTGAM.20050614.wlance0614/BNStory/Sports/, titrant que Lance Armstrong devait davantage ses résultats à la façon dont il s’entraine et à sa motivation plutôt qu’à des avantages génétiques à la naissance. Une lecture attentive de l’article de Coyle nous permet de dire qu’en aucun temps l’auteur affirme une telle chose, montrant plutôt qu’Armstrong dispose justement d’une génétique tout à fait exceptionnelle et à son avantage lors de la pratique du cyclisme. Extraits et commentaires :

-« _In the trained state, this individual (NDLR : Armstrong) possessed a remarkably high VO2max of 6 l/min, and his blood lactate threshold occurred at a VO2 of 4.6 l/min (i.e., 76–85% VO2max). These physiological factors remained relatively stable from age 21 to 28 yr. These absolute values are higher than what we have measured in bicyclists competing at the US national level, several of whom subsequently raced professionally in Europe during the period of 1989–1995. The five-time Grand Champion of the Tour de France during the years 1991–1995 (NDLR : Indurain) has been reported to possess a VO2max of 6.4 l/min and 79 ml·kg–1·min–1 with a body weight of 81 kg. Laboratory measures of the subject in our study were not made soon after the Tour de France; however, with the conservative assumption that VO2max was at least 6.1 l/min and given his reported body weight of 72 kg, we estimate his VO2max to have been at least 85 ml·kg–1·min–1 during the period of his victories in the Tour de France. Therefore, his VO2max per kilogram of body weight during his victories of 1999–2004 appears to be somewhat higher than what was reported for the champion during 1991–1995 and to be among the highest values reported in world class runners and bicyclists (e.g., 80–85 ml·kg–1·min–1)._ » Ce qui signifie que si le meilleur Indurain aurait eu pour rival le meilleur Armstrong, ce dernier l’eut emporté, du moins sur le papier. Par ailleurs, la VO2max annoncée pour Armstrong surprend, ne concordant pas avec nos lectures précédentes qui laissaient plutôt croire à une VO2max assez moyenne. Greg LeMond aurait apparemment été le cycliste avec la VO2max la plus élevée au cours des 20 dernières années, avec une valeur tournant autour de… 95 ml·kg–1·min–1.

-« _However, the most unique aspect of this individual’s blood lactate profile was the extremely low lactate concentration measured 4 min after exhaustion during measurement of VO2max._ » Voilà qui prouve ce qui était déjà connu, c’est-à-dire l’exceptionnelle capacité d’Armstrong de tolérer l’acide lactique dans ses muscles ainsi que des facultés de récupération très impressionnantes après un effort maximal.

-« _If this individual performed no training for 3 months, we predicted his VO2max would stabilize at 5 l/min (e.g., 61–63 ml·kg–1·min–1 for a body weight of 80 kg) based on our previous measurements in well-trained endurance athletes during detraining. A VO2max in the range of 56–62 ml·kg–1·min–1 is generally believed to be the highest value that the average man who is not genetically endowed for endurance can achieve with prolonged and very intense endurance training. As such, it appears that in the detrained state, this individual’s VO2max is in the range of the highest values than normal men can achieve with training._ » Le fait objectif qui tue ! Sans entrainement aucun, Armstrong a donc par défaut la VO2max d’un athlète « normal » très bien entraîné. Voilà qui prouve une fois de plus la dure loi du sport cycliste, c’est-à-dire que la volonté, la discipline et la détermination ne suffisent pas à faire de quelqu’un un coureur pro ; il faut aussi un bagage génétique favorable, point final. On l’a, ou on ne l’a pas.

Bref, Armstrong possède bel et bien un excellent moteur lui permettant des performances exceptionnelles et il serait très intéressant de comparer ce moteur à celui de Jan Ullrich par exemple. Il faut cependant dire que l’article publié aujourd’hui ne prouve absolument pas que les performances d’Armstrong sur les 6 derniers Tours de France sont humaines. L’auteur a dépeint le moteur d’Armstrong, expliquant les mécanismes qui sont intervenus pour en faire un cycliste de très haut niveau. À ce jour, seuls les calculs d’Antoine Vayer nous apparaissent crédibles pour estimer la puissance requise pour gravir l’Alpe d’Huez ou Hautacam dans les temps records du champion américain. Avec des conclusions bien sûr très contreversées…

On termine par un élément à nos yeux très intéressant : dans sa conclusion, l’auteur avance que « _We hypothesize that the improved muscular efficiency might reflect alterations in muscle myosin type stimulated from years of training intensely for 3–6 h on most days._ ». Cette conclusion pourrait être vue comme un élément en faveur d’un entrainement sous la forme du « Long Slow Distance » (LSD) qui consiste à faire de longues heures de selle à faible ou moyenne intensité. Or, on sait que la tendance actuelle va dans l’autre sens, c’est-à-dire vers l’entrainement par intervalles (EPI) si chère à l’entraineur Guy Thibault par exemple. Cette technique d’entrainement de l’EPI aurait plus d’impact sur la VO2max que le « LSD ». Aussi, peut-on réconcilier ces deux méthodes d’entrainement en affirmant que chez les individus génétiquement favorisés, le « LSD » serait plus efficace (sous l’hypothèse que ces individus n’ont pas « besoin » de travailler leur VO2max, cette dernière étant déjà très élevée) alors que chez les autres, l’EPI générerait de meilleurs résultats en développant (ce serait nécessaire pour leur permettre de faire de la compétition) la VO2max ? M. Thibault, Erick et tous les entraineurs qui lisez ce petit site, merci de nous éclairer à ce sujet!

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6 Commentaires

  1. toutouille26

    je reprendrais donc la conclusion d’antoine vayer: un cycliste ne peut pas faire ces performances mais un champion venu de loin avec un bagage genetique exceptionnel le peut….
    armstrong doit etre ravi de ce genre d’article!l’auteur devrait s’associer avec charly mottet pour faire un livre genre “LA confidentiel,les secrets L’Avalage de couleuvres”.
    Si ca amuse les gens de voir armstrong mecaniquement monter joux plane parce qu’il fait du muscle avec de l’hormone en vue de son duel de juillet(qu’il devrait perdre…),ils acheteraient tous le livre

  2. Bella Bicycletta

    Cette pseudo étude n’est pas vraiment nouvelle. En fait elle fut en mise en cause par Lemond lui-même dans une conférence.

    C’est drole de constater que ce genre de truc tombe toujours à point nommé pour ceux qui en sont les sujets!!

    Pour Coyle c’est le rapport poids puissance de Armstrong qui explique ses performances pour d’autres comme Luc Leblanc, improbable champion du monde c’est son entrainement et sa discipline de respiration, (expliquer sur la radio RMC lors du tour 2004)…

    L’explication de Coyle ne fut d’ailleurs critiquée pas que par Lemond mais également par d’autres medecins du sport.

    En attendant que Virenque par la voix de maitre Colard nous explique qu’en fait il fut droguer à l’insu de son plein grès avec du poulet aux hormones de chez Mc Donald!

    Et l’arrêt cardio-respiratoire de Galletti et sans doute du aux pizzas Napolitaines !!

  3. toutouille26

    y a un metier tres stressant qui va encore plus le devenir dans les annees qui viennent, c’est medecin dans les courses cyclistes(dr porte,etc).
    ils va falloir qu’ils aient encore plus de talents que le docteur sylvestre de france 3!!
    et des dons de divinations pour savoir ce que les cyclistes ont ingurgité avant pour les reanimer et leur donner les bons médocs
    imagine l’angoisse du medecin qui sait pas combien de coureurs franchiront la ligne d’arrivee les pieds devant! ca va etre l’hecatombe..
    comme dirait gerard holtz:
    vive le sport (sur france television)

  4. erickk

    D apres moi et selon ma modeste contribution et savoir, les 2 formes d entrainements sont complémentaires. Juste en triathlon, nous avons des exemples de périodisation annuelle longue distance / courte distance une année sur l’autre avec tout ce que cela implique comme dominante de travail. Et ca fonctionne !

    La différence avec le cyclisme est que ce sport est un sport d’endurance fait d’une course de mouvement (encore plus vrai sur une épreuve sur plusieurs jours) dont la capacité de récupération à tous les niveaux (durant l’épreuve, durant les jours de course et entre compétition) est cruciale (le fameux jour sans).

    C’est sur que je n’ai jamais eu la chance de manier un athlète avec un tel bagage génétique. Par contre le monde de l’entrainement est très curieux avec diverses écoles de pensées, j’ajouterais aux 2 évoqués par LFR celle qui consiste à axer ses efforts sur le travail au seuil anaérobie (SAN) très en vogue actuellement.

    D’expérience (et elle est réduite je le repète par rapport à des Carmichael ou autres), je sais que surprendre un athlète avec un pattern totalement différent est doublement bénéfique : physiologiquement bien sûr, mais psychologiquement. Il ne faut pas qu’un entraineur soit prévisible, si tel est le cas, mieux vaut changer de métier (et s’assoir dans un bureau d’une fédération par exemple, arf !)

    erickk (double K)

  5. erickk

    J’oubliais… j’aimerais bien savoir connaitre la source de la VO2Max de Lemond, 95 ! Ca accote les meilleurs fondeurs… Stupéfiant.

  6. eb jones

    Lemond avait du plomb dans l’aile, Armstrong lui nous fait voir sa lune… Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité… Espérons que c’est du pied gauche, ça porte bonheur.

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