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Élections à l’UCI : les actes et les scénarios d’un roman-feuilleton

C’est le jour de vérité à l’UCI et pour la gouvernance du cyclisme puisque c’est aujourd’hui qu’on procèdera à l’élection du nouveau président de l’UCI.

En théorie!

Car dans les faits, la situation pourrait sérieusement se compliquer autour de la question de la validité de la candidature du président sortant, Pat McQuaid. Voici quelques explications et scénarios entourant un vrai roman-feuilleton!

Acte 1. Selon les règles en vigueur, un candidat à la présidence de l’UCI doit être proposé et soutenu par sa fédération nationale. Dans le cas de Pat McQuaid, il s’agit de la fédération irlandaise de cyclisme (Cycling Ireland). Le comité directeur de Cycling Ireland lui octroie cet appui durant le printemps dernier.

Acte 2. De plus en plus de voix s’élèvent en Irlande pour dénoncer le soutien de Cycling Ireland à l’endroit de Pat McQuaid. N’étant plus certain de continuer à recevoir l’appui de sa fédération nationale, McQuaid a une idée lumineuse en mai pour protéger ses arrières (on n’est jamais trop prudent): solliciter l’appui de la Fédération suisse de cyclisme (Swiss Cycling), ses deux mandats à la présidence de l’UCI l’ayant obligé à s’établir en Suisse, donc à en devenir résident… Et tant pis pour la loyauté à ses origines nationales!

Acte 3. Toujours en mai, le comité directeur de la fédé suisse lui donne son appui. Pendant un moment, la candidature de McQuaid était donc soutenue par deux fédérations!

Acte 4. Sous la grogne populaire, Cycling Ireland n’a d’autres choix que de satisfaire à une demande de tenir une assemblée extraordinaire de ses membres, en juin, ceci afin de leur permettre de se prononcer sur le soutien de la fédération envers McQuaid. Sans surprise, une majorité de membres votent contre le soutien à McQuaid, obligeant la Fédé irlandaise de lui retirer son appui. Ironiquement, son président, Rory Wyley, tout juste bafoué par ses membres, déclare dans la foulée « As a national federation, who is president of the UCI doesn’t impact us hugely, directly. Life goes on.«  McQuaid s’en fout, il est soutenu par les Suisses…

Acte 5. À peu près au même moment, trois membres du comité directeur de la fédé suisse de cyclisme contestent eux-aussi le soutien de leur fédé à l’endroit de McQuaid, et menacent d’amener l’affaire devant les tribunaux. Manque de pot pour McQuaid donc, l’histoire de Cycling Ireland se répète avec les Suisses! Pat McQuaid redevient donc nerveux à l’idée d’être également lâché par la fédé suisse…

Acte 6. Le 29 juillet, dernier jour pour le dépôt des mises en candidature, coup de théâtre! On apprend que la fédération malaysienne propose un amendement à l’article 51 de la constitution de l’UCI touchant justement la procédure de mise en candidature au poste de président de l’UCI. L’amendement suggère qu’une candidature n’a plus besoin d’être soutenue par sa fédération nationale si au moins deux autres fédérations la soutienne. Comme par hasard, on apprend que la fédération marocaine propose, avec la fédé malaysienne, de soutenir la candidature de… Pat McQuaid! Ceux qui connaissent un peu l’histoire publique d’Hein Verbruggen et qui ont lu le livre « Fin de cycle. Autopsie d’un système corrompu. » auront immédiatement vu dans ce coup de théâtre la signature du vrai dirigeant du cyclisme mondial depuis 15 ans, Hein Verbruggen, qui évidemment a à coeur la ré-élection de son poulain McQuaid, question de ne pas se retrouver avec des procès sur le dos dans le cas ou un nouvel élu sans casseroles du passé avait l’idée de faire le ménage et de permettre à Lance Armstrong de parler dans de bonnes conditions… Et évidemment, Pat McQuaid jure ne rien à voir dans l’initiative de la fédé malaysienne…

Et dans la foulée, la date de fin des mises en candidature est repoussée au 30 août.

Acte 7. En août, la fédé suisse annonce qu’elle retire son soutien à l’endroit de Pat McQuaid. La contestation des trois membres du comité directeur n’est donc pas allé jusque devant les tribunaux puisque la fédé s’est rétracté avant. Bafoué publiquement, le président de la fédé suisse, Richard Chassot, démissionne de son poste (ce que n’a pas fait le président de Ireland Cycling, tout le monde n’a pas la même conscience…). McQuaid est de retour à la case départ, puisqu’aucune de ses fédérations « nationales » (!!!) ne soutient sa candidature au poste de président de l’UCI. Mais la Malaysie est là, fort heureusement…

Acte 8. Nouveau coup de théâtre, on apprend que l’UCI aurait finalement peut-être quelque chose à voir dans l’amendement proposé par la fédé malaysienne qui manquait probablement d’inspiration en juillet (que voulez-vous, c’est le temps des vacances…) pour rédiger le texte… Du personnel de l’UCI aurait rédigé, revu voire suggéré des modifications avant que l’amendement soit officiellement proposé par la fédé malaysienne. C’est louche!

Nous en sommes donc là. Aujourd’hui, le congrès de l’UCI devra d’abord se prononcer sur l’adoption de l’amendement proposé par la fédé malaysienne. Voici les scénarios possibles:

Scénario 1. L’amendement proposée par la fédé de la Malaysie est adopté (cela nécessite les deux-tiers du congrès de l’UCI, donc pas forcément acquis…), donc la candidature de Pat McQuaid est automatiquement légitimée, étant soutenu par deux fédérations (Malaysie et Maroc). L’élection pour la présidence s’en suit. Pour les pronostics de cette élection, voir ci-bas.

Scénario 2. L’amendement proposée par la fédé de la Malaysie est adopté, donc la candidature de Pat McQuaid est automatiquement légitimée, étant soutenu par deux fédérations (Malaysie et Maroc). Immédiatement, et suivant leur promesse, Igor Makarov, président de la fédé russe, et Jaimie Fuller, PDG de Skins et initiateur du mouvement « ChangeCyclingNow« , contestent devant les tribunaux la légitimité de cet amendement et de sa procédure de dépôt. L’élection à la présidence est reportée plus tard cet automne voire cet hiver, soit jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu.

Scénario 3. L’amendement proposé ne passe pas, invalidant la candidature de McQuaid puisqu’il n’est pas soutenu par sa fédération nationale. L’élection à la présidence a lieu, Brian Cookson n’a plus de candidat contre lui et est donc élu à la présidence de l’UCI sur une simple formalité.

Évidemment, le scénario 3 est pour moi le meilleur pour l’avenir du cyclisme, écartant McQuaid (et donc Verbruggen) de la gouvernance immédiate du sport. Cookson a annoncé ses intentions de mettre sur pied une commission du style « Vérité et Réconciliation » qui permettrait à Lance Armstrong de venir tout déballer en échange d’une remise de peine (ce que McQuaid n’a évidemment jamais évoqué!). Cela permettrait au cyclisme de mieux comprendre qui étaient les acteurs du plus vaste système de dopage du sport à ce jour, personnel de l’UCI compris. Un éventuel ménage pourrait s’en suivre, ainsi que des changements dans la gouvernance du sport, à commencer par le problème de conflit d’intérêt permanent auquel fait face l’UCI, entre lutte contre le dopage (négatif pour l’image du sport) et développement du sport (où une image positive est un grand atout).

L’élection à la présidence: les technicalités

42 électeurs répartis ainsi: 14 d’Europe (dont la France), 7 d’Afrique, 3 d’Océanie, 9 d’Asie et d’Amériques. Le Canada n’est pas représenté parmi ces 42 électeurs, malgré le fait que Cyclisme Canada soit l’une des 179 fédérations-membres de l’UCI.

Malgré le fait que certaines fédérations comme Cyclisme Canada ou la Fédération européenne de cyclisme aient annoncé leur soutien à Brian Cookson, chaque électeur est libre de voter comme il veut. Il n’est donc pas impossible que parmi les 14 membres-votants de l’Europe, certains accordent leur soutien à Pat McQuaid en dépit de la directive de la fédération européenne.

Les soutiens probables à Pat McQuaid sont ceux de celui qui tire depuis toujours les ficelles derrière lui, Hein Verbruggen, soit les pays émergents, pour l’essentiel l’Afrique et l’Asie. 16 votes seraient ainsi « automatiquement » acquis pour McQuaid, si les membres-voteurs sont fidèles aux directives. Considérant que certains membres-voteurs des Amériques voire de certains pays européens voteront probablement également pour McQuaid, ses appuis ne seraient pas négligeables…

Les soutiens probables à Cookson: l’Europe, et l’Amérique du Nord, représentée par les États-Unis et le Mexique (quoi que dans le cas du Mexique, un soutien envers McQuaid est également tout à fait possible). L’Océanie devrait également en toute logique se ranger du côté de Cookson.

À ne pas manquer, cet article publié par Jonathan Vaughters, manager de l’équipe Garmin et ex-dopé, qui explique pourquoi il voterait pour Brian Cookson et non Pat McQuaid. Très intéressant!

Quoi qu’il en soit, si vote il y a, ca pourrait être serré et conduire à des surprises de taille. Rien n’est joué selon moi!

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11 Commentaires

  1. Fred

    Acte 9: La Barbade et la Turquie propose que le president sortant soit automatiquement dans la course presidentielle… (http://www.cyclingnews.com/news/uci-congress-declines-to-vote-on-election-amendment)

    Comme quoi un plan B n’est pas assez pour McQuaid, il faut un plan C

    F.

  2. Nicolas

    Sur Twitter, on annonce la nomination de Brian Cookson, sur un vote de 24-18.

    Source : https://twitter.com/inrng et https://twitter.com/SSbike

  3. Yann

    Cookson vient d’être élu. C’est bien que mcQuaid ait été mis à la porte (il se débrouillera par contre pour revenir par la fenêtre). Il ne s’agit pas non plus de se réjouir trop vite et d’abandonner aussi vite son esprit critique. Beaucoup de nouveaux présidents ont promis le changement, pour, en fait, ne continuer que la politique de leur prédécesseur (parfois en pire), en ne leur enlevant que le côté cow-boy antipathique et ostentatoire. En gros on change la forme, mais pas le fond. Pour mieux le cacher, justement.

  4. Dan Simard

    http://www.cyclingnews.com/news/brian-cookson-elected-uci-president

    Gros party à la Flamme Rouge ce weekend?

    Si jamais il y a scandale de dopage aux xhampionnats du monde, Cookson pourra toujours blâmer McQuaid… du moins pour ce coup-ci

  5. louis

    la tête de l’UCI depuis 2005, Pat McQuaid n’effectuera pas de nouveau mandat. Plombé par sa gestion de l’affaire Armstrong et l’héritage de son prédécesseur Hein Verbruggen, l’Irlandais a été battu par le Britannique Brian Cookson, par 24 voix contre 18, vendredi au congrès de Florence. Le nouveau patron du cyclisme international est donc l’ancien président de la Fédération britannique, devenue une place forte du sport sous sa direction. Cookson avait reçu le soutien de nombreuses personnalités et de la puissante confédération européenne. «C’est un immense honneur d’être élu président de l’UCI, a réagi le nouveau président à la tribune. Le vrai travail débute maintenant.» Il a également salué McQuaid pour «son dévouement pour le cyclisme. Je lui souhaite bonne chance dans ses projets quels qu’ils soient…»
    « source l’équipe »

  6. Dan Simard

    Cookson en tant que Britanique, aura-t-il les guts de sévir si jamais un scandale chez Sky fait jour?

    Pendant ce temps, McQuaid pourra se présenter comme président chez LiveStrong 😉

  7. guillaume F

    « J’aimerais remercier Pat pour sa contribution au cyclisme », a déclaré Brian Cookson dans sa première déclaration. « C’est un grand honneur d’avoir été élu président de l’UCI par mes pairs et j’aimerais les remercier pour leur confiance, a ajouté l’Anglais. Mes premières priorités en tant que président seront de rendre totalement indépendantes les activités de lutte contre le dopage. »

    Espérons qu’il le fasse…

  8. thierry mtl

    Pendant ce temps, « la communauté » est en silence devant les données stupéfiantes que contient le passeport biologique de Chris Horner.

    Ce qui confirme que le passeport biologique n’est là que pour limiter les excès de dopage, mais qu’il ne l’empêche absolument pas. Et presque tous le monde s’en fou.

  9. bonaventure

    Ne nous réjouissons pas trop vite ! Un renard remplace un autre renard.

    Le cyclisme est vraiment tombé très bas. Quand on entend la façon dont s’est déroulée l’élection, ça fait vraiment peur..

  10. David Maltais

    nouveau renard ou pas, il faut lui donner sa chance. Laurent va le surveiller de toute façon… Le roi est mort, vive le roi!

  11. JNB

    Laurent, le lien de la lettre de Vaughters contient aussi un lien menant à un message de menaces et d’invectives de Verbruggen a son endroit:
    http://www.youtube.com/watch?v=eGkWO5woEtE
    Ça donne une idée du genre de personnage…
    J’espère que Cookson fera table rase avec l’ancienne administration.
    Bonne journée!
    JNB

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