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De l’esprit cyclosport

Un petit débat autour de ce qui distingue une cyclosportive d'une course cycliste a émergé ces jours derniers sur La Flamme Rouge, plusieurs lecteurs ayant laissé un commentaire à ce sujet.

Je prends la balle au bond et tente d'apporter quelques éclairages sur ce débat.

La première chose à dire, c'est que le débat n'est pas nouveau ! Cela doit bien faire une bonne dizaine d'années qu'à l'occasion, des revues cyclistes nous proposent des dossiers sur le cyclosport, dossiers qui abordent généralement cette question. Donc je n'essaierai pas de trancher le débat aujourd'hui !

Rappelons nous d'abord ce qui distingue le cyclosport de la course cycliste.

Dans une course cycliste, l'unique but est de franchir le premier la ligne d'arrivée. Le chronométrage individuel n'y est pas pertinent: on s'en fout de savoir qu'un coureur voire le peloton a parcouru les 100kms en 3 ou 4h ; l'important, c'est celui qui a franchi la ligne le premier. La stratégie, la tactique voire le travail d'équipe sont donc partie prenante de la course cycliste.

Dans une course cycliste, le coureur lâché n'a plus d'intérêt ; souvent, c'est l'abandon, la tête étant déjà à préparer la prochaine course. 

En cyclosport, le chronométrage individuel est au contraire au centre de l'intérêt même de l'événement : la très vaste majorité des individus y viennent non pas pour gagner, mais bien avec un objectif personnel habituellement exprimé en temps. 

C'est ainsi que le coureur lâché de la tête de course poursuivra, sur une cyclo, son épreuve en allant au bout de lui-même, l'atteinte de l'objectif personnel étant à ce prix.  

Le but d'une cyclosportive n'est donc pas de franchir la ligne d'arrivée en premier mais bien d'y accomplir un exploit personnel dans un contexte favorable à l'atteinte de cet objectif. La stratégie, la tactique voire le travail d'équipe n'existe plus: la gestion de l'effort, l'entraide entre participants peu importe la couleur du maillot sont plutôt les maitres mots. 

Cette différence fondamentale engendre une ambiance totalement différente sur les deux types d'épreuve: ambiance plus lourde de "compétition", de "confrontation" sur les courses cyclistes, ambiance "bon enfant" sur les cyclosportives, la plupart des participants ne percevant pas les autres concurrents comme des adversaires à battre, mais plutôt comme des compagnons de souffrance embarqués dans la même aventure qu'eux. 

Dans cyclosport, il y a donc plaisir, convivialité plus que sur les courses cyclistes. Sur les courses cyclistes, il n'y a jamais de cadeaux.

Alors, les coureurs ont-ils leur place sur les cyclosportives ?

Selon moi, oui, tout à fait, à la condition de respecter l'esprit des cyclosportives.

La présence de coureurs sur les cyclosportives est positive lorsque cette présence relève le niveau et donne un certain prestige à l'épreuve. C'est aussi très positif pour tous les concurrents qui peuvent alors comparer leur temps à celui d'un réel coureur de premier plan, offrant là une occasion de bien situer son niveau.

Elle devient négative lorsque les coureurs reprennent, lors des cyclosportives, leurs réflexes utilisés lors de courses sanctionnées.

Lorsque les coureurs contribuent, par leur présence, leur collaboration et leurs relais avec d'autres cyclosportifs, à viser un temps canon, c'est parfait. Lorsque ces coureurs attaquent – parfois très tôt – comme sur une course, font tout exploser voire s'isolent en tête, je ne suis plus certain de leur apport. 

D'ailleurs, je suis de ceux qui pensent qu'il ne devrait jamais y avoir de podium sur les cyclosportives.  

Bref, la marge est mince entre courses cyclistes et cyclosport. 

Si vous êtes de ceux pour qui le dépassement de soi signifie être le premier, alors je pense que la scène des cyclosportives n'est pas pour vous. Tournez-vous vers la course cycliste.

Si vous étés plutôt de ceux pour qui le dépassement de soi signifie l'atteinte d'un objectif personnel peu importe la performance des autres autour de vous, alors les cyclosportives sont le bon choix. Et des coureurs qui pourront permettre, par leur présence, leur collaboration à la progression d'un groupe et de par leur niveau, à vous sublimer pour que vous puissiez atteindre voire dépasser votre objectif, seront toujours les bienvenus. Si ces mêmes coureurs ne font qu'essayer de déposer tout le monde comme sur une course, alors je dis qu'ils ne sont pas à leur place.

Samedi dernier, le Défi Vélo Mag s'inscrivait réellement dans l'esprit cyclosportif. Les meilleurs du peloton – certains coureurs accomplis – ont contribué à la progression rapide du groupe de façon à établir un temps canon. Les accélérations – au sens d'attaques – furent rares, ce fut plutôt une sélection par l'arrière invitant chacun à se surpasser. 

L'ambiance, au départ comme à l'arrivée, était également résolument "cyclo". Cela faisait notamment plaisir d'entendre des participants affirmer qu'ils avaient établi un "meilleur temps personnel" sur l'épreuve. La présence des coureurs a pu y contribuer en faisant progresser rapidement le peloton.

Il n'y a pas eu de podium non plus. Ce n'est pas le moindre des mérites des organisateurs du Défi Vélo Mag…

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15 Commentaires

  1. Batrick P

    Intelligent le gars. Pas une découverte.
    Pas de podium, okay, pas de récompense non plus. Des classements, oui, scratchs et catégories.

  2. Dan Simard

    Ce sont les milliers ou millions de cyclosportifs qui, indirectement, paient les salaires des pros en s’achetant vélos, accessoires, revues de vélo, spectateurs aux courses.

  3. Andy Lamarre

    Faudrait avoir fait la cyclo « Garneau-Cascade » enre Trois-Rivières et Québec pour voir la différence entre une course et une cylco sportive.
    Fallait voir M. Louis Garneau lui-même, après une crevaison se faire ramener au devant du premier groupe avec deux ou trois ancients membres de l’équipe national et qui étaient tous équippés de vélo portant la marque « Louis Garneau ».
    Si c’est ça une cyclo sportive, d’après moi, ça ressemble plus a une course.

  4. Alain Goulet

    Il y a sept ans, je disputais deux cyclosportives: La Sherboucle et le défi Métropolitain. N’ayant jamais participé à un rassemblement cycliste, cela m’avait donné l’occasion de me mesurer à quelques coureurs.Mes résultats et l’expérience de courir en peloton me donnèrent la piqure de la compétition.

    Samedi,le Défi Vélo Mag constituait mon retour à une cyclosportive. Il y avait bien sûr plusieurs coureurs (dont Zhara le traîte qui a couru sous son vrai nom contrairement à ce qu’il avait dit!!)mais, surtout, des centaines de personnes intéressés à faire « mieux que l’année dernière » et plusieurs dont c’était la première expérience. Grâce à cet évènement, c’est peut-être 20-30 participants qui deviendront coureurs l’an prochain.C’est,à mon avis,la meilleure façon de mesurer ces aptitudes particulièrement ches les Maîtres.

    Une seule déception personnelle: Mal positionné au départ, j’ai manqué les premiers pelotons, ce qui m’a couté minimalement cinq minutes (Dont 1 min 20 sec pour franchir la ligne de départ). Au lieu de me faire tirer par les plus jeunes, c’est moi qui a du tirer!

    Mais je serai de retour l’an prochain sous mon vrai nom, pour battre ma marque personnelle!

  5. schwartz patrick

    à Laurent
    très bon commentaire et en ce qui me concerne, j’essaie de faire un temps, d’être le plus proche du devant que du derrière et faire mieux que mes potes du dimanche matin quand je le peux! Et quand j’ai fais faux, je prétexte toujours un « mauvais choix de pneus »! çà fini immanquablement en rigolade avec une bonne bière ou un verre de « Gewurtz », hein Laurent ?
    Qu’on fasse une tête de méchant ou de souffre douleur pendant l’épreuve, normal, mais avant et après, on évite quand même de se la « péter grave »!!!…

  6. schwartz patrick

    Le guerrier et le philosophe ne se mélangent pas,mais, assurémment peuvent marcher l’un à côté de l’autre en s’apportant chacun ses expériences, l’un de dynamisme, l’autre de sagesse; si on arrive à bien gérer en soi ces deux personnages, le bonheur n’est plus très loin!

  7. Jean Pascal

    Bien d’accord avec La flamme rouge!
    C’était une première expérience au Défi Vélo Mag pour moi en fin de semaine et j’y ai trouvé exactement ce que j’y cherchais.
    Comme c’est ma première saison sur un vélo de route et que, si j’ai toujours fait du vélo, je n’ai jamais participé à une compétition, je cherchais l’occasion de me dépasser et de comparer mon niveau à celui des «vrais».
    Le Défi Vélo Mag était donc parfait pour moi. J’ai roulé en peloton pour la première fois, dans une ambiance bon enfant, et j’ai pu apprendre des plus expérimentés sans nuire au déroulement de l’épreuve ou mettre quiconque en danger, ce qui n’aurait pas été le cas dans une vraie course.
    J’ai pu pousser ma modeste machine à fond, connaître la «joie» des crampes aux quads du 70e au 90e kilomètre et me vider complètement dans les derniers kilomètres. Tout ce que je souhaitais, finalement.
    En conclusion, je ne crois pas que je me serais inscrit à cet événement s’il s’était nommé La Randonnée Vélo Mag.

  8. zboy

    @alain goulet

    Pas traître, me suis fait prendre avec mon faux nom, j’avais pas l’intention mais la madame ne voulait pas que je m’appel Dominic….bon !!! haha

    Et puis j’arrive à 40 ans l’an prochain et suis en remise en forme après 2-3 ans de toutes les excuses inimaginable, donc coureur peut-être, mais avec un moteur de tondeuse et non un V12 biturbo !

    @Laurent: m’excuse mon ti-loup, j’tai mis une mine ! ahaha !!! Tu me la remettra l’été prochain, dans une course.

  9. @zboy,
    Une mine ? J’appelle plutôt ca un pétard mouillé, on t’a revu 1500m plus loin!
    J’avais encore du jus côté énergie, juste les putains de crampes qui me limitaient. Très frustrant. Sans elles, je t’aurais accompagné… et on aurait filé jusqu’à la ligne tous les deux.
    Le rendez-vous est pris l’an prochain.
    Laurent

  10. Jean-Luc Botto

    Salut Laurent, excellent article sur le sujet.

    Sauf qu’en France au moins, la très grande majorité des cyclos sont aujourd’hui gagnées par d’anciens pros, la plupart étant d’ailleurs dopés jusqu’à l’os (voir l’étape du tour par exemple).

    Un autre exemple, sur la troisième étape du Tour de l’Ain, les 4 ou 5 premiers sont tous des coureurs 1ère caté du même club; ils allaient tellement vite qu’ils ont fait toute l’étape tous seuls devant!

    C’est super sympa d’avoir des pros, des ex-pros, des très bons amateurs dans les cyclos mais la décence serait qu’il s’abstiennent de participer à la gagne.

    A plus

  11. zboy

    ça va m’apprendre à ne pas attaquer quand il ne reste que des faux plats descendants et une shape de piguoins…

  12. schwartz patrick

    @ Zboy et Laurent

    en voilà une belle « arsouille », avec une mauvaise fois « titane carbone » de derrière les fagots du plus bel effet !!!

  13. zboy

    en bon québécois Patrick: criss, j’ai rien compris !

  14. schwartz patrick

    @ zboy

    une arsouille,je crois que c’est une petite baggare,une dispute où chacun veut être meilleur que l’autre, vraiment rien de méchant, un peu de mauvaise fois, les « amitiés viriles » entre deux potes qui finissent toujours devant un verre; navré si je me suis fait mal comprendre !!!

  15. zut

    @ Schwartz Patrick
    Merci pour la traduction…

    Découvert le vélo sur le tard (près de la quarantaine), moi aussi, le Défi Vélo Mag m’a fait connaître les « courses » cyclistes.
    Depuis, je courre chez les maîtres B et reviens à chaque année dans le Parc pour me faire exploser les cuisses…
    j’adore la gestion de l’effort et de l’énergie individuelle, pareille à un CLM ou semblable à d’autres sports individuels chronométrés d’une cyclosportives.
    J’adore aussi le jeu d’échec à vélo, lors d’une course, où il faut surprendre les autres coureurs afin de passer la ligne le premier.
    Est-ce qu’il faut absolument être cyclosportif ou coureur ou bien on peut être un peu des deux ?

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