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Col dur : Le Mont Ventoux 0, le lait cru 1 !

Marc Beaulieu, président de « l’équipe cycliste des Rouleurs de l’Outaouais »:http://www.lesrouleurs.ca/, a récemment séjourné en Provence et nous a fait parvenir ce texte relatant son expérience de « l’ascension du Mont Ventoux »:http://www.lemontventoux.net/, une expérience rendue mémorable par un certain concours de circonstances. *L’ascension du Géant de Provence, par Marc Beaulieu*. Comme tous les cyclistes passionnés du Québec, avoir la chance de grimper les cols mythiques du Tour de France est un rêve. Durant mes récentes vacances en Provence, j’ai eu l’occasion de m’attaquer au Mont Ventoux. Récit de ma petite expérience… La Provence est sublime avec sa gastronomie, ses oliviers, ses vignobles et ses petits rosés ainsi que sa lavande. Pour le cycliste passionné, elle représente également un petit paradis où les paysages sont enchanteurs, les parcours vallonnés et sinueux et les routes en excellentes conditions. Sans compter que les automobilistes sont pas mal plus respectueux et tolérants qu’au Québec! Là-bas, le principal adversaire du cycliste est le vent, appelé le Mistral. Quand on décide de s’attaquer au Mont Ventoux, le Mistral est par conséquent un facteur très important à considérer. Avec ses 1 910 mètres d’altitude et ses derniers – toujours longs – kilomètres exposés au vent, on m’avait avisé qu’il est parfois même impossible d’atteindre le sommet et que la descente peut être glaciale, même en plein été! Fort de ces conseils confirmés par des cyclistes locaux, je décidai donc de retarder ma tentative de quelques jours en raison d’un fort Mistral qui frappait la région. Je retardais, je retardais… et voilà que la date du retour au Québec se faisait plus proche ! Ce qui devait arriver arriva, voilà qu’il ne me restait plus qu’une seule journée pour m’attaquer au Ventoux avant de revenir au Québec. Maudit Mistral! La Tomme de Savoie est un fromage au lait cru que j’aime bien. Mauvais entreposage, trop de temps dans mon sac à dos sous une chaleur modérée ou simple malchance à l’achat, le fromage ingurgité la veille de mon assaut planifié ne m’a pas fait et comble de la malchance, j’ai passé une très mauvaise nuit (je vous épargne les détails…). Au réveil, mon épouse me regarde et me trouve pâle et faible : « qu’est-ce que tu vas faire? » me demande-t-elle. Et moi de répondre : “no way que je reviens à la maison avec mon Viner sans avoir fait l’ascension du Ventoux”. Pas question de rater cette occasion unique. On va sortir l’artillerie lourde : vivement de l’imodium (note à LFR: l’imodium ne figure pas encore sur la liste des produits interdits de l’UCI…)! J’avale de peine et de misère le petit croissant, la banane, le bout de chocolat de mon déjeuner et nous voilà parti, direction Bédoin, au pied du Ventoux. Je compléterai le petit déjeuner par de l’Extran et une Powerbar dans la voiture. Le Mont Ventoux offre trois routes d’accès à son sommet. Le Versant sud par Bédoin est le plus connu mais aussi considéré comme le plus difficile. C’est d’ailleurs le côté le plus souvent privilégié par le Tour de France. On grimpe 1 610 mètres de dénivelée sur 21 km. C’est donc une pente moyenne de 7.5% Aucun doute dans mon esprit, c’est par là que je m’attaquerai au Géant de Provence. De toute façon, j’ai prévu de prendre ça mollo, relax. Je me rassure en me disant que de toute manière, je n’ai pas besoin de m’acharner à tenter (je dis bien “tenter”!) de suivre les meilleurs grimpeurs Maîtres A du Québec. L’objectif est donc modeste, je me ferai tout simplement plaisir en cette belle journée ensoleillée. On se stationne au parking public à l’entrée de Bédoin. Je prépare le Viner. Fin prêt, une question se pose : mais où est donc l’horodateur qui marque le point de départ de la montée? Pas moyen de le repérer. Qu’à cela ne tienne, je partirai mon compteur ici, mes coéquipiers restés au Québec devront me croire sur parole… Voilà, c’est parti et les premiers kilomètres se font facilement. Le faible pourcentage de la pente (2-5%) permet une bonne mise en jambes, jambes qui tournent bien pour l’instant. Par contre, j’ai tout de suite l’impression que je vais payer la note plus tard en regardant vers le sommet en me tordant le cou. Il n’y a aucune illusion à entretenir, la pente va s’élever à un moment donné c’est certain. Ce moment arrive peu après un virage sur la gauche, à Saint-Estève ou, tel qu’il est connu là bas, la “porte de l’enfer”… À partir de ce point, la pente se fait plus raide et on arrête plus de grimper. Aucun répit ne m’est effectivement accordé sur les huit kilomètres suivants où je compte pas moins de sept virages où le pourcentage moyen de la pente ne descend pas en dessous des 9%, atteignant même 10,5% sur certains tronçons. Les premières sensations sont toujours bonnes mais ça commence à durcir. L’orgueil faisant des miracles, j’essaie même de montrer une certaine aisance lorsque je passe devant mon épouse pour la première photo de l’exploit. Réussi! La mystification est un succès! Un peu plus haut, la réalité commence à me rattraper : « pas une petite côte que ce Ventoux ! ». Je suis désormais proche de mon rythme de contre-la-montre et je n’ai aucune idée du moment où le terrain va m’offrir un petit répit, étant néophyte sur cette ascension. Aussi, amis cyclistes, soyez avisés : il n’y en a pas! Me voilà maintenant « tout à gauche », sur mon 36X26 et le souffle se fait toujours de plus en plus court… Je n’avais pas dit que je prendrais cela relax?!? C’est finalement toujours pareil… Deuxième photo par mon épouse, qui est montée un peu plus haut : un peu moins souriant cette fois, mais mon quadriceps, gonflé par l’intensité de l’effort, apparaît bien! On a les satisfactions qu’on peut… La fatigue commence vraiment à s’accumuler mais je maintiens un effort constant, proche de ma zone de clm. Avant de partir, le sympathique Christophe de chez Vélo Passion (une belle petite boutique de vélo à St-Rémy de Provence) m’avait mentionné qu’un temps respectable pour un cyclosportif tournait autour d’une heure trente minutes dans de bonnes conditions météo. C’était là ma seule référence. Me voilà enfin au chalet Reynard (1 420 m). J’avise mon compteur : un peu plus de 15 kilomètres parcourus dans un temps d’environ 70 minutes. Je me dis : “pas mal considérant la mauvaise nuit que j’ai passé et mon alimentation déficiente ce matin”. Le moral à la hausse, je me dresse donc sur mes pédales, question de relancer l’allure un petit coup et de prendre une troisième photo, en danseuse cette fois! Pas si terrible que ce Ventoux ! Je sors progressivement de la forêt et je peux désormais apercevoir l’objectif du jour, le sommet. Le décor est maintenant tout autre, quasiment irréel : que des cailloux! D’ailleurs, ça me rappele un peu la Casse Déserte dans le col d’Izoard que j’ai eu la chance de grimper il y a quelques années avec La Flamme Rouge qui m’avait mis 10 minutes dans la descente… Je n’ai pas fait 100 mètres en danseuse que ce qui devait arriver arriva : LA “panne sèche”, la fringale totale, la connaissance de l’homme au marteau. Je fais carrément une “Landissade” (son nom était d’ailleurs peint sur la chaussée pour me rappeler l’épisode et ma mauvaise posture!). Retour mental en arrière : « tu as le ventre vide… ben oui, niaiseux, à quoi pensais-tu?!? » Ça y est, rien ne va plus et ça va être une grosse galère désormais. Mais je refuse obstinément de mettre pied à terre. Et puis, d’un point de vue pratique, mon épouse est déjà partie pour le sommet pour la quatrième photo…Si je m’arrête ici, elle va attendre longtemps! Laissez-moi vous dire qu’un SRM qui vous indique que vous générez 50 watts dans le Mont Ventoux, ce n’est pas vraiment rigolo! À cet instant, je me rappele que le sympathique Christophe-de-St-Rémy-de-Provence (à cet instant, il est devenu mon meilleur ami!) m’a vendu des Turbo Punch. Il m’avait dit que j’en aurais besoin… Hasard ou expérience?!? Après deux petits tubes avalés, j’ai un petit regain d’énergie (psychologique ou physique?). Ceci me permet de remonter à 113 watts sur mon compteur SRM ! P-A-T-H-É-T-I-Q-U-E… mais bon, quand on ne peut pas faire mieux… on fait avec ce qu’on a ou ce qui nous reste. La suite est un chemin de croix. Je continue péniblement mon ascension vers l’observatoire météo du sommet. Mon seul objectif à présent est de l’atteindre. Watts, temps, pulsations, on s’en fout! Il me reste un peu moins de 5 kilomètres mais encore 400 mètres de dénivelée à grimper. À l’arrachée, j’arrive à la stèle en hommage à Tom Simpson… pas vraiment l’encouragement qu’il me faut dans mon état physique qui est peut-être proche du sien à ce moment-là… Plus que deux kilomètres à parcourir. Une dernière photo pour le final et… victoire, j’atteint le sommet! Au total (pour les intéressés), 1:58 minutes d’effort. Quel est le record chez les coureurs professionnels? 55 minutes je crois?!? Un certain M. Armstrong (vous savez, le meilleur ami de La Flamme Rouge!) a déjà déclaré que le Mont Ventoux était la montagne qu’il craignait le plus, celle qui lui a en tout cas donné le plus de fil à retordre dans sa carrière… Lance, on est d’accord ! Ceci étant dit, malgré ma défaillance physique, je dois admettre que j’ai passé un moment privilégié avec le Géant de Provence. Ce fut une expérience somme toute formidable. J’ai souvent dit que la satisfaction et la réussite dans le sport cycliste passe d’abord et avant tout par le dépassement de soi. Cette journée là, j’ai vraiment été obligé de puiser dans mes réserves et de grimper au moral. C’était lui ou moi : ce fut moi! Je termine en souhaitant à tous (défaillance en moins bien sûr!) d’avoir la chance de vous attaquer au Mont Ventoux au moins une fois dans votre vie. Amis Français, sachez que vous avez une chance incroyable d’avoir ce « Géant de Provence » dans votre arrière court. Profitez-en! Avec quelques coureurs de notre équipe cycliste (dont La Flamme Rouge probablement), nous prévoyons aller rouler en France l’été prochain et prendre part à quelques cyclosportives. Le Mont Ventoux sera sûrement au calendrier. Et cette fois-ci, j’apporterai mon fromage Petit Québec!!!!

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4 Commentaires

  1. Rafael

    Le record est effectivement de 55’51 par Iban Mayo lors du chrono du Dauphiné Libéré 2004. Il avait amélioré d’une minute le temps établi par Jonathan Vaughters (un coureur réputé clean) en 1999 mais la route a été entre-temps (superbement) refaite… Armstrong lui doit se contenter de 57’49 cette même année 2004. Pour mémoire, le temps de Charly Gaul lors d’un contre-la-montre du Tour 1958 est de 1 h 02’09” soit grosso modo le temps réalisé par le Boss en chasse derrière Virenque en 2002…
    Prions pour que le 26 octobre le Ventoux figure bien, comme annoncé, au menu du Tour 2007 même sans arrivée au sommet…

  2. alain

    Bravo.
    Quand on a essayé une fois on revient automatiquement ; le ventoux, c’est un aimant ! Je signale à nos amis québécois qui tomberaient amoureux de cette montagne un défi intéressant : les cinglés du Ventoux, soit l’ascension par les 3 côtés dans la même journée. Tous les renseignements pour ce défi sur le site http://les.cingles.du.mont-ventoux.club.fr/index.htm (pub gratuite). Pour info, je l’ai fait cet été en 8 heures et j’ai été emballé !

  3. Bryan

    Bien content d’apprendre que tu as réussi à atteindre ton objectif final. Pas si facile que ça le Ventoux, hein ? Il y a quelques années, je m’étais promis de me taper le Ventoux par au moins 2 faces. J’ai toutefois eu un contre-temps la veille, un peu semblable au tien mais qui aurait pu être évité tout de même – beaucoup trop de vin ! Leçon apprise maintenant – quand on loue une superbe villa dans le Lubéron avec les copains, faut pas avoir de grands objectifs sur le vélo le lendemain d’une soirée bien arrosée ! Pour ma part, les quelques premier km ont été difficile, mais je t’avoue que c’est la descente qui m’a fait grincer des dents par moments. J’avais de l’expérience dans le Jura (Grand Colombier) et les alpes suisses, mais putain, quand on descend le Ventoux, c’est tout de même à fond la caisse, qu’on le veuille ou non!

    Bravo pour l’exploit. J’ignorais qu’on pouvait grimper le Ventoux sous le seuil de 150W. C’est probablement un record en quelque sorte. 😉

    Bryan

  4. laude

    j’ai fait le Ventoux 3 fois. la première en 1998 par Malaussène avec 400 km de vélo dans les jambes. j’ai cru mourir 100 fois. J’ai mis au moins 3 heures. J’ai marché, j’ai rampé mais j’ai fini par arriver en haut. Dans la montée je m’étais promis que si j’arrivais en haut vivant j’arrétais le vélo. Je fais toujours du vélo!

    la deuxième fois c’etait en 2003. j’avais 4000 km dans les jambes dont Bordeaux Paris 1 mois avant. J’ai commencé par Sault histoire de me rassurer. J’ai trouvé cela facile. J’y suis retourné par Bedoin. J’ai trouvé cela plus difficile mais a partir du Chalet reynart j’ai fini comme un avion. J’ai pas eu le courage de descendre a Malaussène: trop de mauvais souvenir. La route de Sault est splendide.

    Moralité: Ne jamais dire jamais.

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