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CICR de l’UCI: les conclusions/recommandations

Je mets en sourdine pour 24h les résultats sportifs du week-end – Strade Bianche et prologue de Paris-Nice – pour commenter la parution du rapport final de la Commission Indépendante pour la Réforme du Cyclisme (CICR) mandaté par l’UCI il y a environ un an.

Car c’est très important.

Soulignons d’entrée de jeu que rares sont les sports ayant osé ce genre d’exercice d’introspection, les dommages potentiels ou collatéraux étant bien évidemment importants. C’est tout à l’honneur du cyclisme et de Brian Cookson qui avait fait du CICR une promesse lors de son élection à la présidence de l’UCI.

Les conclusions

Elles sont parfois accablantes. Allons-y dans un certain ordre:

1 – Le dopage persiste « de façon évidente » dans le milieu cycliste professionnel. Il persiste pour diverses raisons: présence dans le sport de personnes au lourd passé en la matière dont certains médecins (Ferrari et Fuentes continueraient d’être actifs dans le peloton), instabilité financière et exigence d’attirer et de retenir les sponsors (donc besoin de résultats) et structure des équipes qui parfois favorise l’éloignement des coureurs qui peuvent donc « merdouiller » dans leur coin, voire développer leur équipe de soutien en parallèle à l’encadrement officiel de leur équipe. Le dopage serait aujourd’hui passé à l’ère du micro-dosage permettant une régularité dans les paramètres sanguins, régularité évidemment souhaitée à l’égard du passeport sanguin. Les gains en performance ne seraient plus aussi spectaculaires qu’à la belle époque de l’EPO (+10 à 15%), mais sensibles et suffisants (+2 à 5%).

2 – Le dopage d’aujourd’hui vise aussi la perte de poids, permettant une amélioration du rapport poids-puissance non-négligeable. Dans ce domaine, les corticoïdes seraient particulièrement en usage (on se rappellera les soupçons d’usage de ces produits au sein de l’équipe Europcar en 2011…).

3 – Parmi les nouvelles substances « à la mode », on retrouverait l’AICAR, le HGH, le GW1516, l’ozonothérapie (Greg Van Avermaet en a récemment été soupçonné…), les formes artificielles de testostérone, voire des mélanges tranquillisants-antidépresseurs dont une des conséquences serait des chutes plus fréquentes au sein du peloton.

4 – 90% des autorisations pour usage thérapeutique (AUT) seraient liées à une pratique dopante. 90%!

5 – Dopage technique, une possible réalité: «La commission croit qu’en réponse aux améliorations dans l’antidopage, la tricherie technique a augmenté, (…) y compris en utilisant des moteurs dans les cadres.» Les auteurs ont certainement d’excellentes informations et certitudes pour écrire cela.

6 – L’UCI a jadis informé les équipes des nouvelles méthodes de détection des produits dopants, comme les a informé des fenêtres de détection. Aie. Peu importe ce qu’en disent Messieurs Verbruggen et McQuaid, celle-là fait mal…

7 – Le CICR soulève des « soucis d’ordre général » à l’égard de la conduite de la lutte contre le dopage dans le cyclisme.

8 – Corruption à l’UCI: si cette partie du rapport est restée confidentielle, les auteurs ont néanmoins jugé bon de recommander à l’UCI de procéder à une commission d’enquête à ce sujet, ou de mandater un comité indépendant pour se pencher sur la question. C’est donc que la CICR a de sérieux doutes à cet égard là encore.

9 – Lance Armstrong a bel et bien bénéficié d’un traitement de faveur de la part de l’UCI alors qu’il était un coureur actif.

10 – Le rapport conclut que Pat McQuaid a constitué un président « faible » de l’UCI, ne parvenant jamais à se distancer d’Hein Verbruggen. Pat McQuaid s’est également mis en situation de conflit d’intérêt par ses relations avec Lance Armstrong.

Les recommandations clés maintenant:

1 – La lutte contre le dopage devrait être plus qualitative que quantitative. À quand la reconnaissance des calculs de puissance pour identifier les coureurs suspects qui devraient faire l’objet d’un suivi plus serré?

2 – Les tests anti-dopage menés devraient être plus imprévisibles, et certains devraient être réalisés la nuit pour pallier au micro-dopage dont la fenêtre de détection est très limitée.

3 – Les autorités anti-dopage doivent établir des liens plus étroits avec les grandes compagnies pharmaceutiques. Cela pourrait en effet permettre de placer des traceurs dans les produits mis en marché, ceci afin de facilement pouvoir les retracer dans les organismes où ils ne devraient pas s’y trouver.

4 – L’UCI devrait revoir, clarifier et être plus transparente sur ses règles d’élection de son président.

5 – L’UCI devrait revoir sa commission d’éthique.

6 – L’UCI devrait systématiquement faire une enquête sur les coureurs soupçonnés de dopage dans le passé, ceci dans le but de pouvoir les écarter du peloton ou de son entourage.

7 – L’UCI devrait être plus vigilante dans l’octroi des AUT.

8 – L’UCI devrait s’attaquer au problème du manque de stabilité dans le financement des équipes cyclistes professionnelles.

En conclusion

Je n’ai pas encore eu le temps de tout lire le rapport final et je pourrais donc vous reparler de cette CICR dans les prochains jours.

Ceci étant dit, la montagne a-t-elle accouchée d’une souris?

Je crois que non.

Ce rapport sera utile ne serait-ce que pour justifier les prochaines actions à entreprendre. Il constitue donc une base solide sur laquelle construire l’avenir. Notamment pour Cookson, qui a désormais du pain sur la planche et une feuille de route plus précise.

Si on pourra déplorer l’absence de noms, de révélations-choc (il aurait pu y en avoir), le sérieux des conclusions a de quoi identifier une période sombre de notre sport, ceci afin de travailler afin qu’une telle période ne soit jamais revécue (tout en étant réaliste sur la période actuelle, loin d’être rose…). Plus encore, l’aspect public du rapport permet aujourd’hui à tous de mieux comprendre les rouages d’un sport professionnel, et ainsi prendre un peu plus de recul sur la situation probable dans les autres sports.

De quoi changer définitivement notre vision du sport professionnel…

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10 Commentaires

  1. guillaumef

    Bonjour Laurent,

    il y a de réels constats dans ce rapport et des propositions sérieuses. Le problème s’est de savoir si ça sera suivi d’effets. C’est un peu comme les nombreux rapports de commissions diverses et variés en France qui donnent des constats et des pistes, mais sont très souvent enterrés par les politiques!

  2. Vincent C

    11- Contador aurait lui ausi eu un traitement de faveur de l’UCI lors de son test positif au clenbutérol.

  3. thierry mtl

    Le rapport indique surtout qu’aujourd’hui, le dopage est moindre, mais encore bien présent. Les données des dernières années sont inquiétantes.

  4. thierry Mtl

    Seulement 16 coureurs ont été entendu par le CIRC. C’est bien peu pour couvrir presque 20 ans d’histoire récente.

    Riders/former riders
    1. Lance Armstrong
    2. Carlos Barredo
    3. Michael Boogerd
    4. Nicole Cooke
    5. Chris Froome
    6. Tyler Hamilton
    7. Jörg Jaksche
    8. Scott Mercier
    9. Joe Papp
    10. Leonardo Piepoli
    11. Michael Rasmussen
    12. Riccardo Riccò
    13. Dan Stevens
    14. Andrei Tchmil
    15. Tammy Thomas
    16. Dietrich Thurau

  5. @Thierry Mtl,

    Bien d’accord avec toi Thierry, c’est peu de coureurs pour faire le point.

    Les absents de marque selon moi: Bjarne Riis, Johan Bruyneel, Alexandre Vinokourov, Laurent Jalabert, Richard Virenque, Jacky Durand, Laurent Brochard, Paolo Bettini, Michele Bartoli, Oscar Camenzind, Giovanni Lombardi, et j’en passe. Tiens, la vaste majorité de ces coureurs ont des intérêts bien actuels dans le peloton pro…

  6. bigmouse

    Il est également mentionné des soupçons sur le dopage mécanique selon l’équipe

  7. Le Grand

    Terrible constat d’échec. Même là où le problème semble, semble, le plus simple: le moteur dans le vélo.
    On ne touche pas le fond… puisqu’à toute situation une situation pire est possible.
    Putain le moteur…

  8. Vincent C

    Et dire que certains riait de ceux qui croyait au dopage technique via un moteur… vlan dans les dents.

  9. alain39

    Je vais lire avec intérêt ce rapport.
    Je constate que tous les doutes émis par certains lecteurs de LFR dont je vais parti sont donc confirmés.
    Le bon sens l’emporte que les dogmes.
    je suis par contre resté sur ma faim au niveau des recommandations.
    Il faut aller plus loin et surtout au niveau des sanctions qui ne doivent pas être seulement sportives mais aussi pénales et financières.
    Pénal car les dopés sont des voleurs. Financières car il y a des gens qui vivent du trafic lié au dopage et qui doivent aussi être sanctionnés. Il y a aussi les sponsors qui doivent avoir la mission de faire régner l’ordre au sein des équipes. Il y a tout ce monde interlope de la médecine et des laboratoires qui doit aussi être poursuivi.
    Pour le dopage technique il y a longtemps que je pense qu’il est dans le peloton ne serait-ce depuis que les vélos sont passés au scanner. on ne les passe pas au compteur Geiger donc c’est bien la preuve que l’UCI n’avait pas pris ces allégations à la légère. Depuis 2010 nous n’avons jamais revu Spartacus nous refaire le coup du tour des Flandres et de Paris Roubaix. Cette année là il avait ridiculisé ses adversaires.
    La bonne nouvelle est que l’UCI a opté pour une position offensive et il faut l’en féliciter. Le cyclisme devient de plus en plus un sport en avance en matière de lutte contre le dopage. Il faut continuer dans cette voie.

  10. Fore

    Concernant les coureurs entendus, ils sont bien plus que 16, mais beaucoup n’ont pas voulu être cités (par ex Contador a témoigné discrètement… puis l’a dit dans la presse). Di Luca ou Santambrogio aussi (nommés comme  » a rider who tested positive for EPO in 2013). Quant à Riis, il est dans la liste de témoins, mais comme directeur sportif.

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