De l’avis même de certains suiveurs aux premières loges dimanche, notamment Jean-Marie Leblanc, l’édition 2004 de Paris-Roubaix ne passera pas à l’histoire comme un grand millésime. C’est un de ces Paris-Roubaix un peu bizarre, qui laisse un drôle d’impression au final. La moyenne, 39,1 km/h, témoigne de cette course bizarre, courue sous un temps clément, malgré un petit vent de face ennuyeux pour les coureurs ; on est loin des 45 km/h établi par Peter Post en… 1964 !

La malchance fut une fois de plus l’élément déterminant, condamnant Hoste (pris dans un drapeau!) puis Van Petegem puis finalement Musseuw à… 6 kms de ce qui semblait être une entrée triomphale sur le vélodrome de Roubaix pour une 4e victoire quasi-assurée. C’est la course, direz-vous, mais il n’en demeure pas moins que Paris-Roubaix 2004 fut encore une fois cette année une loterie. Le vent, soufflant de face, a également contribué à freiner les ardeurs de nombreux favoris, figeant la course.

De la chance, notre surprenant (pas si surprenant que ca, il était 2e de Gand-Wevelgem récemment…) vainqueur Magnus Backstedt en a eu puisqu’il n’a pas crevé une seule fois de la course ! Pour le colosse suédois de 1m93 pour… 90 kg (198 livres), c’est tout un exploit sur un tel parcours. On savait par ailleurs Backstedt à l’aise sur Paris-Roubaix puisque c’est cette course qui l’avait révélé en 1998, alors qu’il y prenait une belle 7e place, à l’âge de 23 ans. Depuis, il avait quelque peu galéré, au prise avec des problèmes de santé (maladie, genou).

Sa victoire confirme que Paris-Roubaix est avant tout une course qui favorise les grosses cylindrées, c’est-à-dire les coureurs présentant une puissance aérobie maximale (PAM) élevée. Le rapport poids/puissance, si déterminant dans les Ardennaises et les grands tours, ne joue à peu près pas puisque la course se déroule entièrement sur terrain plat. Ainsi, un coureur comme Backstedt, certainement très puissant puisque disposant d’une musculature imposante, tout comme Tom Boonen, a pu tirer son épingle du jeu, laissant loin derrière des coureurs comme Bartoli ou Vandenbroucke, pourtant ayant un rapport poids-puissance bien supérieur.

Le film de la course

Acte 1 : l’échappée matinale n’est partie qu’au km 74, après de nombreuses tentatives toutes infructueuses. Il faut croire que le peloton était nerveux en début de course.

Acte 2 : Une chute importante est survenue dans la tranchée d’Aremberg, coupant en deux le peloton. Bien peu de coureurs pris derrière la chute ont pu par la suite revenir dans le premier peloton, qui comportait presque tous les favoris, sauf VDB et Tafi.

Acte 3 : Plusieurs tentatives d’échappée (Kirsippuu, Hincapie, Van Bon, etc.) furent anéanties, soit par le vent, soit par le peloton qui chassait tout ce qui partait. Pour Hincapie, c’était une erreur de vouloir partir si tôt. Conséquence de ces mouvements, 35 coureurs se sont présentés ensemble au Carrefour de l’Arbre, à quelques kms de Roubaix. Du jamais vu.

Acte 4 : Crevaison de Van Petegem puis accélération de Musseuw à 13 kms du but, qui amène avec lui les 4 premiers coureurs au classement.

Acte 5 : Crevaison de Musseuw à 6 kms du but, le comble de la malchance. On est à peu près certain que sans cette crevaison, Musseuw, ancien maillot vert du Tour et très expérimenté, aurait facilement remporté le sprint final.

Acte 6 : Backstedt s’impose alors que l’anglais Hammond est un spécialiste du sprint. Grosse erreur d’Hammond qui part trop tôt. Pour l’anecdote, les deux coureurs sont excellents amis, puisqu’ils ont partagé un appartement ensemble pendant 2 ans en Belgique…

Les vainqueurs surprise de Paris-Roubaix :

– 1988 : le Belge Dirk DeMol, aujourd’hui directeur sportif adjoint chez US Postal, s’impose à Roubaix en battant son compagnon d’échappée le Suisse Thomas Wegmuller et ce après plus de 200 bornes devant. Les grands leaders de l’époque, Kelly, Fignon, Vanderaerden et Criquielion s’étaient regardés toute la journée… Pour la petite histoire, Wegmuller avait accidentellement roulé sur un sac plastique juste avant l’entrée sur le vélodrome, condamnant son dérailleur arrière… Pas pratique pour le sprint !

– 1991 : le Belge Jean-Marie Wampers, après une échappée de près de 50 bornes en tête. Personne n’y croyait, lui le premier. Et pourtant, il gagna.

– 2001 : le Hollandais Servais Knaven. Jouant à fond la carte d’équipe qui voulait qu’un Domo attaque à tour de rôle un Hincapie isolé, son attaque fut la bonne. Derrière, Musseuw et Peeters, notamment, étaient réduits à suivre Hincapie qui se devait alors de chasser, ce qu’il ne fit évidemment pas.

Les révélations en 2004 :

Quelques coureurs ont impressionné : Hammond (3e), Boonen (9e) Cancellara (4e), Flecha (13e), Hoste (12e). Ce Hoste, il faudra le retenir. Quelle performance depuis dimanche dernier !

Les plus malchanceux, en ordre : Musseuw, Van Petegem, Hoste.

Les déceptions : VDB (encore…), Bartoli (21e), Tafi (43e), Hincapie (comme d’hab… (8e)), Wesemann (16e), Sunderland (44e).

Les excellentes photos de Graham Watson sont disponibles ici.

Au classement de la Coupe du Monde, c’est Wesemann qui prend le maillot, devant Freire et Backstedt. Les Ardennaises viendront probablement tout chambouller, favorisant une autre race de coureurs, disposant d’un rapport poids/puissance avantageux !

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