Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Mois : octobre 2015 Page 1 of 2

Col Collective: Passo di Pordoi

Les vidéos « Col Collective » avec l’ex-pro Mike Cotty nous propose depuis peu un nouvel opus tourné sur le Passo di Pordoi.

Magnifique col, pas très difficile car très régulier (6-7%), que j’ai eu la chance de grimper à l’entrainement et lors de mon Maratona Dles Dolomites cet été. Le Passo di Pordoi est le 2e col à franchir de la journée, sur un total de 7.

Souvenirs souvenirs…

Pordoi_ - 1 (1)

Ma contribution: éveiller les consciences?

Vous avez été nombreux à réagir à mon texte d’hier sur le dopage lors du GranFondo New York, comme vous avez été nombreux à réagir au récent cas de dopage dans le cyclisme au Québec.

Ces réactions ont pris la forme de commentaires sur ce site, mais aussi de discussions et d’échanges sur les réseaux sociaux, notamment Facebook.

Ce fut passionnant que de vous lire et je vous remercie.

Certains d’entre vous me suggèrent de prendre ça cool, et vous avez certainement raison!

Certains trouvent aussi que La Flamme Rouge parle parfois trop de dopage, et vous avez possiblement aussi raison.

Sachez que j’en suis conscient.

Vous savez, j’ai toujours essayé de garder La Flamme Rouge à sa place.

Je ne suis pas un ancien champion cycliste. Je reste à ma place, et ne désire pas tenir ce site pour être le héros de mes propres aventures. Je préfère rester modeste, sachant que vous êtes plusieurs à avoir de bien meilleurs palmarès que le mien.

J’essaie aussi de demeurer « profil bas » dans le monde du cyclisme. D’une part pour préserver mon indépendance totale, ce qui me permet une certaine liberté d’expression, voire une certaine crédibilité. D’autre part parce que je ne suis pas un journaliste officiel, comme peut l’être Simon Drouin de La Presse par exemple (mais je suis très certainement un journaliste raté, et aussi un démographe qui a réussi).

Enfin, je ne réalise pas La Flamme Rouge pour rechercher le succès ou l’audimat. Je réalise ce site avant tout pour partager ma passion du cyclisme, et tant mieux si mes textes vous rejoignent.

Dans ce partage de ma passion, s’inscrit une opportunité que j’embrasse: celle de développer le cyclisme, d’oeuvrer pour que ce sport soit mieux connu, mieux compris, plus populaire et… plus sain.

Oui je parle donc de dopage, car j’ose croire que ce faisant, je contribue à éveiller les consciences parmi la communauté cycliste et la population en général.

Je ne suis pas Christine Ayotte, ni Damien Ressiot. Mais si, grâce à La Flamme Rouge, je peux éveiller les consciences quant au fait que le dopage est inacceptable, alors ça vaut la peine.

Si, grâce à La Flamme Rouge, vous êtes quelques uns qui, ces derniers jours, avez pu prendre ne serait-ce que 10 minutes pour réfléchir au dopage dans le sport, alors je me dis que ça vaut la peine de parler dopage. Et certains d’entre vous m’ont dit l’avoir fait, c’est une satisfaction.

Qui sait, peut-être qu’en éveillant ainsi les consciences, en sensibilisant, en montrant que le dopage ne vaut pas la peine, nos courses seront plus saines?

C’est un pari que je fais.

Je suis tellement convaincu que les valeurs fondamentales du sport et du cyclisme dépassent le simple fait d’être le meilleur, surtout dans un monde qui a perdu ses repères autrefois donnés par notamment la religion.

J’ai tellement eu de plaisir à regarder un Tom Boonen radieux en se dirigeant vers Peter Sagan, tout juste champion du monde quelques instants après avoir franchi la ligne d’arrivée, prouvant l’immense respect qui existe entre authentiques champions cyclistes.

Je me rappelle moi-aussi de petits gestes: Bill Hurley, un excellent coureur de la région d’Ottawa, champion du monde chez les 30-34 en vélo de montagne au début des années 2000, m’encourageant dans la dernière rampe d’un championnat québécois dans les Laurentides vers 2002 ou 2003, alors que je terminais légèrement attardé des meilleurs, manifestement un grand esprit sportif. Je ne l’ai jamais oublié.

Ou un John Malois prenant soin de moi après une violente chute au Grand Prix OBC dans le Parc de la Gatineau il y a quelques années, moi le coureur anonyme, lui le coureur bien connu qui ne me connaissait pas: touché à la tête, il m’a accompagné jusqu’à la ligne d’arrivée où j’ai pu être pris en charge, renonçant du coup à terminer sa propre course. Je ne l’ai jamais oublié.

Le sport cycliste, c’est ca. Compagnons et solidaires dans la souffrance, dans un respect mutuel qu’imposent la violence de l’effort et l’abnégation requise pour aller au bout de l’objectif.

C’est ce sentiment fugace mais bien présent d’accomplissement et de respect que j’ai ressenti une fois encore au sein des coureurs, cette fois à l’arrivée de la difficile et exigeante Campionissimo en juin dernier, après 7h d’effort par delà Gavia, Mortirolo et San Christina.

Le sport cycliste, ce n’est pas le dopage, ce vulgaire raccourci qui gâche tout.

Et ma conception du cyclisme, c’est celle que je partage avec Greg Lemond, un passionné s’il en est. Tout est résumé dans le vidéo suivant, de 6min05 à 6min50.

GranFondo NY: le vainqueur positif!

Le Campagnolo Gran Fondo New York se déroulait le 17 mai dernier.

Vous savez que je suis opposé à des podiums sur les cyclosportives: on peut certes établir un chronométrage, question de pouvoir se comparer d’une année à l’autre, mais je demeure convaincu qu’il est ridicule de tenir des cérémonies protocolaires de podiums sur de tels événements.

Enfin peu importe, le « vainqueur » du GranFondo New York cette année, le Colombien Oscar Tovar, vient d’être trouvé positif à la testostérone.

Il sera donc suspendu pour une durée de 2 ans par l’USADA, chose que je ne comprends pas puisque la sanction pour un premier contrôle positif est passée à 4 ans en janvier dernier. Pourquoi donc 2 ans plutôt que 4 ? On mentionne dans le communiqué du GranFondo qu’un examen du dossier médical de l’individu aurait été pris en compte?

Quoi qu’il en soit, le gus a été banni à vie du GranFondo New York et de toute la série auquel appartient cette épreuve.

Comble de l’ironie, la féminine ayant terminé 3e du classement des femmes, une Colombienne elle-aussi, a également retourné un contrôle positif !!! Ca ne s’invente pas. Cette fois-ci, des stéroïdes seraient en cause.

Aie aie aie.

Voilà qui prouve sans aucun doute que le dopage est également présent sur les grandes cyclosportives internationales de ce monde, et qu’il est peut-être assez répandu parmi ceux briguant les 20 premières places. À voir comment certains « marchaient » sur La Campionissimo que j’ai fait cet été, il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous ne sommes pas tous à armes égales au départ.

Fou, nous vivons dans un monde complètement fou.

J’estime qu’il serait tout à fait légitime que le Gran Fondo New York entreprenne des poursuites légales auprès de ces deux participants s’étant dopés sur leur épreuve, ne serait-ce que pour atteinte à leur image. Comme le GranFondo mentionne, l’épreuve a « célébré » ces personnes au terme de l’épreuve: voilà maintenant qu’on sait pourquoi ces personnes ont terminé sur le podium.

Quelle saloperie que toute cette triche. Ca me dégoute.

Chose certaine, je salue bien bas la tenue de contrôles anti-dopage sur le GranFondo New York, sur- et en dehors de l’épreuve. Comme ils écrivent « The ultimate goal is not to catch cheaters but to deter them from racing at all. »

Well said.

À noter que le GranFondo ont également procédé à des tests aléatoires visant à détecter le dopage mécanique parmi les participants. Ces tests seront étendus en 2016.

Moi, je dis bravo.

Matos: capteurs de puissance, Sram sans fil, casques aéro

À ne pas manquer pour tous ceux qui se laisseraient tenter, durant l’inter-saison (Noël approche…), par l’achat de nouveau matos pour le vélo.

L’excellent site Matos Vélo nous propose ce comparatif entre les capteurs de puissance Stages et SRM, question d’estimer leur degré de précision. Surprises garanties…

Cet autre excellent site, Vélo de route, vous propose ici ce premier test sur la route de la transmission Sram sans fil, testée et utilisée en 2015 par notamment l’équipe AG2R – La Mondiale. Certains de leurs vélos en étaient équipés sur le GP de Québec et Montréal.

Enfin, VeloNews nous propose ce petit test en soufflerie sur les gains qu’entraine l’utilisation de casques de route au profil « aéro », qui foisonnent depuis quelques années (le Giro Air Attack ou le Specialized Evade en sont de bons exemples). Gains réels? Combien? Cet article fait le point. Personnellement, le poids est pour moi un critère plus important que les gains aérodynamique, notamment sur les longues cyclosportives où la fatigue est importante en fin d’épreuve.

Votre moment incroyable de la saison 2015?

Plusieurs coureurs pros se sont récemment prononcés à l’occasion du critérium Saitama au Japon: la victoire de Peter Sagan sur les Mondiaux de Richmond a été leur moment le plus spectaculaire de la saison 2015.

Plusieurs amateurs de cyclisme seront probablement d’accord avec ça!

Le mien est ailleurs.

C’est sans hésiter d’aucune façon que je vous livre mon moment le plus spectaculaire de la saison cycliste professionnelle 2015: la victoire de Ian Stannard sur le Het Nieuwsblad.

Payez-vous de nouveau ces images spectaculaires d’un final ahurissant: Stannard seul contre pas moins de trois Etixx Quick-Step dans le final, soit Boonen, Terpsta et Vandenberg, excusez un peu.

99,9% de chances de perdre la course. Il n’en fut rien: non seulement Stannard résista, notamment à l’attaque de Tom Boonen (Boonen…), mais il trouva également les ressources pour s’imposer au sprint.

J’en connais qui ont dû se faire remonter les bretelles le soir de la course. On doit encore en parler en Belgique aujourd’hui.

Et on devrait passer ce vidéo dans toutes les écoles de cyclisme. Les Etixx ont certes mal joué leurs cartes (entre autre, pourquoi diable Vandenberg y va sur l’attaque de Terpstra?), mais Stannard lui a fait preuve d’un sang froid remarquable dans le final de la course.

Les commentaires des deux analystes de la télévision belge ne sont pas à dédaigner non plus: petit condensé d’un bon nombre de belles expressions cyclistes!

Bref, de loin mon moment le plus spectaculaire de la saison.

Valverde, meilleur coureur en 2015

Quel sont les meilleurs coureurs mondiaux en 2015?

Question épineuse s’il en est!

À ce titre, il est toujours intéressant de comparer les divers classements mondiaux au terme d’une saison, question de voir les différences.

Cette année, le vainqueur du classement WorldTour est Alejandro Valverde, ce qui est cohérent avec le site Cycling Quotient qui le désigne aussi meilleur coureur en 2015.

Difficile de s’opposer à un tel honneur pour le champion espagnol, vainqueur cette saison de la Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège, du Championnat d’Espagne, du classement au point sur la Vuelta, de 3 étapes du Tour de Catalogne et d’une étape de la Vuelta. Il était encore 3e du Tour de France, du Tour d’Oman en début de saison, de la Strade Bianche, de la Classica San Sebastian, 2e de l’Amstel, 4e en Lombardie, 5e des Mondiaux de Richmond, et 9e du Dauphiné. Y’a pas à dire, Valverde a répondu présent de février à octobre, enchainant les places d’honneur, parfois les victoires.

Du coup, je pense qu’on trouvera peu de personnes pour critiquer son titre de meilleur coureur mondial en 2015.

Il n’a cependant pas marqué les esprits comme Froome (vainqueur du Tour de France), Contador (vainqueur d’un Giro difficile), Sagan (toujours spectaculaire, vainqueur des Mondiaux) ou encore Aru (2e du Giro, vainqueur de la Vuelta).

Enfin peu importe, c’est derrière Valverde que ça se complique.

Au classement WorldTour, le palmarès est le suivant:

1 – Valverde

2 – Rodriguez

3 – Quintana

4 – Kristoff

5 – Aru

6 – Froome

7 – Contador

8 – Van Avermaet

9 – Costa

10 – Pinot

Au classement Cycling Quotient, qui tient en compte davantage de courses, on a:

1 – Valverde

2 – Kristoff

3 – Sagan

4 – Froome

5 – Contador

6 – Aru

7 – Rodriguez

8 – Quintana

9 – Van Avermaet

10 – Pinot

Rodriguez, 2e meilleur coureur mondial en 2015, devant Contador, Aru ou encore Kristoff ?

Et Quintana, devant Contador, Aru, Froome?

Je trouve que le classement World Tour est bien perfectible, par exemple parce qu’il semble désavantager les coureurs s’illustrant sur les courses par étape au détriment de ceux qui brillent sur les courses d’un jour.

Autre preuve, Costa est 9e du classement WorldTour, mais seulement 23e du classement CyclingQuotient qui considère encore une fois beaucoup plus d’épreuves. Cette position de 23e au monde pour Costa correspond mieux, je dois dire, à l’image que je me fais de sa saison 2015.

À l’heure où le cyclisme professionnel veut se réformer, il convient d’établir des classements qui seront significatifs dans l’esprit des gens, et de bien choisir les épreuves entrant dans ce classement mondial, ainsi que leur pondération. Mon classement personnel des 10 premiers mondiaux en 2015 serait le suivant:

1 – Valverde (sans conteste possible)

2 – Kristof (lui aussi présent de mars à octobre, auteur d’une superbe saison des Classiques en avril)

3 – Aru (seul coureur à avoir terminé sur le podium de deux grands tours cette saison)

4 – Froome (vainqueur du Tour et du Dauphiné)

5 – Contador (vainqueur du Giro, 5e du Tour)

6 – Sagan (vainqueur des Mondiaux, du Tour de Californie, maillot vert du Tour de France)

7 – Rodriguez (2e de la Vuelta, deux victoires d’étape sur le Tour de France, 3e de LBL)

8 – Nibali (champion d’Italie, vainqueur du Tour de Lombardie, 4e du Tour de France)

9 – Quintana (vainqueur Tirreno-Adriatico, 2e du Tour de France)

10 – Van Avermaet (vainqueur du Tour de Belgique, 2e Eneco Tour, 2e Strade Bianchi, 3e du Ronde, de Paris-Roubaix et de Paris-Tours, 5e de l’Amstel).

Selon les rumeurs, Chris Froome serait Vélo d’Or mondial 2015. Si tel est le cas, je ne suis vraiment pas d’accord!

Marc Kluszczynski vous répond

Vous êtes plusieurs à avoir laissé un commentaire suite à ma récente entrevue avec Marc Kluszczynski. Il vous répond aujourd’hui:

« Il est toujours intéressant de lire les commentaires de la Flamme Rouge.

Concernant le dopage dans le rugby, des batailles de prétoire se déroulent actuellement en France suite à la parution des livres de Pierre Ballester (Rugby à charges) et Laurent Bénézech (Rugby, où sont tes valeurs ?). Les deux auteurs dénoncent le virage qu’a pris le rugby suite à sa professionnalisation en 1997. Mais peut-on imaginer un dopage systématique et généralisé type cyclisme des années 90 ? Comme dit Yann, il s’agit d’éviter « le syndrome du tous dopés ». C’est ce à quoi je me suis attaché dans l’entrevue proposée par Laurent.

Je ne suis pas d’accord avec Régis 78 concernant des puissances de 450 watts « dépassées régulièrement ». Ou alors pendant quelques minutes tel Alexis Vuillermoz dans la 8ème étape du 11 juillet lors du TdF : 496 à 520 watts dans Mur de Bretagne pendant 4 minutes 10. Mais là, on ne peut rien en déduire, sauf que ce chiffre est possible humainement. Pour les spécialistes des estimations, le protocole n’est valable que dans le dernier col d’une longue étape pour un effort de plus de 20 minutes.

Pour Alain 39, je lui avoue être un « outsider » du milieu du cyclisme, et mes écrits ne sont que le témoignage de ce que je lis quotidiennement, néanmoins agrémenté d’une pointe de réflexion. Pour le problème de la perte de poids, il faut se rendre compte que les cyclistes pro passent plusieurs mois par an à plus de 3000 m, par bloc de 15 j à trois semaines. Et pendant lesquels ils s’entraînent durement. Il est légitime de penser que dans ces conditions, le pli adipeux doit être réduit à peau de chagrin (cela a toujours existé en cyclisme: Bernard Thévenet déclarait en 1977 n’avoir « pas un pet de graisse »). Depuis, certaines restrictions caloriques sont imposées aux coureurs. L’altitude elle-même diminue l’appétit et l’hypoxie est agoniste de la filière AMPK orientant l’organisme vers la combustion des graisses. Donc, je persiste, Alain 39 : ce n’est pas parce qu’un cador va en altitude qu’il se dope ! Comme Ti-Cass le signale justement, je n’ai aucune preuve de dopage à signaler.

Puis Thierry mtl nous parle de la mononucléose infectieuse (MNI, due au virus Epstein-Barr ou EBV) de Julian Alaphilippe « une infection virale qui peut se transmettre par transfusion ». Exact mais exceptionnel car il existe des traitements d’inactivation virale après recueil. Comme les transfusions homologues (sang d’une autre personne du même groupe) sont détectables, Alaphilippe aurait pris un énorme risque de l’utiliser. Reste la transfusion autologue. Fin octobre, il se trouve déjà en phase de convalescence et sa maladie est identifiée grâce aux IgG anti EBV spécifiques et tardifs. Les IgM et IgG non spécifiques de la phase aigue disparaissent en 4 à 8 semaines. Comme l’incubation de la maladie est de 4 à 6 semaines, Alaphilippe a du tomber malade entre le 15 juillet et début août. En cas de transfusion, il se serait injecté la maladie fin septembre deux mois après l’avoir contracté : cela ne tient pas, comme le signale Nico D. Le jeune français paie vraisemblablement sa 1ère partie de saison exceptionnelle par une immunodépression. On lui souhaite donc de retrouver son niveau antérieur qui lui permettra de briller avec Dan Martin sur les classiques ardennaises. »

Affaire Picard: une infinie tristesse

Autant vous le dire d’entrée de jeu: Dominic Picard est d’abord un ami de mon frère, puis est aussi devenu le mien, beaucoup à cause de notre passion commune pour le cyclisme.

Sherbrookois comme nous, ayant fait ses premières sorties à vélo dans notre roue au début des années 1990 en Estrie, je ne cacherai à personne que c’est avec plaisir que je retrouvais et que j’échangeais avec Dominic lorsque nous nous retrouvions sur une même ligne de départ ces dernières années.

C’est une question de valeur, de principe: je ne renie pas mes amis.

C’est vous dire à quel point la nouvelle d’hier – le CCES a trouvé Dominic coupable de dopage au tamoxifène et au clenbuterol, et l’a suspendu pour 3 ans et 9 mois – me consterne et m’attriste profondément.

Qu’il soit mon ami ou pas, cela ne change au fond strictement rien à ma pensée sur le dopage, que vous connaissez tous si vous lisez ce site depuis un moment (il existe depuis 2003): il n’y a aucune excuse valable qui ne tienne pour un tel geste.

Je n’accepte pas le dopage dans le sport, ce manque de respect pour ses adversaires (car c’est aussi de ça qu’il s’agit), et comptez sur moi pour continuer de le dénoncer, et pour continuer de sensibiliser les lecteurs de ce site sur ses dangers.

Alors évidemment, si je me sens aujourd’hui trahi, c’est surtout une infinie tristesse qui me domine face à cette situation.

Pour le cyclisme d’abord: encore une fois, notre sport morfle. Cette fois-ci, c’est le cyclisme sur route au Québec, parmi le peloton Maitre, composé entièrement de coureurs qui ne passeront jamais pro. Car si plusieurs histoires de dopage ont secoué le cyclisme sur route au Québec ces 10 dernières années, peu ont concerné un coureur Maitre.

On n’avait pas spécialement besoin de ça.

Il faut, collectivement, tirer des leçons de cette situation assez nouvelle.

Premièrement, c’est une preuve supplémentaire que le dopage parmi les coureurs Maitres demeure une réalité. On ne peut nier. Seule l’étendue de ce dopage reste inconnue.

Deuxièmement, que les contrôles, même au niveau Maitre, demeurent nécessaires, du moment qu’on organise des compétitions voire des Gran Fondo avec classement; car sans égalité des chances, que valent ces compétitions? Ici, l’argent est le nerf de la guerre: jusqu’où aller dans la hausse des tarifs des licences de course pour financer de tels contrôles? Chose certaine, il convient de saluer la décision de l’ACVQ, il y a quelques années, de financer des contrôles antidopage.

Troisièmement, qu’il convient de ne jamais relâcher nos efforts de prévention.

Par exemple, il demeure important que les équipes cyclistes à travers le Québec, quelles qu’elles soient, sensibilisent durant l’inter-saison qui arrive leurs coureurs au danger du dopage, et aux conséquences désastreuses d’un contrôle positif. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, c’est clair. La gloire de remporter la course du dimanche matin? Deux réponses à cela: premièrement, comment pourrez-vous vous regarder dans un miroir si cette victoire s’est acquise en trichant? Deuxièmement, si vous avez tant besoin de reconnaissance publique, consultez un spécialiste, ça presse!

Autre exemple, il faut que les fédérations poursuivent leur investissement dans des programmes de sensibilisation comme Race Clean, ou Roulez gagnants au naturel, en les actualisant régulièrement, et en assurant leur promotion, notamment auprès des plus jeunes. Les vêtements La Flamme Rouge arborent fièrement ces logos.

Évidemment, la tristesse infinie qui m’habite aujourd’hui est également à l’égard de Dominic.

C’est un garçon intelligent, qui a beaucoup lu La Flamme Rouge depuis des années: je sais qu’il comprendra parfaitement l’esprit de ce texte, comme ma déception.

On sait grâce au communiqué du CCES qu’il a avoué rapidement sa faute, et qu’il a collaboré pleinement avec les autorités antidopage depuis. Certains nient, évoquent des raisons loufoques, joue la carte de la fausse ignorance, nous prenant pour des valises.

Je sais que Dominic ne se soustraira pas à ses responsabilités, comme je sais qu’il mesure très certainement parfaitement la gravité de son geste à l’égard du milieu cycliste, et qu’il l’assumera, notamment auprès des personnes directement concernées. Certains continuent de nier les preuves, de ne pas reconnaître les jugements des autorités, et ne s’excusent jamais.

Vous serez nombreux à vous demander si nous avons récemment communiqué ensemble: la réponse est oui, par courriel.

Je lui ai signifié ma déception comme mon amitié, et lui ai ouvert les colonnes de La Flamme Rouge s’il désire s’exprimer. La suite lui appartient, et l’ami que je suis respectera son choix à cet égard.

Tour 2016: j’aime beaucoup!

Le parcours de la 103e édition du Tour de France a donc été rendu public hier depuis le Palais des congrès de Paris.

Autant vous l’avouer d’entrée de jeu: ce Tour de France me plait. Ca fait longtemps qu’un Tour de France ne m’a pas apparu aussi intéressant. Explications.

D’abord les faits: au menu de Messieurs les coureurs, 3519 kms répartis en 21 étapes, comme d’habitude. Le Tour s’élancera le 2 juillet depuis le Mont St-Michel, question de faire de belles photos, restera quelques étapes (promises essentiellement aux sprinters) en Normandie, puis mettra cap au Sud pour d’abord franchir les Pyrénées, puis les Alpes non sans être remonté par Montpellier et le… Mont Ventoux.

Pas de prologue donc l’an prochain, ni de chrono par équipe en début d’épreuve, ni même de pavés, présents sur les deux dernières éditions. Peut-on y voir une volonté des organisateurs de limiter les chutes, toujours très présentes en début d’épreuve, avec la nervosité du peloton? Ce n’est pas impossible. Chose certaine, les grands favoris trouveront que ce début de Tour est plus « tranquille » que les années précédentes.

Premier aspect intéressant, l’arrivée d’une étape accidentée et piégeuse dès le 5e jour, sur la route vers Le Lioran. À franchir ce jour-là, les cols du Pas de Peyrol, du Perthus avant l’ascension vers l’arrivée. 216 kilomètres tout de même, après deux étapes de plus de 200 bornes également, ça commencera à fatiguer le peloton.

Deux belles étapes dans les Pyrénées, d’un peu plus de 180 bornes, sont ensuite placées en fin de première semaine, volonté probable des organisateurs de ne jamais permettre aux coureurs de relâcher leur attention, et de leur donner un terrain propice à des rebondissements tous les jours.

Le classique Pau-Bagnères de Luchon lors de la 8e étape est bien ficelé: on attaquera le Tourmalet après une mise en jambes de 70 bornes, question de lancer la course, puis on enchaine ensuite sans répit Hourquette d’Ancizan (un col pas facile, avec beaucoup de ruptures de pente exigeant des changements de rythme), Val Louron Azet puis Peyresourde, avant la plongée sur l’arrivée (de quoi permettre aux coureurs de « faire la descente! »).

L’étape d’Andorre-Arcalis le lendemain n’est pas moins intéressante, avec une succession d’ascensions avant l’arrivée en altitude. Assurément de quoi créer des écarts, et une étape où certains coureurs voudront partir de loin.

La première journée de repos interviendra le lundi 11 juillet.

Après deux étapes dans le Sud, où il peut faire très chaud, les organisateurs ont bien faits les choses avec une arrivée au sommet du mythique Ventoux lors de la 12 étape, le jour du… 14 juillet. Si l’étape se résumera probablement à une course de côte, ça sera néanmoins intéressant car des défaillances peuvent survenir. Bien! Les coureurs français voudront évidemment s’illustrer et Thibaut Pinot a un bon coup à jouer sur cette étape, c’est évident.

La 15e étape vers Culoz est pour moi probablement la plus intéressante: seulement 159 bornes, mais quelle journée casse-pattes, avec pas moins d’une succession de petits cols puis deux ascensions du Grand Colombier, excusez un peu, avant la plongée finale vers l’arrivée. Celle-là sera probablement spectaculaire. Voilà l’archétype d’une étape bien pensée.

PROFIL

Enfin, vers la fin de la 2e semaine, un chrono de 37 bornes sur un parcours présentant tout de même 900m de dénivelé. Le maillot jaune devra s’y défendre, et ça pourra permettre à certains de faire un rapproché juste avant la traversée des Alpes. De quoi entretenir le suspense, à condition de ne pas avoir un coureur archi-dominant comme Froome cette année.

On attaque enfin les Alpes, avec plusieurs étapes intéressantes même si on ne franchit pas de très grands cols comme le Galibier, l’Izoard, la Bonette, la Madeleine ou le Glandon.

Si le seul intérêt de l’étape vers Finhaut-Emosson est cette ascension finale justement, difficile, celle du lendemain est originale puisqu’un nouveau chrono (seulement 5 jours après le premier!), en côte toutefois, attend les coureurs du côté de Sallanches. 17 bornes seulement, mais ça peut faire des écarts en fin de course.

Restera deux belles et difficiles étapes d’environ 150 bornes, de quoi créer du mouvement, la première entre Albertville et Saint-Gervais Mont Blanc (Forclaz, Saisies avant d’attaquer l’ascension vers l’arrivée en altitude), la deuxième entre Mégève et Morzine (Aravis, Colombière, Ramaz et le difficile Joux Plane dans le final, un parcours dans des paysages magnifiques). La plongée vers Morzine sera une nouvelle occasion pour les bons descendeurs de s’illustrer (Nibali, Bardet?).

Bref, il s’agit d’un Tour de France proposant selon moi beaucoup d’étapes intéressantes, pas toujours des classiques, mais des étapes propices à l’initiative, donnant chaque jour des idées et assurément des occasions pour piéger ses adversaires. Les grimpeurs, mais aussi les bons rouleurs en raison des deux chronos, trouveront matière à s’exprimer sur ce parcours qui convient à beaucoup de coureurs.

C’est peut-être le plus grand mérite de ce Tour de France 2016: il y en aura pour tous, y compris pour les plus audacieux!

Rappelons en terminant qu’outre Ryder Hesjedal, chez Trek l’an prochain, Hugo Houle présente d’excellentes chances d’être au départ de ce Tour de France pour AG2R – La Mondiale s’il connait les mêmes succès que cette année. Sans chrono par équipe, sur un parcours accidenté, les chances de Svein Tuft d’être de l’alignement d’Orica-Green Edge m’apparaissent moindres. Christian Meier pourrait lui aussi être au départ pour cette formation.

L’étape du Tour

Ce sera le 10 juillet prochain entre Mégève et Morzine, sur 146 bornes (donc accessible à beaucoup). Pour connaître ce coin de pays, ces cols sont vraiment magnifiques et les paysages superbes. Une très belle étape. Les inscriptions sont ouvertes, il faut donc faire vite!

map_route

À quand au Québec?

J’ai toujours soutenu que la sécurité des usagers de la route – surtout des cyclistes – passait d’abord et avant tout par la prévention au moyen de l’éducation – surtout des automobilistes -, une éducation qui évidemment fait cruellement défaut au sein d’une population dont le niveau de littératie est inquiétant.

Dans ce contexte, j’aime beaucoup cette publicité visible en Tasmanie à propos du corridor de sécurité que les automobilistes devraient réserver aux cyclistes qu’ils croisent.

Espérons que cela pourra inspirer le ministère des Transports du Québec, mais je n’ai pas grand espoir…

 

Dopage dans le cyclisme : le point avec Marc Kluszczynski

La semaine dernière, Simon Drouin, journaliste sportif à La Presse, publiait un article sur le dopage dans le cyclisme, au titre choc : « Quand la science prend de l’avance sur les tricheurs ».

Vraiment ?

Serions-nous en train de gagner la bataille contre le dopage dans le cyclisme, et dans le sport ?

J’ai trouvé bien évidemment le titre quelque peu exagéré, et j’ai donc voulu faire le point sur la situation en consultant certains experts indépendants, les seuls capables de donner l’heure juste selon moi car n’ayant pas d’intérêt financier ou institutionnel dans le cyclisme, comme moi.

C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers Marc Kluszczynski, pharmacien et expert sur le dopage, responsable de la rubrique « Sur le front du dopage » de la revue Sport & Vie. Marc est fréquemment intervenu, ces dernières années, à propos du dopage dans le sport et nous donne un avis éclairé et intéressant sur la probable situation actuelle.

La Flamme Rouge : Marc, au terme de la saison 2015 de cyclisme, merci d’accepter de faire le point sur l’état de la situation à l’égard du dopage dans le cyclisme.

Marc Kluszcynski: Ca me fait plaisir Laurent.

LFR: Marc, au terme de la saison 2015, il y a selon toi moins de dopage dans le cyclisme professionnel qu’avant?

MK: Ma réponse est oui ! Notamment parce qu’il devient de plus en plus difficile de se doper suite à la mise en place des contrôles inopinés il y a 10 ans et du passeport biologique en 2008. La mentalité des jeunes cyclistes pro et de certains directeurs sportifs a aussi évolué. Il y a donc, selon moi, moins de dopage en quantité et en qualité.

De plus, les avantages procurés par un dopage sanguin ne sont plus de 10 à 15% (comme dans les années 2000) mais de quelques pourcents, qu’un jour « sans » peut d’ailleurs annihiler. La physionomie des étapes de montagne a changé, et on voit que les démarrages n’ont souvent lieu que dans les derniers kilomètres du dernier col. Les puissances de 450 watts voire plus appartiennent désormais à une époque révolue. L’interprétation des puissances estimées comme signature d’un dopage, et que certains jugent à la hausse depuis quelques années sur le Tour de France, est soumise à discussion. Cette hausse est en contradiction avec ce constat.

LFR: Quels sont, selon toi, les usages dopants les plus répandus actuellement dans le peloton professionnel et existe-t-il des nouveaux produits à surveiller?

MK: Le dopage sanguin garde vraisemblablement la 1ère place, les micro-doses d’EPO et les mini-transfusions indétectables permettant de ne pas trop faire bouger les constantes du passeport biologique. L’emploi des micro-doses est facilité par l’impossibilité actuellement d’effectuer des contrôles nocturnes (entre 23h et 6h par exemple), seule période où elles seraient détectables. Il faut aussi ajouter que plus d’une centaine d’EPO de contrebande restent indétectables.

De plus, le nombre de produits indétectables agissant sur les filières de dopage endogène n’a jamais été aussi important. On peut citer : les mimétiques de l’insuline, les sécrétagogues de l’hormone de croissance, les mimétiques de l’EPO (qui se font bien discrets car certains sont déjà détectables), les inhibiteurs de la dégradation de l’AICAR endogène (substance 14), et surtout les sécrétagogues de l’EPO endogène. Pour ces derniers produits, qui intéressent beaucoup l’industrie pharmaceutique dans le traitement de l’insuffisance rénale et l’anémie, la recherche est féconde et la mise au point de tests de détection risque d’être plus difficile pour toutes ces dernières substances pour certaines issues de biotechnologies.

Bref, on peut penser que l’âge d’or de l’EPO « classique » touche à sa fin car une bonne trentaine d’agents stimulants de l’érythropoïèse (certains sous forme de comprimés à avaler) sont au stade des essais cliniques. Le but est donc désormais de faire sécréter l’EPO endogène (que l’organisme sécrète), ce qui permet par ailleurs de déjouer plus facilement le passeport biologique.

Certains de ces médicaments sont toutefois déjà détectables, comme le FG-4592, grâce en effet à une collaboration entre l’industrie pharmaceutique et l’AMA pour la mise au point de tests de détection. Les progrès sont toutefois lents car il s’agit en fait de ne pas en faire trop afin de préserver les intérêts des deux côtés.

Ajoutons aussi que l’usage des bronchodilatateurs et des corticoïdes inhalés est libéralisé depuis quelques années. Il faut retenir qu’un corticoïde inhalé a bel et bien une action générale puisqu’il influe sur le taux de cortisol. Certains ne doivent pas se gêner non plus pour utiliser la testostérone en microdoses (le cas de Tom Danielson est probablement lié à cela).

Reste enfin le dopage par interprétation de la liste des substances interdites, certains produits n’étant pas interdits mais présentant un réel intérêt ergogène. Citons par exemple la béta-alanine, les corps cétoniques et la lévothyroxine, qui a permis à Roman Kreuziger de déjouer le passeport sanguin. Pourtant, l’AMA ne l’a pas inscrite sur la liste des produits interdits en 2016.

Grâce à Internet toutefois, la circulation des produits dopants fait que l’on assiste à une escalade dans le sport amateur. Si elle quitte peu à peu le haut niveau, l’EPO pourrait bénéficier d’une seconde carrière dans le sport régional.

LFR: L’état de maigreur du peloton fait parfois peur… naturel ou pas?

MK: Cet état de maigreur est-il du à l’utilisation d’un modulateur métabolique orientant le métabolisme vers la combustion des graisses où à une nouvelle norme lancée par les médecins du cyclisme (dont le Dr Michele Ferrari en a été le précurseur) ? Jusqu’à présent, tous sports confondus, il n’y a eu que 11 cas positifs au GW 501516 (dont 9 cyclistes : le russe Kaykov et des sud-américains). L’alerte lancée par l’AMA en 2013 sur les dangers du produit a-t-elle été dissuasive ? Je ne pense pas que ces substances soient autant utilisées que ne voudrait le faire croire la presse à sensation.

Et pourquoi l’état de maigreur du peloton ne serait-il pas du à un recul du dopage ? La perte de poids est un bon moyen d’augmenter les watts/kg. Avec cependant l’inconvénient de diminuer les défenses immunitaires et de favoriser les infections respiratoires, de plus en plus fréquentes dans le peloton (mais déjà favorisées par les corticoïdes inhalés).

LFR: Quel bilan aujourd’hui pour le passeport biologique, désormais en place depuis plusieurs années?

MK: Concernant le dopage sanguin, le passeport biologique a certes mis de l’ordre et en a réduit les avantages. S’il peut être contourné par un dopage « soft » à base de micro-doses ou de mini transfusions autologues, on peut penser que l’avantage retiré sur la performance n’est plus de 10% à 15% comme dans les années 2000, mais de quelques pourcents seulement, bénéfice qui peut être annulé par un jour de méforme dans un grand tour. De jeunes cyclistes crédibles et transparents (Thibaut Pinot, Tom Dumoulin, plusieurs coureurs canadiens) montrent en ce sens une nouvelle voie.

Rappelons aussi que l’UCI a été la 1ère fédération à adopter le passeport biologique en 2008. Comme l’avait déclaré le Pr. Michel Audran, les profils sanguins anormaux ont disparu. Mais le passeport n’est pas l’arme absolue et doit absolument évoluer s’il ne veut pas rejoindre l’hématocrite à 50% de 1997, que certains considéraient comme une limite à ne pas franchir dans le dopage. Les micro-doses permettent en effet de rester « dans les clous » et d’éviter de se faire flasher au radar. On ne peut cependant augmenter la sensibilité du passeport au risque de suspendre des faux-positifs. Il faut certes introduire de nouveaux dosages, mais lesquels ? Chose certaine, le passeport biologique doit mieux comprendre les fluctuations sanguines résultant de stages en altitude.

Enfin, contrairement à ce qu’affirmait Brian Cookson en 2014, une anomalie du passeport biologique ne doit pas être considérée comme un cas positif mais doit servir à cibler le sportif dans l’optique de le contrôler inopinément. Tout au plus, l’UCI pourrait appliquer (comme la FIS) la règle du no start-no run pour une durée de 15 jours à un mois. Avec l’affaire Kreuziger, l’UCI semble avoir choisi la prudence, se souvenant des problèmes juridiques issus des premières suspensions en 2009 (Pietro Caucchioli, Igor Astarloa, Tadej Valjavec, Franco Pellizotti qui pourtant avait été défendu par le Tribunal antidopage italien).

LFR: Le nouveau code mondial antidopage fait passer les peines suite à un contrôle positif de 2 à 4 ans. La dissuasion peut-elle fonctionner au plus haut niveau, alors que les enjeux, notamment financiers, sont colossaux?

MK: Avoir augmenté la durée de suspension de 2 à 4 ans en cas de dopage « lourd » (hormones, stéroïdes, dopage sanguin) est certainement dissuasif. Mais l’AMA n’a pas les moyens de ses ambitions, justement à cause des enjeux financiers du sport mondial. Les contrôles rétroactifs (dont le recul passe à 10 ans) ne sont pas assez utilisés selon moi car ils sont de véritables bombes à retardement.

LFR: Les législations contre le dopage et la circulation de produits dopants restent un réel problème en ce sens qu’elles ne sont pas harmonisées, l’Allemagne ou la France ayant par exemple des politiques bien différentes de l’Espagne. C’est un réel problème, et existe-t-il encore des « eldorado » pour coureurs pro voulant se doper sans soucis?

MK: Alors que 150 pays sont signataires du Code mondial antidopage, certains ne possédaient il y a encore peu ou pas de loi antidopage (Kenya) ni même d’agence antidopage (Jamaïque). Il s’agit non seulement de posséder une agence mais aussi de faire en sorte qu’elle fonctionne correctement ! Les records du monde du 100 mètres et du marathon ne sont donc pas crédibles. L’Espagne ne s’est dotée d’une loi antidopage qu’en 2006, lors de l’affaire Puerto, où la justice a montré ses limites. Madrid ayant échoué dans sa candidature pour l’obtention des JO 2020, peut-on garder espoir d’un renforcement de la loi antidopage espagnole ?

Les eldorado continueront donc à exister très certainement, notamment sous couvert de stages en altitude. En France, la pénalisation du sportif dopé (loi de 2008) est abandonnée, alors que l’Allemagne se préparait à voter une loi dans ce sens. Se pose alors le problème de la double peine : on ne peut condamner deux fois pénalement et administrativement pour le même délit. L’harmonisation des lois antidopage est donc souhaitable avec une sanction sportive pour l’athlète et des sanctions pénales (amende, prison) pour les pourvoyeurs, comme c’est le cas en France actuellement.

LFR: Ton bilan des récentes actions de l’AMA? Va-t-on dans la bonne direction?

MK: Les reportages de l’ARD réalisés par Hans Joachim Seppelt sur le dopage en athlétisme ont selon moi montré l’AMA sous un autre angle. L’AMA soutient l’IAAF dans le refus de transmettre aux agences nationales antidopage les passeports sanguins d’athlètes mis en cause dans les reportages. L’AMA de Craig Reedie a donc extrêmement déçu dans la conduite de la crise à l’IAAF suite aux reportages de Seppelt : le journaliste dénonce l’extrême mansuétude de l’AMA envers l’athlétisme russe (Seppelt emploie le mot « collusion »). On est donc très loin d’une AMA forte et indépendante (et incorruptible ?) malgré de timides avancées (création d’une agence antidopage au Kenya et en Jamaïque). Selon moi, la lutte antidopage ne survit actuellement qu’avec le bon travail de certaines agences nationales antidopage … et des reportages de Seppelt.

On peut aussi penser que les 1,36% de cas positifs dans le monde en 2014 tous sports confondus annoncés par l’AMA sont très loin de la réalité. Gonflé par la corruption des fédérations, ce pourcentage est vraisemblablement bien plus élevé (10 à 30% ?).

À la décharge de l’AMA, il faut dire qu’elle n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions. Pour obtenir les fonds nécessaires à la recherche, l’AMA dépend à moitié des Etats et à moitié du CIO. Le fonds de recherche antidopage s’élèvera en 2016 à 12 millions de $, somme ridiculement faible par rapport à celles circulant dans le sport mondial ou gagnées annuellement par certains sportifs de 1er plan.

Enfin, ironie révélatrice s’il en est dans tout ça, c’est que l’AMA fait remarquer que même si actuellement il est impossible de contrôler un cycliste entre 23H et 6h du matin, ce qui permet à la microdose d’EPO de disparaître de l’organisme, l’UCI n’utilise pas l’article 5.2 de son code antidopage qui stipule qu’un cycliste hautement soupçonné de dopage puisse être testé la nuit ! Le Code mondial antidopage 2009 avait déjà prévu un système de localisation avec des contrôles inopinés possibles 7 jours sur 7 et 24H sur 24. Ceci avait été considéré comme une intrusion dans la vie privée de l’athlète, ce qui avait décidé de l’intervalle 23H-6H. La lutte antidopage en Europe doit donc composer avec les directives de la Convention Européenne des droits de l’Homme. En 2016, en France, les contrôles nocturnes nécessiteront le consentement du sportif…

Je termine en évoquant la prévention du dopage, qui reste la grande oubliée de la lutte antidopage, sauf par exemple au Canada où le CCES s’investit avec sérieux dans cette mission. En France, compte tenu du « mille feuille à la française » qui dilue l’action, elle se résume à « quelques mallettes, flyers ou autres saynètes ». Ce qui n’empêche pas les différentes institutions de revendiquer la primauté de l’action.

LFR : merci Marc pour cet entretien ô combien éclairant !

Comment gérer les entrainements d’équipe?

C’est un phénomène archi-classique dans le cyclisme amateur: les sorties d’entrainement en équipe lors des week-ends qui deviennent de véritables championnats du monde!

Et sur le sujet, notre bible à tous, à laquelle j’adhère bien évidemment, The Rules, est désespérément muette.

Comment diantre éviter que ces sorties d’entrainement entre coéquipiers d’une même équipe cycliste amateur deviennent de véritables parties de manivelles?

Mon équipe a eu une réponse heureuse: l’organisation, grâce à des personnes dévouées qui se reconnaitront, d’entrainements d’équipe structurés, composés d’intervalles à faire individuellement sur des portions de route bien définies. La formule est parfaite: chacun peut ainsi se défoncer lors des intervalles, et une fois la série complétée, tout le monde se regroupe pour rentrer ensemble. On reconnait alors les tire-au-flanc à ceux qui ont encore de l’énergie pour rouler fort lors du retour de la séance d’intervalle, et on les laisse ainsi s’humilier en public…

C’est donc parfait, mais c’est sur semaine.

Que fait-on le week-end, lors de ces sorties d’entrainement plus longues, sur des parcours plus éloignés, permettant par exemple de couvrir 100 ou 125 kilomètres, le temps étant moins compté que durant les soirs de semaine?

J’avoue ne jamais avoir trouvé la formule parfaite!

Un sain équilibre doit être gardé entre « sortie payante » et « championnat du monde » préjudiciable à l’atteinte d’objectifs précis. Car trop souvent, ces sorties se font à la moyenne, donc sur un rythme élevé mais sans vraiment de gros changements de rythme. Pas l’idéal pour briser l’effet diesel et préparer une équipe à affronter la compétition de haut niveau, elle-même faite essentiellement de changements violents dans l’allure.

L’homogénéité du groupe est évidemment la clef, mais cette homogénéité est plus difficile à atteindre au sein d’une équipe amateur qu’au sein d’une équipe pro. Les conditions physiques varient, de même que les qualités de chacun. Et puis, personne n’est payé, donc l’autorité ne fonctionne pas de la même façon qu’au sein d’un groupe professionnel.

Comment ca se passe dans votre équipe? N’hésitez pas à partager vos expériences, la meilleure formule existe probablement quelque part!

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