Debout!
J’étais debout devant ma télévision hier dans le final de l’étape en regardant Christophe Riblon revenir inexorablement sur un Tejay Van Garderen qui n’avançait plus. Superbes images de deux coureurs luttant mano-à-mano pour décrocher la victoire sur la plus prestigieuse des étapes de ce Tour de France, avec celle du Ventoux bien sûr.
Et Christophe Riblon est revenu dans la dernière rampe, juste avant l’entrée dans le village de l’Alpe d’Huez. Il était minuit moins deux, après, c’était moins difficile, donc Van Garderen aurait peut-être pu s’accrocher.
Mais là, non, la pente était encore bien difficile, et Christophe a attaqué dès le contact, ne laissant aucune chance au coureur américain.
Il était alors évident que ca s’est joué au moral: Christophe ne sentait plus les pédales malgré la fatigue, galvanisé par l’opportunité qui se présentait à lui, et Van Garderen a immédiatement cédé dans la tête sur le retour de Christophe, lâchant une minute sur les 1500 derniers mètres.
Bref, une très, très belle victoire, de loin la plus belle selon moi de ce Tour de France, au terme d’un mano-à-mano enlevant. À 10 bornes de l’arrivée, j’étais pourtant certain que Riblon, alors à 40 secondes de Van Garderen, avait course perdue! On dit parfois « slow but steady wins the race »: ca s’est appliqué parfaitement hier!
Et l’étape nous prouve qu’en cyclisme, il ne faut jamais rien lâcher, même derrière: devant, on ne sait jamais ce qui peut se produire!
Une victoire au mental
Si ca s’est joué au mental dans les 5 derniers kms de l’étape hier, Christophe Riblon et toute l’équipe AG2R La Mondiale ont également superbement réagi au coup dur de la veille, alors qu’ils avaient perdu leur leader et premier français du Tour, Jean-Christophe Peraud, sur une double chute durant le chrono de Chorges.
Abattue donc la veille, l’équipe s’est ressaisie et a signé, 24h plus tard, une victoire d’anthologie. Ca force le respect!
Magnifique AG2R La Mondiale!
J’aime beaucoup cette équipe française, notamment parce que le siège social est situé à Chambéry, berceau de ma passion pour le cyclisme en raison de mes racines familiales à cet endroit. L’équipe présente de nombreux coureurs très adroits en montagne, et joue habituellement la modestie, préférant faire parler d’elle « à la pédale ». J’aime cette attitude chez cette équipe!
En 2010, à l’occasion de ma 9e participation à la Marmotte, j’avais pu visiter le service course de l’équipe à Chambéry. Un grand souvenir!
La course pour le général
Là, c’est nettement moins intéressant.
Froome a certainement faibli un peu dans les 5 derniers kms de l’étape, mais c’était en raison d’un début de fringale qu’il a su assez bien gérer, même s’il a été pénalisé pour ravitaillement illégal en fin de course.
Froome était encore très fort hier, et c’est lui qui a coulé Contador en accélérant au début de la 2e ascension de l’Alpe d’Huez. Contador est visiblement un ton en dessous de son niveau antérieur, souffrant peut-être d’allergies grandissantes.
Et Froome a été copieusement hué dans les deux ascensions de l’Alpe d’Huez, ca ne faisait aucun doute, preuve que le public n’est pas dupe et de mon côté, je trouve que c’est plutôt positif (sans jeu de mots!).
Quintana et Rodriguez, quant à eux, sont les coureurs qui, visiblement, sont très forts en cette fin de Tour. Attention à eux demain et samedi, Quintana doit être à peu près convaincu que la 2e place est jouable et qu’il peut la ravir à Contador.
Autre fait important, la solidité de Richie Porte en cette fin de Tour, qui abat tous les jours un travail colossal pour Froome. Encore deux étapes à tenir et c’est tout bon pour Froome et lui!
Les temps d’ascension
Ils ne révèlent rien d’anormal. Quintana aura été hier le plus rapide lors de la 2 ascension de l’Alpe d’Huez, réalisée en 39min49sec, soit à plus de 3 minutes du record d’ascension de Marco Pantani, établi il y a… presque 20 ans! Froome est monté en 40min55sec, victime il est vrai d’une baisse de régime dans le final en raison d’un début de fringale.
Pour Riblon, c’est 43min01, soit un temps plus lent que les cadors. C’est logique.
Le bidon de Jens Voigt
Magnifique histoire de Jens Voigt qui a fait demi-tour à quelques kilomètres de l’arrivée parce que le bidon qu’il voulait remettre à un petit garçon avait été en fait récupéré par un adulte ayant bousculé ce petit garçon pour l’obtenir.
Voigt a donc fait demi-tour pour demander à cet adulte de remettre le bidon au petit garçon. En pleine course!
Rappelons que Voigt est le coureur le plus âgé de ce Tour, à bientôt 42 ans, et qu’il est le papa de… 6 enfants!
Les données SRM de Froome rendues publiques
Las de la polémique, l’équipe Sky a remis les données SRM de Chris Froome à Frédéric Grappe pour son analyse. Voilà qui est un geste intéressant et porteur d’espoir.
Le hic?
Le hic, c’est que l’analyse de Grappe est navrante. Attention, grande conclusion: les puissances développées par Froome sur ce Tour sont cohérentes avec celles de 2012 et de la Vuelta 2011!!!!!!!! Wow!
C’est parce que Froome a justement crevé l’écran sur cette Vuelta 2011… et donc la cohérence des puissances depuis cette période est tout à fait attendue. Surprenante Vuelta 2011 d’ailleurs, remportée par un Cobo hors norme à ce moment et qui s’est avéré être un feu de paille…
C’est avec les puissances de Froome avant son arrivée chez Sky en 2010, et notamment lorsqu’il était chez BarloWorld, qui sont intéressantes à comparer bien entendu! Pour le reste, personne ne sera surpris que Froome, qui a peut-être « mis en route » à son arrivée chez Sky comme d’autres à la transformation surprenante lorsqu’ils sont débarqués dans cette équipe (Porte, Rogers, etc.), montre des puissances en ligne avec celles de l’an dernier ou de 2011.
Et puis, Grappe nous informe également qu’à la lumière des données observées, Froome dispose assurément d’une VO2max « à la limite des connaissances de la physiologie ».
Wow! Chris Froome serait donc de la race des très, très grands champions hyper-doués naturellement car ayant hérité de dispositions physiques rarissimes, comme Merckx, Hinault, Anquetil, Coppi ou LeMond.
Le hic là encore?
C’est que personne n’a vu venir Froome! Ses performances, tout juste débarqué chez les pros, le reléguait parmi les anonymes du peloton, loin, très loin des autres. Il a notamment terminé 81e de son premier Tour, en 2008 chez BarloWorld. Pour un mec dont la VO2max est « à la limite des connaissances de la physiologie », c’est un peu surprenant.
Chez les grands champions dotés de capacités physiologiques extraordinaires, ils étaient déjà très connus AVANT de débarquer chez les pros. Et tous ont gagné très rapidement une fois pro!
Non vraiment, ca ne colle pas du tout et on peut raisonnablement se poser la question: Grappe est-il en train de perdre une partie de sa crédibilité? S’il fallait que dans 2 ou 12 mois, voire 2 ans, Froome fasse l’objet d’un contrôle rétrospectif positif, ca serait terrible pour l’entraineur français bien connu… Grappe joue gros sur ce coup-là selon moi! Et rappelons que Grappe était de ceux qui avaient « validé » les performances d’un certain Lance Armstrong il y a quelques années…
Alors, réel effort de transparence ou plan de communication bien orchestré que la diffusion des puissances de Froome depuis 2011? Certains se posent la question, avec raison! J’opte personnellement pour la 2e hypothèse.
Déjouer les contrôles
Comment les coureurs peuvent-ils aujourd’hui continuer de se doper sans se faire prendre?
Pour le savoir, il faut absolument lire ce super-article publié dans le journal Le Monde et signé par Rémi Dupré et l’excellent Stéphane Mandard, qui en connaît un rayon sur le dopage dans le cyclisme.
En gros, on neutraliserait le passeport biologique en se dopant à l’année (je l’avais déjà écrit sur ce blog il y a fort longtemps), on ajusterait les valeurs sanguines tôt le matin pour être proches de celles du passeport via les micro-doses pour passer les contrôles lorsque la patrouille débarque, on voyagerait avec des mini-déchiqueteuses de sacs plastiques sanguins pour ne pas laisser de traces et on utiliserait de nouveaux produits indétectables comme le TB500 ou le GAS6, un « facteur de croissance par synthétisation » qui favoriserait la production naturelle d’EPO par le corps humain et qui aurait circulé sur le récent Giro.
Je l’ai déjà écrit, je le répète, il ne faut pas croire Pat McQuaid et beaucoup d’autres qui affirment haut et fort que le cyclisme a changé et que la période noire, qui porte le nom « Armstrong », est derrière nous: ils n’en ont strictement aucune idée, comme ils affirmaient, il y a 5 ans, qu’Armstrong ne se dopait pas!
Et je regrette tous les jours un peu plus l’absence d’une commission Vérité et Réconciliation où Armstrong pourrait tout déballer et nous faire de vrais aveux, cela permettrait j’en suis convaincu de faire avancer la lutte contre le dopage d’un pas de géant.
Enfin peu importe, la vérité probable, c’est que le dopage est encore présent parmi les cadors du peloton, donc dans beaucoup d’équipes, mais que les substances, les protocoles, les réseaux, l’encadrement sont devenus beaucoup plus pointus.
Insupportable Claude Bédard sur RDS
Je suis désolé de l’écrire, mais je n’ai pas trouvé une seule personne ne m’ayant pas dit que les commentaires de cette personne embauchée par RDS pour jouer les guides touristiques lors des étapes étaient insupportables.
Je suis bien d’accord!
Les commentaires de M. Bédard sont généraux, donc de peu d’intérêt, et on a l’impression qu’il a produit son information en faisant une recherche de 2 minutes juste avant de la rendre, sans l’approfondir. De plus, le ton – d’une platitude inégalée, monocorde – est soporifique à souhait.
Hier, il nous parlait de l’Alpe d’Huez comme « L’Ile du soleil ». En fait, le surnom de l’Alpe d’Huez, c’est « L’Ile au soleil », pas l’Ile du soleil! Pas grave vous nous direz? Venant de quelqu’un qui est engagé pour faire des clips touristiques sur le Tour, je trouve que oui! Et cette imprécision n’était malheureusement pas sa première…
Mais bon, on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est vrai. Nous sommes des puristes – parce que des passionnés – sur ce site dira-t-on, et c’est exact!
L’étape d’aujourd’hui
Ca commence fort avec Glandon et Madeleine. Le Glandon, du côté de Rochetaillée, présente quelques pourcentages très difficiles, notamment à mi-col, juste après la petite descente technique suivant le village du Rivier d’Allemont. Parfait pour lancer la course de loin et faire travailler les Sky! Je pense que les Movistar seront particulièrement actifs tôt demain.
La Madeleine par La Chambre est également bien pentue, bien que plus régulière que l’ascension du Glandon. Et ca reste bien pentu même après Longchamp, dans les derniers hectomètres du col.
Une fois ces deux grands cols franchis, le parcours demeure suffisamment casse-pattes pour ne pas rendre les regroupements faciles à opérer et pour créer une sélection dans le final via le col de la Croix-Fry. Ca sera donc super-intéressant jusqu’à la toute fin, pour peu qu’on entreprenne les grandes manoeuvres, et des orages sont annoncés en après-midi sur les Alpes, ce qui pourrait compliquer le final.