Décidément, je ne connais plus mon cyclisme ! Il faut avouer que c'est un Tour de France riche en rebondissements.
Je croyais qu'Alberto Contador s'était refait une santé ces jours derniers. Il a perdu le Tour aujourd'hui sur les pentes du Galibier, incapable de suivre le rythme imposé par Cadel Evans en chasse derrière Andy Schleck échappé seul devant. L'explication ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Le genou, peut-être. Contador aurait, tôt durant l'étape, reçu des soins d'urgence du service médical du Tour. La fatigue accumulée sur le Giro ? Pas impossible non plus. Autre chose ?
En tout cas, exit l'idée d'un doublé Giro-Tour pour Contador.
Je croyais que son compatriote et ami Samuel Sanchez avait un podium dans les jambes. Il a coulé lui-aussi sur les pentes du Galibier et perdu toute chance de terminer dans les trois premiers à Paris.
Je croyais surtout que tout le monde attendrait qu'Alberto Contador se dévoile sur cette étape. Or, c'est Andy Schleck qui a attaqué à 5km du sommet de l'Izoard et à… 60 bornes de l'arrivée. Contador devait espérer que tout le monde calque sa course sur lui. Il n'aura pas eu la chance qu'il a connu dans les Pyrénées.
Je croyais que des Schleck, Franck serait celui qui passerait à l'offensive, étant celui qui semblait dans la meilleure condition physique des deux. C'est plutôt Andy qui a fait tout un numéro aujourd'hui. Force est de reconnaître qu'il a été très fort, surprenant même compte tenu de son mois de juin peu convaincant. Il signe selon moi sa plus belle victoire en carrière et une victoire de panache sur ce Tour. Chapeau bien bas.
Je croyais que Thomas Voeckler perdrait son maillot jaune aujourd'hui. Là encore, je me suis trompé et j'avoue être mystifié par la performance offerte par Voeckler. Je ne l'explique pas et demeure admiratif de son niveau. Imaginez, Voeckler, maillot jaune depuis plusieurs jours, tient son rang parmi les Schleck, Cadel Evans, Alberto Contador à la fin de la troisième semaine du Tour de France ! Chose certaine, Voeckler a tout donné dans le final et les images de lui juste après la ligne d'arrivée étaient carrément impressionnantes. Respect M. Voeckler.
Évidemment, plusieurs évoqueront le possible dopage pour expliquer les perfs de Voeckler. C'est légitime étant donné le nombre de scandales depuis 1998. Je pense toutefois qu'il convient d'être très prudent à ce niveau. D'une part, Voeckler n'a jamais fait l'objet de soupçons à cet égard ; d'autre part, pourquoi ne pas croire que c'est peut-être les autres qui seraient moins bien "préparés" ? Les efforts investis dans la lutte contre le dopage porteraient-ils fruits? À mon avis, il faut attendre les calculs de puissance pour y voir plus clair… et cela a le mérite de prouver toute leur utilité. Chose certaine, on sent, depuis quelques mois, que les coureurs français, pourtant les mêmes que depuis quelques années, recommencent à être dans le coup dans de nombreuses courses World Tour. Un signe?
Je croyais que Pierre Rolland coulerait aussi. Il est là et termine à une poignée de secondes des tous meilleurs. Là encore, je suis mystifié par la performance de Rolland que je ne voyais pas à ce niveau. L'état de grâce ?
Je croyais qu'on ne reverrait jamais un Damiano Cunego parmi les tous meilleurs du classement général d'un grand tour dans la dernière semaine de course. Il est là, 5e à 3min46. Si un podium à Paris semble impossible, il fait tout de même son plus beau tour depuis sa victoire au Giro 2004.
Seule confirmation du jour pour moi, celle de la stratégie de Cadel Evans sur ce Tour de France: courir à l'économie, tout en faisant le nécessaire pour rester au contact. C'est pour cela qu'il a payé de sa personne dans l'ascension du Galibier, ne pouvant plus compter sur l'aide de quiconque et question de limiter les dégâts sur Andy Schleck. Il apparait ce soir évident que la stratégie d'Evans est de rester à une poignée de secondes du maillot jaune et de jouer la victoire finale sur le chrono samedi. Demain, il usera certainement de la même stratégie qu'aujourd'hui.
Et seule confirmation toute personnelle, celle que j'aime décidément beaucoup, beaucoup ce col du Galibier que j'ai franchi pour la première fois à l'âge de 17 ans (en voiture) et qui m'a marqué pour la vie. Le Galibier, je ne sais pourquoi, n'est pas un col comme les autres : c'est un col révélateur de quoi vous êtes fait. Henri Desgrange avait vu juste!
L'étape de demain
Autre difficile mais courte étape demain entre Modane et l'Alpe d'Huez (110 kms). S'il est à prévoir qu'Evans tentera encore de limiter les dégâts, il faut aussi s'attendre à une stratégie d'attaque des Schleck car ils doivent gagner un capital temps plus important pour être tranquille dans le contre-la-montre samedi. Un des deux lancera très certainement les hostilités dans le Galibier (l'étape étant courte), obligeant Evans et son équipe à rouler. L'autre attendra sagement son heure pour contrer. On pourrait ainsi voir Franck passer à l'attaque dans le Galibier et tenter d'imiter l'exploit de son jeune frère aujourd'hui. Ce dernier ne se gênera pas si Franck devait être rejoint.
Contador ? De deux choses l'une: ou il est cramé et laissera faire, ou il voudra sauver son Tour en visant la victoire d'étape si les jambes sont là. La montée de l'Alpe d'Huez lui convient assez bien.
Attention aux coureurs néerlandais demain pour lesquels gagner à l'Alpe d'Huez est une consécration. Gesink ? Mollema? Hoogeland ?
La course pour les autres maillots
C'est très intéressant aussi dans la course aux trois autres maillots, le vert, les pois et le blanc.
Pour le maillot vert, Cavendish se bat comme un lion et possède toujours 15 petits points d'avance sur Rojas et 70 sur Philippe Gilbert. S'il passe l'étape de demain, ca devrait être tout bon pour Cavendish.
Pour le maillot à pois, difficile de faire plus serré au classement : Vanendert possède deux petits points d'avance sur Samuel Sanchez et Andy Schleck vient de se positionner en 3e position à… 2 points de Sanchez ! La journée de demain sera donc décisive et Andy pourrait très bien aller chercher ce maillot à pois s'il a les mêmes jambes qu'aujourd'hui.
Enfin, la lutte au classement du meilleur jeune est aussi passionnante. Taaramae chez Cofidis est premier avec 33 petites secondes d'avance sur Pierre Rolland chez Europcar. Uran est à 3min10, Coppel à 5min54 et Jeannesson à 5min56. Il ne suffirait que d'une échappée qui aille au bout pour chambouler ce classement.