Quelconque. C’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand je tente de résumer le récent livre de Laurent Jalabert (co-écrit avec Alain Billouin) intitulé "À chacun son défi".
Je pense également que ce livre sera jugé de la sorte par tous les sportifs confirmés s’étant déjà donné un défi d’envergure, que ce soit la pratique de la compétition ou simplement terminer une cyclosportive, un marathon ou une autre épreuve d’endurance.
Ce livre sera enfin surtout quelconque pour les passionnés de cyclisme qui n’y trouveront rien d’intéressant portant sur la carrière ou les expériences vécues du champion cycliste Laurent Jalabert.
J’ai d’ailleurs toujours eu une relation ambigue avec Laurent Jalabert. J’ai aimé, tôt dans sa carrière, son franc-parlé : tout jeune, Jalabert n’avait pas hésité à fustiger l’Amstel, déclarant en parlant de son parcours souvent dangereux "je ne comprend pas".
Plus tard, j’ai moins aimé Laurent Jalabert à la Once, surtout en 1998 lors du Tour de France et de l’Affaire Festina. Son rapport à la lutte anti-dopage n’a jamais été très clair et ca m’a toujours beaucoup gêné, étant évident que sur ce sujet, il a clairement pris l’approche de la langue de bois.
À la fin de sa carrière, j’ai quelque peu redécouvert Laurent Jalabert, ce coureur généreux de ses efforts, surtout en montagne ou il n’a pas hésité, sur ses derniers Tours de France et dans un style renouvellé, à passer à l’attaque, à assurer le spectacle et à communier avec le public. D’une personnalité plutôt sympathique, ses commentaires à l’antenne de France Télévision où il officie comme consultant-course sont habituellement pertinents et/ou amusants.
Son récent livre est loin d’être une biographie (celle-ci a d’ailleurs déjà été publiée) et Laurent Jalabert a le mérite d’annoncer dès les premiers paragraphes la couleur: "Alors j’ai voulu que ce livre soit avant tout un témoignage, en même temps qu’un guide amical destiné à aider tous ceux qui, à un moment de leur existence, ont ressenti comme moi la nécessité ou simplement l’envie de se (re)construire, d’aller à la rencontre d’eux-mêmes, de repousser leurs limites." Le livre se divise en quatre grandes parties, 4 étant le chiffre chanceux de Jalabert : envie de liberté, retour aux sources, compétiteur et aventurier, tous en piste.
À mes yeux, la section "compétiteur et aventurier" est de loin la plus intéressante de tout le livre, Jalabert nous présentant, malheureusement souvent superficiellement, ses expériences dans plusieurs gros événements sportifs comme des marathons, des ironmans, ou encore la Diagonale des fous. Cette partie sera surtout intéressante pour les néophytes du sport qui voudraient se fixer un objectif, la narration – toujours sur une base très personnelle – de ses aventures pouvant paraître instructive, bien que Jalabert n’aille pas très loin dans la description des difficultés de ces épreuves, ni dans les détails de sa préparation. Pour ce faire, il faudra se référer à la section "tous en piste" ou Jalabert donne quelques conseils pratiques destinés aux marathoniens, aux triathlètes et aux cyclistes. Ces conseils demeurent toutefois très vagues, se résumant aux principes très généraux de l’entrainement et de la gestion d’une compétition.
Pour le sportif confirmé ayant déjà participé à des compétitions ou des épreuves de masse, le livre devient vite lassant car on n’y apprend rien. Laurent Jalabert livre ses témoignages personnels (parfois, c’est même sans intérêt) dans le style "sportif exalté trop nourri à la pensée positive". On retrouve souvent des phrases creuses, presque vides de sens. Exemple: "Il n’y a pas d’autres voies à suivre que celles de lutter, réagir, se reconstruire" ou encore "Après un coup dur, un arrêt, on peut toujours prendre un nouveau départ et revenir plus fort, en conquérant."
Sur une base personnelle, j’espérais que Laurent Jalabert nous permette de mieux comprendre, à la lumière de sa carrière cycliste, la façon dont il s’y prend pour passer au travers des moments difficiles et de doutes, que ce soit à l’entrainement ou lors des épreuves. J’aurais aimé pouvoir comprendre ce qui me distingue de lui dans mon approche des moments difficiles, en comprenant mieux comment il aborde ces moments. Après tout, n’a-t-il pas été un champion cycliste de premier plan ? N’a-t-il pas un mental, une approche pour gérer la souffrance, les doutes, les moments difficiles ? N’a-t-il pas une façon de se sublimer davantage que moi dans les moments difficiles d’une compétition et qui fait souvent la différence ? Son livre informe peu les pratiquants sur ces aspects.
Bref, "À chacun son défi" s’adresse avant tout aux non-sportifs qui, bien assis devant leur télé dans leur salon, murissent l’idée louable de commencer (ou recommencer) à bouger en se donnant un objectif ambitieux. La lecture de ce livre pourrait être l’étincelle qui les fera passer de l’intention aux gestes. Le livre de Jalabert n’est donc pas inutile en ce sens. Mais pour ceux qui encaissent déjà plusieurs heures d’entrainement par semaine et qui ont déjà vécu l’expérience de devoir "s’accrocher" lors d’une épreuve, je ne vois rien dans ce livre qui soit digne d’un grand intérêt, une fois passé le fait que son auteur s’appelle Laurent Jalabert.