Uniques en leur genre, les promenades du Parc de la Gatineau sont ouvertes aux automobilistes depuis vendredi dernier, le 1er mai.
Uniques en leur genre car je ne connais pas d’équivalent au Canada. Les promenades, d’une longueur d’un peu plus de 40 kms et d’un revêtement d’une qualité irréprochable, constituent en effet un petit paradis pour sportifs en tout genre, en plein coeur de la région métropolitaine d’Ottawa-Gatineau. Depuis des décennies, les promenades du Parc de la Gatineau constituent en effet le stade d’entrainement de nombreux sportifs, été comme hiver. Cyclistes, marathoniens, rouleurs en patin à roues alignées, fondeurs, etc. s’y entrainent à l’année, contribuant au développement du sport régional. Les derniers Jeux du Québec ont d’ailleurs couronné de succès l’Outaouais et les cyclistes de la région dominent tant sur la scène des courses en Ontario qu’au Québec.
Mais il y a un problème. Du moins pour la Commission de la Capitale Nationale (CCN).
Le problème ? La cohabitation, toujours difficile, entre usagers motorisés et cyclistes du parc. Depuis quelques années en effet, la CCN note un achalandage accru dans le parc avec, comme corrolaire inévitable, une hausse apparemment sensible du nombre de plaintes des usagers.
Solution préconisée en 2009 par la CCN ? Elle se décline en 3 volets: distribution de feuillets d’information, rencontres avec les principaux groupes cyclistes usagers des promenades et surtout, surtout, répression policière.
Pour avoir récemment roulé sur les promenades, je peux affirmer que ce dernier volet est particulièrement senti, la présence policière étant sans équivalent depuis vendredi dernier. Si les Rouleurs de l’Outaouais, grands usagers des promenades, attendent toujours d’être contactés par la CCN, je peux vous dire que les policiers, eux, n’ont pas attendu pour prendre d’assault le réseau des promenades du Parc. Le commerce de la drogue et de la prostitution à Ottawa peuvent attendre, le but est visiblement de mettre au pas les dangereux usagers des promenades du Parc de la Gatineau ces jours-ci dans la région de l’Outaouais… Conséquence, il est aujourd’hui beaucoup plus probable que deux cyclistes roulant côte-à-côte soient verbalisés sur les promenades du Parc de la Gatineau que sur n’importe quelle autre route du Québec !
Politique de la CCN, découlant de la bouche même de sa nouvelle directrice, Mme Marie Boulet: "Ce parc nous appartient à tous et, sur la promenade, nous devons partager la route afin que tous puissent en profiter". En gros, tout le monde loge à la même enseigne et c’est à grand renfort de répression policière, très sentie ces derniers jours, qu’on entend faire respecter le code de la route en vigueur au Québec. En ce sens, les promenades du Parc de la Gatineau ne sont pas différentes de n’importe quelle autre route au Québec et que cela soit dit, les usagers n’y trouveront aucun répit.
Je trouve tout cela navrant et d’un manque flagrant de jugement, de tolérance.
Car au fond, où sont les réels problèmes ?
Ils proviennent dans un premier temps d’une décision de la CCN elle-même il y a quelques années, celle de donner accès au domaine McKenzie King à partir du réseau des promenades. Cette décision a eu deux effets négatifs: elle a accru considérablement le traffic routier sur les promenades du parc en plus de priver Old Chelsea, un petit hameau situé sur l’ancienne route du domaine, de revenus du tourisme, les automobilistes ne traversant plus le village sur leur route pour le domaine de l’ex-premier ministre.
Ils proviennent ensuite majoritairement des automobilistes qui utilisent les promenades du parc et qui continuent de considérer que, comme sur les autres routes, les cyclistes y sont une nuisance. La mentalité est bien ancrée chez les automobilistes du Québec et j’estime malheureux qu’on ne fasse pas du Parc de la Gatineau un endroit propice pour que cette mentalité change. Le Parc de la Gatineau est un écrin de verdure unique au Canada, situé au coeur d’une région métropolitaine. Pourquoi ne pas y voir l’occasion de donner au cyclistes une place différente de celle qu’ils occupent par ailleurs sur l’ensemble des autres routes du Québec ? Pourrait-on imaginer un endroit, un seul, où les cyclistes sont protégés et jouissent d’une liberté plus grande que celle dont ils disposent sur les autres routes ? Les cyclistes sont malmenés partout ailleurs… pourquoi ne pas faire des promenades du Parc de la Gatineau un endroit où les cyclistes y seraient protégés ? Connaissant des cyclistes et fondeurs de Sherbrooke, de Québec et de Montréal qui se déplacent uniquement pour venir pratiquer leur sport dans le Parc de la Gatineau, il me semble qu’on pourrait y voir de surcroit un élément "marketing" du Parc…
Ils proviennent également des mardis soir cyclistes ou, chaque mardi, des coureurs de la région se rassemblent à 18h30 pour faire une boucle complète au rythme de course et en peloton. Depuis 10 ans, je n’y ai jamais vu une chute, jamais vu un incident. Cette course, unique, contribue sans l’ombre d’un doute au développement des coureurs de la région. Pourquoi l’interdire ? Il s’agit d’une heure, une fois par semaine ! La CCN devrait-elle brimer 80 coureurs cyclistes pour une ou deux plaintes reçues à cette occasion par des automobilistes frustrés de ne pouvoir dépasser un peloton qui roule à 40 de moyenne (pratiquement la limite permise sur les promenades!) et qui ignorent qu’ils peuvent doubler dans l’autre voie ? Pourrait-on envisager une façon d’encadrer, au lieu d’interdire, l’événement ?
Pour conclure, il est évident que certains cyclistes ont des comportements dangereux et qu’une répression policière pourrait être davantage présente pour encadrer ces délinquants. En aucun cas par exemple il n’est justifié de rouler à 3 cyclistes de large, même sur les promenades du Parc de la Gatineau. Mais je ne vois par ailleurs aucun problème au fait que 2 cyclistes roulant côte-à-côte soient doublés par un automobiliste se déportant dans l’autre voie et roulant à 80 km/h sur les promenades un mercredi après-midi, sous un grand soleil…
Plus encore, je ne comprendrai jamais qu’on puisse vouloir appliquer sur les promenades du Parc de la Gatineau les mêmes règles qui prévalent sur l’ensemble des routes du Québec. C’est à mon sens nier le caractère unique du Parc de la Gatineau, tant dans sa fonction écologique qu’utilitaire. Écrin de verdure, de santé, de répit du rythme infernal de la ville, le Parc de la Gatineau devrait constituer un oasis pour ceux qui veulent, temporairement, prendre un répit de la vie urbaine et de l’usage de l’automobile qui y est invariablement associée. Loin de vouloir interdire l’automobile des promenades du Parc, je crois fermement que c’est dans la sensibilisation des automobilistes de la présence de nombreux cyclistes sur les promenades et ce, dès l’entrée dans le Parc, que réside la solution aux problèmes actuels.