Affirmons le d’entrée: nous avons toujours beaucoup aimé Greg LeMond. Pour plusieurs raisons. D’une part, il était LE champion cycliste alors que nous avions entre 16 et 20 ans et que nous rêvions encore, nous-aussi, d’être un champion. Si Marco Pantani aura marqué notre passion du cyclisme, Greg LeMond aura certainement contribué à sa naissance. D’autre part, il représentait LE pionnier, le premier nord-américain à disputer les victoires aux meilleurs européens dans les plus grandes courses du monde. Lui américain, nous vivant au Canada, on se sentait proche de lui puisqu’on partageait un peu la même mentalité, la même réalité. Greg LeMond était aussi un gros moteur, remportant à la barbe des meilleurs cyclistes européens les Championnats du monde en Angleterre en 1983, à l’âge de 23 ans. Dès l’année suivante, il terminait déjà 3e du Tour, derrière un Laurent Fignon en état de grâce et un Bernard Hinault qu’on ne présente plus. En 1985, il enchainait Classiques, Giro et Tour, comme d’ailleurs en 1986, avec le succès qu’on sait. Les tests confirmaient également ce que les performances en course laissaient soupçonner: LeMond avait une VO2max exceptionnelle, supérieure à 90. On ne boucle pas un clm de 25 bornes à 54,5 km/h après 3 semaines de castagne avec Laurent Fignon sur les routes du Tour sans avoir un moteur exceptionnel… Greg LeMond s’efforçait aussi d’être accessible au public et de parler français lorsqu’il s’adressait à des francophones, notamment sur les routes du Tour. La marque de son respect pour autrui, de sa gentillesse, la marque aussi d’un grand champion qui sait le montrer ailleurs que sur son vélo. Greg LeMond était aussi innovateur. C’est à lui qu’on doit les premiers casques hardshell dans le peloton pro européen, vers 1985. Pour porter ces trucs de l’époque en course, il ne fallait pas avoir peur du ridicule! C’est aussi lui qui a popularisé l’usage des lunettes de sport dans le peloton, qui a introduit les compteurs électroniques, le guidon de triathlète, le système de radio intégré au casque ainsi que… des salaires plus élevés pour les cyclistes pro, estimant qu’on devait mieux le rétribuer de ses efforts puisque les athlètes américains de d’autres sports l’étaient. Il a aussi considérablement modernisé les mentalités du peloton pro européen, notamment sur la diététique et la sexualité des coureurs en course, imposant la présence de sa femme dans les hôtels lors des épreuves, etc. Mais surtout, Greg LeMond est le dernier des Mohicans, c’est à dire le dernier coureur de l’histoire à avoir remporté le Tour de France sans avoir recours au dopage sanguin. Non seulement peut-il en être fier, mais il peut surtout être fier de toujours avoir refusé d’y avoir recours. Cela lui a valu une triste fin de carrière, Andy Hampsten étant dans le même cas de figure. LeMond s’est fait défoncé dans le Tour 1991 alors qu’il était pourtant très en forme, son début de Tour l’ayant prouvé. Ses facultés de récupération, altérées par une maladie découlant d’un accident de chasse en 1987, et sa puissance, altérée par un mode de vie plus sain, n’ont plus été suffisantes lorsque la course a abordé les Pyrénées alors qu’il était en jaune. On a alors rapidement trouvé sur l’avant de la course la nouvelle génération: Indurain, Chiappucci, Bugno pour l’essentiel, ce dernier venant de survoler le Giro (leader du début à la fin de l’épreuve!). On comprend aujourd’hui pourquoi… Bref, LeMond est pour nous un immense champion. Un mec bien. Un mec droit. Un mec qui aime plus que tout le cyclisme. Un mec qui ne supporte pas l’hypocrisie, comme il n’a jamais supporté celle d’Hinault lors du Tour 1986. À nos yeux, sa crédibilité et son honnêteté sont intactes, presque impossibles à remettre en question. Alors, doit-on le croire "lorsqu’il affirme avoir été intimidé par le clan Armstrong il y a quelques mois et par le clan Landis plus récemment?":http://www.cyclingnews.com/news.php?id=news/2007/may07/may18news3 Notre réponse: oui. Notre avis est qu’Armstrong et Landis, américains comme lui, ont tant à cacher pour préserver leur gloriole qu’ils ne reculeront devant rien pour essayer de contenir un autre vainqueur du Tour qui sait pertinemment comment ca s’est passé, faisant lui-même partie – et depuis plus longtemps qu’eux – du milieu du cyclisme américain. Greg LeMond a des amis fidèles dans ce milieu et connaît donc mieux que quiconque les rouages et les ficelles de ce qui s’y passe actuellement. Rien de mieux qu’un ex-coureur cycliste professionnel pour bien comprendre comment on peut monter l’Alpe d’Huez à 25 km/h de moyenne en tournant les jambes à 100 RPM. Et ca, ca dérange car contrairement à Hinault qui se cantonne à dire des conneries (c’est l’entrainement qui permet cela et les coureurs français ne savent pas s’entrainer, donc n’ont pas de résultats sur la scène internationale…), LeMond n’hésite pas à parler franchement et directement du dopage. Et à donner des noms. Il est probable qu’on tente désormais de miner sa crédibilité publiquement. La Flamme Rouge espère que Greg LeMond continuera à parler franc, à parler sans langue de bois, pour essayer d’assainir ce sport. La réalité doit être dite et entendue même si c’est inutile pour la justice qui doit avoir des preuves concrètes et souvent matérielles pour condamner. Notre plus grande satisfaction dans tout ca? Au delà de celle de voir que l’édifice du dopage dans le cyclisme se fissure de plus en plus, c’est celle de constater que même retraités, deux de nos champions personnels de jeunesse – LeMond et Hampsten – continuent de nous inspirer aujourd’hui par leur franc parler.