Merci à tous nos lecteurs qui nous ont proposé des sujets à traiter dans les prochaines semaines. Nous essaierons de les couvrir tous. Nous commençons dès ce soir par un débat qui est en cours au sein de la communauté cycliste internationale depuis maintenant près de quatre décennies: Shimano ou Campagnolo ? Mais avant, nous tenons à revenir sur un commentaire très pertinent laissé par Erwan, un fidèle lecteur de LFR et proche de nos opinions. Erwan nous rappelle qu’ignorer le dopage ne l’éradiquera pas pour autant et qu’il est inutile de pratiquer la politique de l’autruche. Nous tenons à dire que nous sommes entièrement d’accord avec ses propos qui justifient, en quelque sorte, notre ligne de conduite depuis la création de ce site. Nous parlons abondamment de dopage pour faire de nos lecteurs des observateurs éclairés du cyclisme, convaincus que nous sommes que c’est là une première étape importante pouvant un jour mener à une lutte anti-dopage plus ferme. Quant tout le monde se posera les bonnes questions et ne croira pas bêtement en certaines performances loufoques, le cyclisme n’aura plus le choix… Ne pas parler de dopage sur ce site demeure très difficile étant donné l’actualité quotidienne bouillante à ce sujet. Prenez seulement aujourd’hui par exemple: "un médecin néerlandais, Berend Nikkels, a balancé les cyclo-crossmen belges ainsi que l’équipe de Patrick Lefevere, expliquant savoir de sources sûres qu’un usage massif d’EPO et d’Aranesp est en cours dans ces milieux";http://www.cyclingnews.com/news.php?id=news/2006/nov06/nov10news. Il affirme que 95% des coureurs pros sur route sont dopés, un chiffre que nous croyons sans problème puisqu’il est cohérent avec d’autres déclarations formulées par d’autres témoins. Le point positif de l’histoire est que ce genre de commentaires, même s’ils ne sont pas appuyés par des preuves concrètes, semble devenir de plus en plus fréquents, une tendance qui devrait être à la hausse dans les prochaines années. Cela contribuera, espérons-le, à susciter une prise de conscience plus généralisée encore quant à l’étendue du problème dans le vélo. *Shimano vs Campagnolo* Lequel est préférable, lequel est le meilleur ? Voilà bien un débat qui dure depuis fort longtemps et qui a même entrainé l’une des plus belles polémiques de l’histoire de ce sport, opposant les belges Eddy Merckx et Freddy Maertens. "Ceux-ci ne se sont réconciliés que récemment (novembre 2004)":http://www.cyclingnews.com/news.php?id=news/2004/nov04/nov05news, soit plus de 30 ans après l’affaire! Parce que c’est intéressant, voici un bref retour sur cette polémique: Championnat du monde 1973 à Montjuich en Espagne. En vue de l’arrivée, quatre hommes en tête: Merckx (qui avait été dominant dans la course jusque là), Maertens, Gimondi et Ocana. Une échappée royale! L’avantage est évidemment aux belges qui sont deux. Merckx, le leader (il était à l’apogée de sa carrière alors que Maertens la débutait), demande au jeune Maertens de l’amener au sprint. Ce que Maertens fait. Maertens amène, amène et, lorsqu’il s’écarte pour laisser passer son leader, constate que Merckx est loin derrière. Gimondi, qui avait tout compris, passe Maertens sans problème pour conquérir le titre. À l’arrivée, Maertens est fou de rage, convaincu que si Merckx lui avait dit qu’il n’était pas bien, il aurait pu sprinter pour lui-même et gagner le titre, se sentant encore très fort. Merckx, quant à lui, accuse Maertens d’avoir mal amené le sprint, démarrant trop fort. La polémique est telle que les deux hommes deviennent ennemis jurés dès cet instant, n’acceptant de se reparler qu’en 2004! Qu’est-il réellement arrivé ? En fait, de nombreux suiveurs du cyclisme ont avancé une explication beaucoup plus intéressante pour expliquer ce fameux sprint. Reprenons l’échappée royale, mais vu autrement: trois Campagnolo, un Shimano (Maertens). Shimano faisait en effet cette année là ses grands débuts dans le cyclisme pro, une situation mal reçue de Campagnolo évidemment, jusqu’alors en situation de quasi-monopole. Merckx, cuit pour avoir "fait la sélection" jusque là, n’aurait pas dit à Maertens son état pour favoriser la victoire d’un autre coureur utilisant le matos Campagnolo, en l’occurence l’ami de son ami Tullio Campagnolo, c’est-à-dire Felice Gimondi. En agissant ainsi, Merckx préservait les intérêts de Campagnolo, privant Shimano de sa première grande victoire dans le milieu professionnel. Bien évidemment, Merckx refusa toujours de confirmer cette version des faits, omerta du milieu oblige, tout comme avec le dopage… Alors, Shimano ou Campagnolo ? Disons le d’entrée, La Flamme Rouge a une nette préférence pour Campagnolo. Mais nous sommes également capables de reconnaître les avantages du concurrent et de soutenir notre position. Explications: *Histoire et prestige*: avantage Campagnolo, bien évidemment. Fondée en 1927, la compagnie italienne compte presque 80 ans de présence dans le cyclisme. Shimano est une compagnie beaucoup plus récente dans le cyclisme. Cet élément est non-négligeable dans le choix de Campagnolo pour ceux, dont nous sommes, qui sont sensibles à l’histoire du cyclisme. Dans le cyclisme, il n’y a pas d’équipes avec 80 ans d’histoire; c’est en partie par le matériel qu’on peut rejoindre les racines de ce sport. Rouler en Campagnolo, c’est un peu rouler en Ferrari pour nous, ou porter le maillot du Canadien de Montréal à toutes les parties… *Innovation*: selon nous, c’est assez kif-kif. Les développements récents sont plutôt à mettre sur le compte de Shimano: premières poignées de freins intégrant le changement de vitesses, à la fin des années 1980, Flight Deck (compteur intégrant la position des plateaux et pignons) et pédalier avec axe intégré plus récemment. Par contre, nombre de développements plus anciens sont à mettre au crédit de Campagnolo qui est l’inventeur notamment du dérailleur et des déblocages rapides. Plus récemment, Campagnolo a créé les freins différentiels, les roues lenticulaires, les roues aéro usinées avec rayonnage assymétrique et quelques développements plus mineurs. *Rapidité à s’ajuster au changement*: difficile à dire. Campagnolo a devancé Shimano pour la disponibilité des pédaliers compact. Campagnolo utilise déjà massivement le carbone, ce que Shimano tarde à faire. Par contre, Campagnolo a mis du temps à sortir sa version du changement de vitesses intégré, l’Ergopower. Campagnolo a également tardé pour la sortie de son compteur, l’ErgoBrain, peu populaire d’ailleurs. *Durabilité*: selon nous, avantage Campagnolo. Plus mastoc, le matos résiste un peu mieux au passage du temps que les composantes Shimano. Notre vieux Campagnolo Athena 1989 est toujours en service sur un vieux vélo! *Efficacité*: avantage Shimano. Le passage des vitesses est plus souple, c’est bien connu. Campagnolo est plus raide, bien que nous n’ayions pas testé le nouveau Record 2007 dont les manettes ont été revues. Le freinage Campagnolo est cependant légendaire. *Poids*: avantage Campagnolo Record, plus léger que le Dura Ace, notamment en raison de l’usage massif du carbone. *Esthétisme*: définitivement Campagnolo qui, avec l’utilisation massive du carbone, sauf aux endroits névralgiques pouvant compromettre la sécurité comme les freins, est décidemment plus dans le vent que Shimano qui reste fidèle, pour sa part, à l’alu. Les pédaliers Campagnolo sont également plus réussis selon nous que ceux de Shimano, plus mastoc. Campagnolo possède d’ailleurs le brevet du 5e bras de l’étoile qui est caché par la manivelle, côté plateau. Superbe! On ne peut non plus se résoudre à accepter ces affreux cables de frein qui sortent des cocottes Shimano. À quand un système avec les cables cachés, comme chez Campagnolo ? *Coût*: l’argument massue de Shimano, définitivement moins cher que Campagnolo. Sur des critères de rapport qualité/prix, aucun doute: choisissez Shimano. Campagnolo est beaucoup plus cher et freine considérablement sa pénétration du marché nord-américain à cause de cela. *Facilité d’ajustement*: on connaît mal la facilité d’ajustement de Shimano mais celle de Campagnolo apparaît relativement complexe, surtout l’ajustement des vitesses. Petit avantage Shimano peut-être ici. *Choix des groupes*: avantage Campagnolo, qui offre 6 groupes complets de route (Record, Chorus, Centaur, Veloce, Mirage et Xenon) contre 5 chez Shimano (Dura Ace, Ultegra, 105, Tiagra et Sora). On connaît mal la qualité des groupes inférieurs des deux compagnies. *Émotion*: purement une question de préférence personnelle, nous vibrons plus pour Campagnolo que Shimano en raison notamment de la commercialisation plus "high-tech" des produits de la firme italienne. La philosophie de Campagnolo nous est également plus proche, c’est-à-dire offrir non seulement de bons groupes, mais également de beaux groupes. Efficacité certes, mais toujours avec le souci de créer le beau. Typiquement italien! *Conclusion*: entre les groupes Record, Chorus, Dura Ace et Ultegra, ce sera, à l’usage, du pareil au même selon nous, les différences entre ces groupes étant infimes. En ce sens, on ne saurait justifier son choix d’un groupe parce qu’on fait 10 000 kms par an ou parce qu’on est un compétiteur féroce, voire quelqu’un qui gagne régulièrement des courses. Le faire serait à nos yeux une preuve d’ignorance du matos. Si nous roulons personnellement avec du Record, ce n’est que pour deux seules raisons: parce qu’on a voulu se faire plaisir et qu’on en avait les moyens, point final. Nombre de coureurs régionaux, provinciaux et nationaux pratiquent la compétition avec du Shimano Ultegra et nous torchent régulièrement. Le Record ne fait pas avancer plus vite, ni même le Dura Ace ! Mais si vous êtes sensibles à l’histoire de ce sport, si vous avez envie de vous faire plaisir, si vous avez envie d’avoir un beau vélo qui attire les regards et que vous en avez les moyens, alors il n’y a qu’un seul choix possible à nos yeux: Campagnolo Record.