Parce que La Flamme Rouge n’est pas un site exclusivement dédié aux questions sur le dopage (mais on en parle régulièrement, par la force des choses), nous allons clore ce soir le débat qui nous a animé au cours des deux derniers jours pour faire place dès demain à l’actualité cycliste, notamment les transferts qui ont commencé (Vinokourov chez Liberty Seguros, Axel Merckx chez Phonak, Petacchi chez Domina Vacanze, etc.).
Nous allons clore ce débat en remerciant d’abord tous nos lecteurs pour leurs commentaires qui, pour la grande majorité, sont écrits convenablement et avec respect à l’égard d’autrui. C’est pour nous une source de satisfaction, les sites « poubelles » existant en grand nombre sur internet. Il y a toujours moyen de débattre d’idées et d’opinion avec classe et respect, en avançant une argumentation basée sur des faits et des connaissances.
Nous vous remercions également pour tous les commentaires et messages de soutien et d’encouragement reçus. Cela fait du bien, car nous avons aussi des périodes de doute! On se demande parfois s’il est bien utile de montrer le vrai visage du cyclisme, sous tous ses angles. Car forcément, on casse le rêve de certains, notamment de ce jeune lecteur de 17 ans qui a laissé un intéressant message ce matin et dans lequel on s’est revu, au même âge. Mais très vite, on se dit que c’est effectivement nécessaire si on aime ce sport. Qu’on ne peut baisser les bras même si la lutte est difficile voire utopique, comme d’autres ne baissent pas les bras dans la lutte contre la pauvreté par exemple (bien que la comparaison soit boiteuse en raison des conséquences autrement plus dramatiques dans le second cas, on en convient). Nécessaire aussi parce que la première étape vers une solution est d’abord d’en parler.
Premier point ce soir, il est intéressant de constater que Jean Pitallier, président de la Fédération française de cyclisme (FFC), a déclaré aujourd’hui au micro de l’Agence France Presse « _Il y a un malaise_ ». Deux jours plus tard, Pitallier reprend donc notre thème au mot près. « Il faut lire l’interview »:http://fr.sports.yahoo.com/050728/1/8l56.html qui donne un intéressant point de vue, probablement proche de la réalité selon nous.
Restons en France pour répondre à certains de nos lecteurs qui s’interrogent sur l’efficacité du suivi longitudinal français. Les contrôles anti-dopage actuels, qu’ils soient inopinés ou non (ca ne change rien), sont organisés par l’UCI qui, en matière de lutte au dopage, est loin d’avoir prouvé, ces dernières années, vouloir réellement s’attaquer au problème et qui a été sévèrement critiqué en la matière, notamment par l’AMA. Son attitude est plus proche de la préservation de l’image du cyclisme et son développement peu importe les conséquences, notamment au moyen du ProTour. Les contrôles UCI, qui visent tous les coureurs, détectent les produits figurant sur la liste des produits interdits. Les coureurs ont évidemment accès à cette liste, et connaissent parfaitement les caractéristiques de ces produits(temps de latence dans l’organisme, traces laissées, etc.). Les coureurs pros sont assez intelligents et fins connaisseurs pour être capable d’aisément déjouer ces contrôles, tous les bouquins sur le dopage l’affirmant (il faut en particulier lire à ce sujet le livre « Massacre à la chaîne » de Willy Voet, ancien soigneur Festina). Le test d’EPO, par exemple, sera efficace pour détecter l’EPO prise seulement dans les trois derniers jours. Si le test survient au delà de ce délai et que le coureur a bel et bien pris de l’EPO, le test sera… négatif. D’ou le peu de coureurs contrôlés positifs à l’EPO depuis l’instauration de ce test. Il en va de même pour la plupart des autres produits dont les coureurs savent exactement combien de temps ils demeureront retracables dans leur organisme et les délais d’efficacité des contrôles. Croire, comme un de nos lecteurs, qu’ « _avec tous les contrôles inopinés, il (Armstrong) serait déjà tombé_ » fait selon nous preuve d’une grande naiveté à l’égard des contrôles UCI. Et bien sûr, la très vaste majorité des coureurs pros sont assez intelligents et branchés pour utiliser des produits – et ils sont nombreux, notamment la « CERA » – qui ne figurent pas encore sur les listes de produits interdits et dont aucun test de dépistage n’existe encore, bien évidemment.
Le suivi longitudinal, rendu obligatoire pour tous les coureurs français suite à l’affaire Festina, est selon nous un grand progrès car contrairement aux tests UCI, ils ne cherchent pas de produits dopants (ils ne peuvent donc pas « en manquer » dans le cas de produits inconnus). Exécutés par des instances médicales totalement étrangères et indépendantes au monde du cyclisme, ces tests visent à suivre dans le temps certains paramètres physiologiques qu’on sait sensibles aux produits dopants sanguins, par exemple les réticulocytes (jeunes globules rouges) ou le taux de ferritine. Les années passant, ces médecins indépendants peuvent établir les niveaux normaux de ces paramètres chez un coureur, niveaux qui seront forcément différents d’un autre coureur (on s’affranchit donc du fameux niveau absolu de 50% d’hématocrite permis par l’UCI et qui ne tient pas compte des particularités individuelles). En cas de « cure dopante », les probabilités sont élevées voire certaines que le corps réagisse et modifie ces paramètres ; ainsi, l’EPO, en stimulant la production de globules rouges, modifiera le taux de réticulocytes du sang. Contraints à cette procédure (4 contrôles par an), les coureurs français ont beaucoup plus de mal à « mettre en route » (c’est-à-dire à faire des cures de dopage) puisqu’ils savent que peu importe le produit dopant utilisé (connu ou non), le corps a de fortes chances de réagir et de modifier les paramètres du suivi. C’est toute la beauté de ce suivi longitudinal qui exerce une pression constante (à l’année) et sérieuse sur les coureurs français et qui est louangé dans tous les livres sérieux concernant le dopage (même si ce suivi n’est évidemment pas infaillible, bien au contraire).
Évidemment, l’UCI comme les autres coureurs non-français refusent obstinément de se soumettre au suivi longitudinal car trop inquiets des résultats ou des conséquences qu’il entrainerait. Il serait pourtant facile, pour l’UCI, d’imposer la méthode française à l’ensemble du peloton…
Nous croyons donc que le suivi longitudinal est un réel progrès par rapport aux tests anti-dopage bidons de l’UCI (tests sévèrement condamnés l’an dernier par l’AMA, rappelez-vous, et dont « La Flamme Rouge avait commenté dans son article du 16 octobre dernier »:https://laflammerouge.com/article/3161/uci-et-dopage). Que le suivi longitudinal exerce une forte pression additionnelle sur les coureurs français qui ont plus de mal à se doper en toute quiétude, sachant que peu importe le produit utilisé, le suivi longitudinal, aux 4 mois, risque de les trahir indirectement.
Nous terminerons ce soir en touchant un mot concernant le débat de certains de nos lecteurs concernant la machoire d’Armstrong qui aurait pu être déformée suite à la prise d’hormones de croissance (HGH). Si la modification de certains os du corps est une conséquence scientifiquement prouvée de la prise d’HGH, il nous apparaît très difficile pour ne pas dire impossible d’en déceler les effets sur Lance Armstrong – ou d’autres coureurs d’ailleurs – par un simple examen visuel. D’autres éléments pouvant éveiller notre prudence quant à ses performances nous apparaissent autrement plus solides.