Tous les jours, la passion du cyclisme

 

Mois : juillet 2005 Page 1 of 2

Épilogue

Parce que La Flamme Rouge n’est pas un site exclusivement dédié aux questions sur le dopage (mais on en parle régulièrement, par la force des choses), nous allons clore ce soir le débat qui nous a animé au cours des deux derniers jours pour faire place dès demain à l’actualité cycliste, notamment les transferts qui ont commencé (Vinokourov chez Liberty Seguros, Axel Merckx chez Phonak, Petacchi chez Domina Vacanze, etc.).

Nous allons clore ce débat en remerciant d’abord tous nos lecteurs pour leurs commentaires qui, pour la grande majorité, sont écrits convenablement et avec respect à l’égard d’autrui. C’est pour nous une source de satisfaction, les sites « poubelles » existant en grand nombre sur internet. Il y a toujours moyen de débattre d’idées et d’opinion avec classe et respect, en avançant une argumentation basée sur des faits et des connaissances.

Nous vous remercions également pour tous les commentaires et messages de soutien et d’encouragement reçus. Cela fait du bien, car nous avons aussi des périodes de doute! On se demande parfois s’il est bien utile de montrer le vrai visage du cyclisme, sous tous ses angles. Car forcément, on casse le rêve de certains, notamment de ce jeune lecteur de 17 ans qui a laissé un intéressant message ce matin et dans lequel on s’est revu, au même âge. Mais très vite, on se dit que c’est effectivement nécessaire si on aime ce sport. Qu’on ne peut baisser les bras même si la lutte est difficile voire utopique, comme d’autres ne baissent pas les bras dans la lutte contre la pauvreté par exemple (bien que la comparaison soit boiteuse en raison des conséquences autrement plus dramatiques dans le second cas, on en convient). Nécessaire aussi parce que la première étape vers une solution est d’abord d’en parler.

Premier point ce soir, il est intéressant de constater que Jean Pitallier, président de la Fédération française de cyclisme (FFC), a déclaré aujourd’hui au micro de l’Agence France Presse « _Il y a un malaise_ ». Deux jours plus tard, Pitallier reprend donc notre thème au mot près. « Il faut lire l’interview »:http://fr.sports.yahoo.com/050728/1/8l56.html qui donne un intéressant point de vue, probablement proche de la réalité selon nous.

Restons en France pour répondre à certains de nos lecteurs qui s’interrogent sur l’efficacité du suivi longitudinal français. Les contrôles anti-dopage actuels, qu’ils soient inopinés ou non (ca ne change rien), sont organisés par l’UCI qui, en matière de lutte au dopage, est loin d’avoir prouvé, ces dernières années, vouloir réellement s’attaquer au problème et qui a été sévèrement critiqué en la matière, notamment par l’AMA. Son attitude est plus proche de la préservation de l’image du cyclisme et son développement peu importe les conséquences, notamment au moyen du ProTour. Les contrôles UCI, qui visent tous les coureurs, détectent les produits figurant sur la liste des produits interdits. Les coureurs ont évidemment accès à cette liste, et connaissent parfaitement les caractéristiques de ces produits(temps de latence dans l’organisme, traces laissées, etc.). Les coureurs pros sont assez intelligents et fins connaisseurs pour être capable d’aisément déjouer ces contrôles, tous les bouquins sur le dopage l’affirmant (il faut en particulier lire à ce sujet le livre « Massacre à la chaîne » de Willy Voet, ancien soigneur Festina). Le test d’EPO, par exemple, sera efficace pour détecter l’EPO prise seulement dans les trois derniers jours. Si le test survient au delà de ce délai et que le coureur a bel et bien pris de l’EPO, le test sera… négatif. D’ou le peu de coureurs contrôlés positifs à l’EPO depuis l’instauration de ce test. Il en va de même pour la plupart des autres produits dont les coureurs savent exactement combien de temps ils demeureront retracables dans leur organisme et les délais d’efficacité des contrôles. Croire, comme un de nos lecteurs, qu’ « _avec tous les contrôles inopinés, il (Armstrong) serait déjà tombé_ » fait selon nous preuve d’une grande naiveté à l’égard des contrôles UCI. Et bien sûr, la très vaste majorité des coureurs pros sont assez intelligents et branchés pour utiliser des produits – et ils sont nombreux, notamment la « CERA » – qui ne figurent pas encore sur les listes de produits interdits et dont aucun test de dépistage n’existe encore, bien évidemment.

Le suivi longitudinal, rendu obligatoire pour tous les coureurs français suite à l’affaire Festina, est selon nous un grand progrès car contrairement aux tests UCI, ils ne cherchent pas de produits dopants (ils ne peuvent donc pas « en manquer » dans le cas de produits inconnus). Exécutés par des instances médicales totalement étrangères et indépendantes au monde du cyclisme, ces tests visent à suivre dans le temps certains paramètres physiologiques qu’on sait sensibles aux produits dopants sanguins, par exemple les réticulocytes (jeunes globules rouges) ou le taux de ferritine. Les années passant, ces médecins indépendants peuvent établir les niveaux normaux de ces paramètres chez un coureur, niveaux qui seront forcément différents d’un autre coureur (on s’affranchit donc du fameux niveau absolu de 50% d’hématocrite permis par l’UCI et qui ne tient pas compte des particularités individuelles). En cas de « cure dopante », les probabilités sont élevées voire certaines que le corps réagisse et modifie ces paramètres ; ainsi, l’EPO, en stimulant la production de globules rouges, modifiera le taux de réticulocytes du sang. Contraints à cette procédure (4 contrôles par an), les coureurs français ont beaucoup plus de mal à « mettre en route » (c’est-à-dire à faire des cures de dopage) puisqu’ils savent que peu importe le produit dopant utilisé (connu ou non), le corps a de fortes chances de réagir et de modifier les paramètres du suivi. C’est toute la beauté de ce suivi longitudinal qui exerce une pression constante (à l’année) et sérieuse sur les coureurs français et qui est louangé dans tous les livres sérieux concernant le dopage (même si ce suivi n’est évidemment pas infaillible, bien au contraire).

Évidemment, l’UCI comme les autres coureurs non-français refusent obstinément de se soumettre au suivi longitudinal car trop inquiets des résultats ou des conséquences qu’il entrainerait. Il serait pourtant facile, pour l’UCI, d’imposer la méthode française à l’ensemble du peloton…

Nous croyons donc que le suivi longitudinal est un réel progrès par rapport aux tests anti-dopage bidons de l’UCI (tests sévèrement condamnés l’an dernier par l’AMA, rappelez-vous, et dont « La Flamme Rouge avait commenté dans son article du 16 octobre dernier »:https://laflammerouge.com/article/3161/uci-et-dopage). Que le suivi longitudinal exerce une forte pression additionnelle sur les coureurs français qui ont plus de mal à se doper en toute quiétude, sachant que peu importe le produit utilisé, le suivi longitudinal, aux 4 mois, risque de les trahir indirectement.

Nous terminerons ce soir en touchant un mot concernant le débat de certains de nos lecteurs concernant la machoire d’Armstrong qui aurait pu être déformée suite à la prise d’hormones de croissance (HGH). Si la modification de certains os du corps est une conséquence scientifiquement prouvée de la prise d’HGH, il nous apparaît très difficile pour ne pas dire impossible d’en déceler les effets sur Lance Armstrong – ou d’autres coureurs d’ailleurs – par un simple examen visuel. D’autres éléments pouvant éveiller notre prudence quant à ses performances nous apparaissent autrement plus solides.

Nos lecteurs se déchainent!

Beaucoup de commentaires concernant notre texte d’hier et La Flamme Rouge vous en remercie. Beaucoup de lecteurs soutiennent nos propos et on les en remercie également. Beaucoup de lecteurs ont aussi exprimé leur désacord avec nos propos et loin de nous l’idée de nous justifier ce soir, ni de les convaincre qu’ils ont tort et que nous avons raison. Car en l’absence de preuves formelles et irréfutables quant aux techniques de préparation de Lance Armstrong et de son équipe, qui sommes-nous pour trancher le débat ? Aussi, nous sommes d’accord avec nos détracteurs sur un point : l’absence de preuves. Alors pourquoi ce malaise que l’on ressent ? Pourquoi se laisser aller à ce que certains estiment être un dénigrement du champion américain et que nous estimons être simplement l’ajout de bémols quant à ses performances impressionnantes?

Première raison, la nature même de ce site. Il existe sur internet des milliers de sites sur le cyclisme, tous louangeant plus ou moins les performances de tous les cyclistes pros, du moins n’abordant peu voire jamais les « questions qui fâchent » et qui sont moins drôles parce que mettant en péril jusqu’à la simple existence de ce sport. La différence sur La Flamme Rouge, c’est qu’on y retrouve justement les bémols, les choses qui fâchent, les propos qu’on aimerait parfois éviter de lire et forcément la suspicion (les cyclistes pro ne nous ont pas spécialement mis en confiance depuis une dizaine d’années concernant le dopage…). Ces propos sont-ils pour autant gratuits ? On vous assure que non. Afin de rendre compte avec le plus de justesse de ce monde du cyclisme pro, nous dévorons à peu près tout ce qui s’écrit sur le cyclisme depuis 20 ans, revues, bouquins, etc. Et pas seulement les bouquins de coureurs repentis, le dernier en date étant celui de Philippe Gaumont dont on vous offrira très prochainement un compte-rendu critique. Non, on se tape aussi les autres livres, ceux de Virenque, ceux d’Armstrong pour essayer d’avoir les deux côtés de la médaille. Nos propos ne valent pas mieux que ceux de nos lecteurs, c’est évident, mais si on ignore sur quelles connaissances s’appuient les leurs, on peut vous assurer que les nôtres s’appuient sur un important effort de documentation tout azimut sur ce sport.

Alors La Flamme Rouge, mouton noir des sites sur le cyclisme professionnel ? Peut-être… Et on ajouterait même qu’on en est fier, notre ligne de pensée étant de ne pas prendre nos lecteurs pour des imbéciles. À La Flamme Rouge, vous trouverez les bons et les moins bons côtés du cyclisme afin que vous puissiez être des observateurs éclairés de ce sport. Pas des observateurs lobotomisés par le Canal OLN qui répète depuis 5 ans qu’Armstrong est le seul à préparer convenablement le Tour… Certains de nos propos sont plus difficiles à entendre ? Votre déception voire votre colère n’ont d’égales que les nôtres il y a une dizaine d’années lorsque passionnés du cyclisme, notre univers s’est écroulé en apprenant que les performances des champions qu’on vénérait jusqu’alors étaient en fait entachées de tricherie, c’est-à-dire d’un dopage sanguin à grande échelle. Que valent aujourd’hui les victoires d’Indurain sur le Tour sachant le contexte dans lequel elles ont pris place (bien qu’il n’ait jamais été testé positif durant ces années…) et sachant qu’aujourd’hui, il est au prise avec d’importants problèmes rénaux?

Deuxième raison, nous estimons que les circonstances que nous évoquons sont suffisamment crédibles et sérieuses pour pouvoir les avancer comme le font nombre d’observateurs du cyclisme d’ailleurs. Sur La Flamme Rouge, pas de ragots et pas d’attaques concernant la vie personnelle des coureurs. Simplement des observations troublantes du quotidien sportif permettant de remettre en question les performances de certains coureurs, à la lumière des connaissances acquises dans le passé. Car il faut regarder la réalité en face : Ferrari, préparateur d’Armstrong, a bel et bien été condamné en Italie pour fraude sportive, L.A. Confidentiel existe bel et bien et est jugé suffisamment crédible pour qu’une compagnie d’assurance du Texas retienne la prime de victoire d’Armstrong sur le Tour 2004 en attendant de mener son enquête, l’affaire Simeoni a eu lieu et celle de Mike Anderson est en cours…

Troisième raison, et on se répète, nous ne sommes pas en vendetta ouverte contre Lance Armstrong. À La Flamme Rouge, nous avons condamné et parlé de tous les cas de dopage ou de suspicion de dopage ces dernières années, de Mme Jeanson (« la justice poursuit son travail »:http://www.radio-canada.ca/sports/CyclismeRoute/nouvelles/200507/14/001-duquette.shtml et le procès devrait avoir lieu à l’automne, un dossier que nous continuons à suivre de près) à David Millar. Nous ne sommes encore une fois pas pour ou contre Lance Armstrong et reconnaissons son palmarès. Seulement, tant de domination suscite forcément des questions que nous tentons d’éclairer en vous rapportant le fruit de nos lectures. Et on se méfie de l’aura des champions : combien de personnes nous affirmaient, entre 2000 et 2003, que David Millar, ce jeune coureur sympathique, issu d’une autre culture, ne pouvait pas se doper, pas lui ? Ces mêmes personnes sont aujourd’hui moins modérées que nous dans leurs propos sur le dopage! Alors Armstrong intouchable parce qu’il a gagné 7 Tours ? Non.

On rappellera aussi à nos lecteurs que si Armstrong ou bien d’autres cyclistes n’ont jamais été pris positifs à un contrôle, Virenque, Millar et bien d’autres non plus. À quelques exceptions près dont font partie les récents cas Hamilton et Peres, pratiquement tous les coureurs suspendus pour dopage sanguin ces 8 dernières années l’ont été soit en passant aux aveux, soit pour avoir été pris (eux ou quelqu’un de leur entourage) en possession de produits dopants (dernier cas en date, Dario Frigo). Cela en dit long sur l’efficacité des contrôles.

On rappelera enfin aux lecteurs que si une nouvelle génération de coureurs français « propres » existe maintenant en cyclisme, elle n’existe que sur le papier ; parce qu’en terme de victoires, c’est plutôt très maigre depuis 1999. Cyclisme à deux vitesses ? Impossible de trancher, mais la disette des coureurs français est du jamais vu dans l’histoire du vélo. Troublant quant on pense que les coureurs français sont les seuls devant se soumettre à un suivi longitudinal. Alors forcément, les pratiques et les performances tellement plus impressionnantes du reste du peloton international deviennent forcément source de questionnement.

Finalement, quelques réponses à nos lecteurs, en complément d’information :

1 – si la moyenne horaire du Tour 2005 ne prouve rien, la tendance lourde à une augmentation des moyennes depuis 1998 est plus troublante, surtout dans le contexte ou l’une des justification avançée par la Société du Tour pour introduire une 2e journée de repos et des étapes plus courtes suite à l’affaire Festina était « d’humaniser » le Tour afin de permettre un retour à des moyennes plus raisonnables. 8 ans après, ca roule toujours de plus en plus vite, même par rapport aux moyennes de la belle époque de l’EPO en toute tranquillité. Force est de conclure à un échec de la politique d’ASO pour « humaniser » le Tour.

2 – que si les coureurs pro ne participent plus à des compétitions officielles dans les 2 ou 3 semaines précédant le Tour, ce n’est pas pour observer une « période de repos » comme le suggère un de nos lecteurs. Ou alors, il faut s’entendre sur ce que l’expression « période de repos » veut dire… L’entrainement d’un coureur pro est très précis et très régulier. Les 3 semaines avant le Tour sont probablement les plus importantes et difficiles à gérer ; il faut réduire le volume, tout en travaillant l’intensité afin d’obtenir un pic de forme au moment précis du Tour, que ce soit dans la première, deuxième ou troisième semaine de l’épreuve. Par le passé (jusqu’à environ l’année 2000), les coureurs préféraient participer à des compétitions, seul moyen de travailler l’intensité pensait-on. Depuis quelques années seulement, la tendance s’est renversée. Extrait du récent livre de Gaumont: « _Mais évidemment, notre marge de manoeuvre se réduit et, dans les mois qui suivent l’annonce de la détection, certains comportements changent. Comme les coureurs ne peuvent plus se permettre de s’injecter le produit dans les hôtels – à cause des contrôles inopinés -, ils restent chez eux dans les semaines qui précèdent leurs objectifs. On assiste soudain à une recrudescence d’abandons mystérieux, pour cause de maladie, quinze jours avant les épreuves de Coupe du Monde. Comme par hasard, les grands leaders ne courent plus, vingt jours avant le Tour de France. Le discours du milieu change : avant, on disait que pour préparer une grande compétition, il fallait disputer beaucoup de courses. Désormais, on raconte qu’on court trop, que les plages de récupération ne sont pas assez importantes. Certains coureurs s’inventent des maladies pour pouvoir rentrer chez eux s’injecter de l’EPO._ » (p. 258).

En guise de conclusion à ce texte, ces intéressants propos « d’Andy Hampsten »:http://www.hampsten.com/, coureur professionnel américain de 1985 à 1995, 4e du Tour 1986 et 1992 (victoire d’étape à l’Alpe d’Huez) et vainqueur du Giro 1988, fils de professeurs universitaires et connu pour son intelligence et sa modération :

Question : « _So, back to racing, you have been outspoken in the past about the changes you saw in racing during the early/mid-Nineties._ »

Hampsten : « _Yeah, it was discouraging because I was testing at as good or better than I ever had in my life and training better and harder, but slowly the results were going away. I was lucky though, my doctor simply explained to me the exact math of blood doping, and how much it would help. The difference was amazing on paper, you could see that I still had the power, but since I no longer on equal footing, I could not deliver enough oxygen. I had already established myself as a rider much earlier, so there wasn’t much point in doping at age 32, so I decided to just keep doing the best I could._ »

« _(…)Drugs have always been around cycling. But I believe that before EPO was introduced in the early Nineties a talented rider like myself could stay competitive without them._ »(Cycle Sport, February 2005, p. 74).

Un malaise

La Flamme Rouge, de retour d’un congé de trois jours, revient ce soir sur Lance Armstrong qui a donc quitté le peloton professionnel au soir de sa 7e victoire sur le Tour. Que retiendrons-nous de sa carrière entamée chez les pros en 1992 ? Un malaise. Oui, un malaise, cette étrange impression qu’il y a quelque chose qui cloche, qu’il y a quelque chose qui nous échappe quant on fait le bilan, qu’il y a aussi quelque chose de déplacé dans tous les commentaires – souvent dithyranbiques – que l’on entend et lit depuis 2 jours.

D’abord, il y a cette carrière avant le cancer, de 1992 à 1996, souvent décrite par de nombreux spécialistes comme exceptionnelle, annonçant déjà le « grand champion ». Vraiment ? À y regarder de plus près, on ne retrouve pourtant pas matière à de tels propos : outre 2 étapes du Tour (1993 et 1995), on note une Flèche Wallonne (1996), 2 place de 2e sur Liège-Bastogne-Liège (1994 et 1996), 2 Tour DuPont (1995 et 1996), une Classica San Sebastian (1995) et un Championnat du Monde (1993), ces Championnats du Monde souvent décriés par ces mêmes spécialistes du cyclisme comme une loterie consacrant souvent des coureurs de second plan. D’ailleurs, ce n’est pas faux du tout, les Mondiaux « ayant sacré »:http://www.memoire-du-cyclisme.net/championnats/chpt_mondial.php les Dhaenens, Leblanc, Olano, Brochard, Camenzind, Vainsteins et Astarloa au cours des 15 dernières années, tous des coureurs ayant connu des carrières en demi-teintes. Alors oui, un malaise quant aux éloges qu’on lui adresse sur cette première partie de carrière, éloges nous apparaissant exagérées puisqu’on est loin des palmarès, au même âge, des Merckx, Hinault, LeMond ou Fignon. Il serait plus raisonnable de qualifier l’Armstrong d’alors comme un excellent coureur mais qui ne laissait en rien présager, sur la base de ses résultats de l’époque, la suite.

Puis il y a ce cancer lui-même dont jamais un mot, une ligne, n’a été évoquée quant à l’origine du mal. Hasard ? Malchance ? Peut-être. S’agissant du commun des mortels, ces hypothèses sont sensées. Mais concernant un coureur professionnel disposant d’une armada des meilleurs médecins et ce, à l’année ? Malaise encore une fois.

Malaise enfin sur l’époque après-cancer, sur les 7 victoires sur le Tour, acquises année après année avec une domination sans cesse grandissante, au point de faire paraître l’édition 2005 comme une simple ballade du dimanche. « Malaise sur ce chiffre, 41,654km/h »:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-675206@51-627740,0.html, la moyenne d’Armstrong sur ce Tour 2005, la meilleure de l’histoire de la course. Bien sûr, les coureurs ont eu vent de dos la première semaine. Bien sûr, les étapes sont aujourd’hui plus courtes, plus nerveuses. Bien sûr, les coureurs disposent aujourd’hui de 2 jours de repos plutôt qu’un seul. Bien sûr… mais quant même, Armstrong aura fracassé plus de moyennes horaire depuis 7 ans qu’aucun autre coureur avant lui… Et tous annoncent, lui le premier, que le sport cycliste est aujourd’hui plus propre qu’à la belle époque de l’EPO, époque ou les coureurs roulaient pourtant moins vite… Malaise donc à l’entendre nous dire qu’il est si propre alors que personne n’a jamais roulé aussi vite et ce, avec une admirable constance, c’est à dire année après année, rendant l’argument du sens du vent ou de la difficulté du parcours quelque peu fragile d’ailleurs.

Malaise aussi en relisant les spécialistes du cyclisme affirmer, au lendemain du scandale Festina, avoir trouvé « ridicule » le spectacle du cyclisme des années 1990, alors que l’équipe d’Indurain appliquait avec succès la technique du « rouleau-compresseur » sur les étapes, spectacle pourtant repris par l’équipe d’Armstrong depuis 7 ans. Malaise de l’entendre nous dire que le Tour de France se résume à « une attaque et deux contre-la-montre », lui qui effectivement n’a jamais gagné avec panache sur cette épreuve, n’a jamais montré savoir se passer de son équipe s’il le fallait, n’a jamais su changer de tactique de course, se résumant à imiter Indurain, c’est-à-dire assomer ses adversaires dans les clm, frapper un grand coup dans la première arrivée en altitude puis se contenter de suivre en gérant avec son équipe.

Malaise aussi de ne jamais l’avoir vu véritablement souffrir sur le Tour, à la façon d’un Hinault sur les pentes du Granon en 1986, d’un Indurain aux Arcs en 1996 ou d’un Ullrich toutes ses dernières années, luttant derrière parce que lâchés. Malaise de constater qu’Armstrong et le Tour, ce fut tous les jours le rouleau-compresseur, sans jamais aucun jour sans, telle une machine, pendant 7 ans. Malaise de savoir que son équipe est la plus médicamentée sur le Tour toutes ces dernières années. Malaise aussi pour tous ces livres, tous ces procès racontant ses relations troubles avec son entourage, notamment Ferrari en Italie. Malaise d’apprendre, via Philippe Gaumont, pourquoi depuis quelques années les coureurs, Armstrong en tête, ne participent plus à des compétitions dans les 2 semaines précédents le Tour, ayant ainsi condamné le Midi-Libre ou la Route du Sud…

Oui, à l’heure du bilan de la retraite, Lance Armstrong nous laisse un grand malaise, celui de ne pas être capable d’y croire. Ayant déjà été pris pour des cons, ayant déjà cru à ceux qui montaient les cols à 30 à l’heure au milieu des années 1990 et ayant aujourd’hui compris comment, on vous le demande : peut-on faire autrement que de ne pas y croire ?

Le vieux renard gagne !

« Belle victoire aujourd’hui de Giuseppe Guerini sur le Tour »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/?id=results/tour0519, acquise en vieux filou qu’il est désormais, l’âge aidant ! Guerini a réellement su sauter sur l’occasion à 1,200 mètres de la ligne, constatant que ses trois compagnons d’échappée (Pereiro, Casar et Pellizotti) commençaient à se regarder. C’est le premier « coup du kilomètre », un classique en cyclisme, qui fonctionne sur ce Tour de France. Guerini aura eu l’audace d’attaquer en espérant que ses adversaires joueraient au chat et à la souris, ce qui fut le cas. Sympatique victoire donc!

Demain, Lance Armstrong aura très certainement à coeur de faire un clm d’anthologie. D’une part, c’est son dernier en carrière et il voudra très certainement le faire à fond, question de montrer une fois encore le coffre qu’il a sur ce type d’épreuve. D’autre part, Armstrong n’a remporté aucune étape sur ce Tour jusqu’ici, et gageons que ca l’asticote un peu. Demain, ce sera donc très certainement une victoire de l’Américain.

Le seul réel enjeu de ce clm est toutefois la lutte entre Rasmussen et Ullrich pour la troisième marche du podium. Normalement, Ullrich devrait pouvoir reprendre le temps nécessaire à Rasmussen, ce dernier ayant montré des signes de fatigue au cours des derniers jours. Quant à Basso, il est solidement installé sur la 2e marche du podium.

D’autres batailles pourraient avoir lieu, notamment celle pour entrer dans les 10 premiers entre Pereiro et Moreau. Leipheimer essaiera probablement de ravir la 5e place à Mancebo, mais ce sera difficile.

Par ailleurs, « on annonce Petacchi chez Domina Vacanze l’an prochain »:http://www.procycling.com/news.aspx?ID=1481. La nouvelle surprend puisque GianCarlo Ferretti semblait sur le point d’annoncer que son équipe repartait en 2006. On en saura plus dans les prochains jours mais chose certaine si la nouvelle se confirme, Domina Vacanze aura trouvé le grand leader qu’elle cherchait désesperemment depuis son entrée dans le ProTour. Un ProTour qui est toujours « loin de faire l’unanimité »:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-674623@51-627740,0.html.

De plus en plus de questions….

« Victoire de Serano aujourd’hui »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/?id=results/tour0518 dans une étape dont tout le monde parlait et qui finalement n’a rien donné pour le général, comme nous l’avions prévu. Basso a bien essayé de partir dans la dernière bosse, sans succès toutefois. Ullrich (limite!), Armstrong et Evans l’ont accompagné jusqu’au bout. Seul fait du jour, les 37 secondes lâchées par Rasmussen sur Ullrich dans la lutte pour la 3e place, le seul intérêt du Tour désormais. Des secondes qui pourraient s’avérer précieuses dans le dernier clm samedi.

Le fait du jour ? La petite colère bien justifiée d’Axel Merckx sur la ligne d’arrivée contre Cédric Vasseur qui l’a coiffé sur le fil alors qu’Axel avait fait tout le boulôt dans les deux derniers kms. Vasseur serait-il en fin de contrat chez Cofidis ?!

Après la sortie d’Éric Boyer, d’autres suiveurs du Tour se posent des questions quant à la domination de l’équipe Discovery. Jean-François « Jeff » Bernard pense quant à lui que les insuccès des Français sur ce Tour « n’ont rien à voir avec la tactique de course »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/20050721_195658Dev.html, mais plutôt avec l’aspect physique. En clair, ca roule trop vite pour les coureurs français dans le final des étapes.

Le vélo d’Ullrich sur ce Tour « est ici »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/tech/?id=/tech/2005/features/tour05/ullrich_giant. Manivelles de 177,5 cm. La robe est élégante et classique.

Je sais pas vous, mais on le trouve un peu long, ce Tour de France. Les jours se succèdent, il ne se passe rien de grand intérêt, c’est un peu la tristesse, non ?

Douteux ?

Il faut lire « cette courte entrevue avec Éric Boyer »:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-674308@51-627740,0.html, ancien coureur pro (notamment chez Z avec Greg LeMond) et maintenant manager général chez Cofidis.

Comme quoi il n’y a pas qu’à La Flamme Rouge qu’on se pose certaines questions.

Nouveau record de l’heure!

La surprise est totale : le record de l’heure (traditionnel) « a été battu aujourd’hui »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/20050719_161410Dev.html par un modeste coureur tchèque de 29 ans appartenant à la formation italienne Aqua & Sapone, « Ondrej Sosenka »:http://www.sosenka.cz/. Ce colosse mesurant 1m98 (!) est toutefois un spécialiste de l’effort solitaire comme en témoigne ses nombreuses victoires dans des chronos de petites épreuves par étape dans les pays de l’Est de l’Europe. À son « palmarès »:http://velopalmares.free.fr/sosenka.htm, on compte d’ailleurs une victoire au général de la Course de la Paix en 2002. C’est également lui qui avait remporté le critérium très médiatisé l’an dernier fin juillet, critérium auquel avait pris part un certain Lance Armstrong, récent vainqueur de son 6e Tour.

Sosenka a établi la nouvelle marque sur le vélodrome de Moscou, couvrant 49,700 kilomètres dans l’heure (un chiffre tout rond, c’est un peu bizarre mais facile à retenir…). Il a donc battu Boardman, détenteur depuis l’an 2000 du record, de 259 mètres et Eddy Merckx de 10 mètres de plus. Impressionnant.

Une entrevue réalisée avec ce coureur en 2004 « est disponible ici »:http://www.velo-club.net/article.php?sid=17238 pour ceux qui voudraient en apprendre plus sur l’individu.

Quant au Tour de France, on ne sait trop quoi vous dire ce soir. Victoire d’étape pour Pereiro, c’est une belle satisfaction pour lui suite à l’étape de dimanche dernier. Evans a aussi osé partir devant, c’est bien. Quant aux autres, c’est toujours la même chose: on reste bien calé dans la roue des Discovery et de Lance. « Comme nous, ca en agace plus d’un »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/20050719_193011Dev.html. Ullrich pousse le bouchon ce soir en affirmant qu’il « essaiera encore »:http://www.velo-club.net/article.php?sid=25892 dans les prochains jours. C’est qu’il fait allusion à son relais plus appuyé (le premier en 3000 bornes sur ce Tour…) dans le haut de l’Aubisque, un relais qui n’a strictement rien donné.

Le Tour : quel suite ?

Les nouvelles ayant retenu aujourd’hui notre attention :

1 – la victoire d’Hincapie hier est loin de faire l’unanimité parmi les observateurs du cyclisme, loin s’en vaut, et on se réjouit de constater que d’autres personnes s’insurgent comme nous de ce duel navrant. De Foglia à John Lelangue, même longueur d’onde : « Hincapie a volé sa victoire »:http://www.velo-club.net/article.php?sid=25856 en ne respectant pas les règles fondamentales du cyclisme sur route. Et les principaux intéressés l’ont admis, ils se sont bel et bien entendus dans le final de l’étape.

2 – vos commentaires sont nombreux et passionnants. En gros, on dirait que le niveau de cynisme envers le sport cycliste qui nous passionne n’a jamais été aussi élevé. Un commentaire laissé aujourd’hui soulevait des questions quant à la victoire de Valverde sur les pentes de Courchevel, insinuant que nous étions de mauvaise foi et « jaloux » de la perf d’Hincapie. Rien n’est plus faux, car autant nous sommes convaincus d’un arrangement entre Hincapie et Pereiro hier, autant nous sommes convaincus que la victoire à Courchevel s’est joué à la régulière, à la pédale. Aucun indice nous laisse croire du contraire : Armstrong a roulé autant que les autres sinon plus sur les pentes de Courchevel et a porté une attaque franche à 400m de la ligne. Il était évident qu’il essayait de gagner l’étape, son démarrage étant net, franc et total. Valverde s’est accroché – on ne sait comment – à la grande surprise d’Armstrong probablement, et c’est l’Espagnol qui a gagné. Net, propre, sans bavure, honnête, rien à dire. Lance a bien joué son coup, ca n’a pas fonctionné, c’était un beau moment de sport, point. Rien à voir avec la mascarade d’hier.

3 – une nouvelle molécule pourrait être en usage dans le peloton, la fameuse « Cera »:http://www.roche.com/inv-update-2003-11-17 (pour « Continuous Erythropoiesis Receptor Activator ») dont on parle depuis un moment. La Cera stimulerait la production de globules rouges, améliorant le transport de l’oxygène aux muscles. Sa différence avec l’EPO est qu’elle « passerait » dans l’organisme en moins de 24h, la rendant beaucoup plus difficile à détecter.

Si les médecins spécialistes ne sont pas convaincus de son usage dans le vélo pour l’instant, « il est intéressant de noter que le Dr. Mario Zorzoli, médecin en chef à l’UCI, a déclaré dans les pages de la Gazzetta Dello Sport »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/news/?id=/news/2005/jul05/jul19news3 qu’il « ne peut pas dire que rien n’est suspect sur le Tour cette année ». Les médecins réalisent donc bel et bien que quelque chose leur échappe, mais quoi ? Réponse dans 10 ans…

4 – « le vélo de Rasmussen »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/tech/?id=/tech/2005/features/tour05/rasmussen_colnago. Ca va vous surprendre, mais on n’a jamais trop aimé les Colnago, en dépit du fait que c’est une marque italienne. Les cadres sont de géométrie carrée, ce qui n’est pas terrible, et le prix est largement surfait.

5 – demain, « Mourenx-Pau »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/?id=stages/tour0516. Le col d’Aubisque est situé beaucoup trop loin de l’arrivée, ce qui fait que les favoris ne devraient pas passer à l’attaque. Une étape pour les baroudeurs, pour ceux qui oseront partir de loin.

Mercredi, « Pau-Revel »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/?id=stages/tour0517. Une étape pour les sprinters ou pour les puncheurs qui sauront exploiter les petites bosses pour sortir dans le final. Une chose est sûre, ce sera une étape pour ceux qui disposeront de fraicheur physique.

Jeudi, « Albi-Mende »:http://www.cyclingnews.com/road/2005//tour05/?id=stages/tour0518. Une étape pour baroudeurs encore une fois, pour ceux qui partiront de loin. S’il fait chaud, ce sera difficile pour ceux qui sont déjà fatigués. Pour les premiers du général, ca ne devrait pas poser de problèmes.

Vendredi, « Issoire-Le Puy en Velay »:http://www.cyclingnews.com/road/2005//tour05/?id=stages/tour0519. Une étape courte mais casse-pattes. Encore une fois, une belle étape pour les baroudeurs, pour ceux qui oseront tenter des échappées. Les 20 derniers kms seront roulants, aussi il faudra partir de loin.

Samedi, « clm à St-Étienne »:http://www.cyclingnews.com/road/2005//tour05/?id=stages/tour0520. L’enjeu sera tourné vers la perf d’Ullrich « qui essaiera de monter sur le podium »:http://www.velo-club.net/article.php?sid=25864 en allant chercher Rasmussen. Le parcours, plutôt roulant, devrait le favoriser même si Armstrong demeure l’archi-favori. Rasmussen aura du mal à préserver son avance sur Ullrich.

Dimanche, « les Champs et la procession »:http://www.cyclingnews.com/road/2005//tour05/?id=stages/tour0521. À prévoir, une victoire de McEwen.

6 – « intéressant petit reportage sur Greg LeMond »:http://www.cyclismag.com/article.php?sid=1278, un Américain pour lequel nous avons beaucoup de respect. Un véritable phénomène du vélo aussi.

É-c-o-e-u-r-é

Ce soir, on ne mâchera pas nos mots : nous sommes tous simplement écoeurés de la victoire aujourd’hui de l’Américain Hincapie dans l’étape reine du Tour. Une étape galvaudée, dans laquelle on peut fortement soupçonner qu’il y a eu arrangement. Bref, une sombre journée dans l’histoire du Tour de France que la journée d’aujourd’hui, et voici pourquoi. Car à La Flamme Rouge, vous trouverez toujours le juste portrait de la situation, telle qu’elle est et non telle qu’on aimerait ou que vous aimeriez qu’elle soit, ni telle que la plupart des médias vous la décrit.

1 – il faut d’abord lire les déclarations des principaux intéressés à l’arrivée. C’est carrément loufoque :

*Hincapie* : « _Je voulais être dans une échappée et prendre le large. Quand, au terme du 2e col, on m’a communiqué l’avance que nous possédions: 18 minutes, Johan Bruyneel m’a dit: ils ne vont pas vous rejoindre. Fais ta course. C’est un immense rêve qui se réalise ici mais j’avais tout mis en oeuvre pour un tel dénouement, reconnaissant, en particulier, le parcours, il y a moins d’un mois. Je savais que ce serait très dur car, alors, je suis arrivé complètement mort; je me suis donné à fond._ ».

Il s’est donné à fond ? Vraiment ? Il n’a pas pris un relais dans l’échappée sous prétexte que son leader était derrière! À l’arrivée, M. Hincapie avait l’air frais comme un gardon! Sa réponse aux attaques de Caucchioli et de Pereiro dans le final ne traduisait en tout cas pas l’attitude d’un coureur « qui a tout donné » en cours d’étape.

*Pereiro* : « _J’ai trouvé normal qu’Hincapie n’y apporte pas sa contribution, permettant ainsi à Armstrong d’être en position confortable derrière. Mais, dans le dernier col, j’ai vite compris qu’il me serait impossible de l’emporter._ »

Cela confirme donc bien ce qui crevait les yeux pour le connaisseur : Hincapie n’a pas contribué de la journée à l’échappée. Dans le final, sous l’attaque de Caucchioli, contrée par Pereiro, Hincapie s’est simplement contenté de suivre dans un premier temps ; il le pouvait, ayant les jambes les plus fraiches du groupe. Dans un deuxième temps, il relanca Pereiro qui sembla le suivre sans trop de problème puisque troisième acte, nouvelle attaque de Pereiro qui voulait assurément partir seul à ce moment. Sans succès toutefois, Hincapie restant de nouveau avec lui.

C’est alors que les images télé ont très bien montré l’acte, c’est-à-dire le bref échange verbal qu’ils ont eu, Hincapie hochant la tête en signe de « oui » à un moment. Il ne fait pas l’ombre d’un doute dans notre esprit qu’un accord a été conclu entre les deux hommes. Pereiro savait qu’Hincapie avait les meilleures jambes, n’ayant pas roulé de la journée. Impossible donc de le battre à la régulière, surtout après 2 attaques sans succès. Quitte à être battu, Pereiro a probablement préféré « sauver » sa journée en offrant son aide (contre rémunération en argent ce soir ou plus tard bien sûr…) à Hincapie. Du moment que ce dernier acquiesa l’entente, ce fut Pereiro devant pendant les 3 ou 4 derniers kms, emmenant Hincapie dans un fauteil jusqu’à l’arrivée. Vous connaissez beaucoup de coureur qui, s’il jouait la gagne d’une étape si prestigieuse dans une épreuve aussi prestigieuse, assurerait 100% du travail dans les 3 derniers kms, emmenant un autre coureur réputé plus rapide au sprint dans sa roue ? En se mettant ainsi au service de l’Américain, Pereiro permettait de contenir les poursuivants directs, Boogerd et Cauchioli surtout, « donnant » une victoire de prestige à l’Américain qui fera la une demain de tous les journaux américains qui salueront son incroyable victoire. La petite phrase de Pereiro « j’ai vite compris qu’il me serait impossible de l’emporter » veut ici tout dire selon nous et est probablement très révélatrice de la véritable histoire derrière ce final usurpé ou le public peu connaisseur n’y a vu que du feu, tout comme vos médias préférés d’ailleurs, Canal Évasion y compris.

*Boogerd* : « _Lorsque Caucchioli a attaqué, je n’ai pas pu répondre. Je ne suis pas surpris qu’Hincapie ait gagné car il était le plus fort de l’échappée avec Pereiro. Il n’a globalement fourni aucun effort. Il était donc logique qu’il s’impose._ ».

Avouez qu’à côté du « je me suis donné à fond » d’Hincapie, l’histoire est différente! Le simple fair-play et respect pour ses compagnons d’échappée auraient dû faire naître des propos différents dans la bouche d’Hincapie. Mais non, au lieu de ca, on a un « je me suis donné à fond » aussi hypocrite qu’irrespecteux. En ce sens, nous n’avons ce soir aucun respect pour Hincapie et son équipe qui noyautent la course et qui, avec les années, peuvent probablement obtenir presque n’importe quoi de leurs adversaires.

*Armstrong* : « _Je suis extrêmement heureux pour George, mon très grand ami, et complice depuis les rangs juniors. Un succès en montagne pour Hincapie, c’est vraiment quelque chose d’incroyable._ »

Effectivement Lance, un succès d’Hincapie sur le genre d’étape d’aujourd’hui, c’est vraiment incroyable. Vraiment…

Bref, il faut bien voir ce soir que la victoire d’Hincapie aujourd’hui est probablement la résultante d’un arrangement passé entre Pereiro et lui dans les derniers kms. Qu’Hincapie n’a en rien contribué au succès de l’échappée, et qu’il a donc profité pleinement du travail des autres pour aller cueillir ce succès par une simple accélération dans les derniers 300m. Une petite victoire, une victoire déloyale envers les règles élémentaires du cyclisme sur route, une victoire honteuse selon nous et qui ne mérite qu’une chose, celle d’être dénoncée.

2 – la traversée des Pyrénées n’aura rien donné, les adversaires d’Armstrong se contentant encore de suivre, sauf Basso et Vinokourov qui ont osé attaquer. Saluons notamment le courage de Vino qui est passé à l’attaque dans l’avant-dernier col du jour aujourd’hui alors qu’il n’était pas au mieux. Sans son attaque qui permis à Basso de contre-attaquer et à un petit groupe (Basso, Ullrich et Armstrong) de partir, on se demande s’il se serait passé quelque chose sur cette étape aujourd’hui. Landis, Leipheimer, les Liberty Seguros, Ullrich, tout le monde s’est contenté de suivre, offrant une course aussi nulle que désespérante. Personne n’osa attaquer de loin alors que tout le monde sait bien que c’est la seule façon d’au moins essayer de déboulonner l’Américain.

Bref, ce soir, on peut déjà affirmé que ce Tour de France est probablement le plus nul de son histoire. Un Tour galvaudé, une course stérile, sans suspens, sans bagarre. Vous y croyez encore, vous, au Tour de France ? Nous le suivons passionnément depuis plus de 20 ans, nous avons lu à peu près tout ce qui s’est écrit sur cette course mais ce soir, on a l’impression qu’on a perdu nos dernières illusions sur le Tour de France et de façon générale sur le cyclisme professionnel.

La bataille des Pyrénées

Étape de transition aujourd’hui sur le Tour, « avec la victoire au sprint de McEwen »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/TDF_05_13.html après un gros travail de son équipe pour aller chercher l’échappée du jour comportant 5 hommes, dont 2 Français. Si l’étape est sans histoire, elle fut néanmoins menée à un train d’enfer et laissera très certainement des traces dans les organismes à l’aube de deux jours décisifs. La chaleur, suffocante sur la route de Montpellier, n’aura rien arrangé non plus.

Seul fait important, l’abandon de Valverde pour des raisons de tendinite au genou. Dommage, car l’Espagnol aurait pu faire de jolis numéros dans les Pyrénées, devant son public.

Demain, « arrivée en altitude à Ax-3-Domaines »:http://www.cyclingnews.com/road/2005/tour05/?id=stages/tour0514. À l’instar de l’étape de Courchevel, personne ne pourra se cacher et les adversaires d’Armstrong trouveront le terrain pour passer à l’attaque.

Dimanche, « c’est l’étape reine du Tour »:http://www.cyclingnews.com/road/2005//tour05/?id=stages/tour0515, avec pas moins de 6 cols à franchir et une nouvelle arrivée en altitude, à St-Lary Soulan. On peut tabler pour au moins 6h30 de vélo, une sacré étape! Un terrain très propice pour partir de loin, pour créer une course de mouvement.

Que peut-on espérer des adversaires d’Armstrong ? Pour T-Mobile, il faut passer à l’attaque avec Ullrich, Vinokourov et Kloden et créer une course de mouvement. À ce titre, l’étape de dimanche semble mieux convenir, même s’ils ne peuvent pas se « louper » demain. Armstrong sait que les arrivées en altitude conviennent bien à son explosivité, aussi aura-t-il à coeur de distancer un peu plus ses adversaires dès demain, question d’aborder tranquillement l’étape de dimanche.

Pour Basso, isolé au sein de son équipe CSC, on se demande bien ce qu’il peut faire d’autre que de tenter le tout pour le tout dans les ascensions finales.

Pour Landis et Botero, des échappées fleuve sont la seule solution. On voit bien Landis demain et Botero dimanche.

Pour les Liberty Seguros, c’est la dernière chance de racheter un Tour catastrophique, surtout devant leur public. Heras ou Beloki oseront-ils se glisser dans des échappées ?

Enfin, la meilleure stratégie pour Rasmussen est d’exploiter son explosivité dans les derniers kms. Sa stratégie sera probablement de rester avec Armstrong le plus longtemps possible et essayer de le décramponer dans les derniers hectomètres des étapes, question de grapiller les bonifications en temps.

Bref, le terrain de jeu des deux prochains jours est propice pour « faire la course » non pas pour assurer une place dans les 10 premiers, mais bien pour tenter de déstabiliser Armstrong et son équipe. Espérons que les hauts salariés du peloton l’entendront de cette façon. Dans le cas contraire, ce Tour de France passera à l’histoire comme un des plus banals et des moins intéressants des 50 dernières années.

La chaleur, annoncée extrème, sera un adversaire de plus pour tous les coureurs. Il y aura de gros dégâts, c’est certain!

Putain, ca fait du bien!

« Superbe victoire du Français David Moncoutié aujourd’hui à Digne-les-Bains »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/TDF_05_12.html, acquise « avec la manière » puisque le coureur s’est présenté seul à la ligne après une échappée de 38 kms, excusez un peu. Ca fait plaisir, vous pouvez pas savoir, car Moncoutié est un coureur à part dans le peloton professionnel. Son rejet du dopage est connu, et il est également connu qu’il dispose d’un moteur exceptionnel lui permettant de grands numéros certains jours, comme aujourd’hui.

Ce qu’on a surtout apprécié, ce sont les images de David en fin d’étape. Payez-vous cela, ca donne la chair de poule. Regardez son visage qui ne traduit qu’un seul mot, souffrance. La violence de l’effort, le dépassement de soi, la volonté d’aller au bout, tout cela crevait les yeux en regardant le visage de Moncoutié dans le final. Des images qui en évoquent d’autres, plus anciennes, telles celle d’un Stephen Roche à l’agonie derrière Delgado dans les derniers kms de l’ascension de La Plagne durant le Tour 1987 ou celle d’un Greg LeMond dans l’Alpe d’Huez en 1989 alors qu’il essayait de limiter les dégâts sur un Laurent Fignon déchaîné devant. On est loin, très loin des rictus imperturbables des Miguel Indurain ou Lance Armstrong au cours des dernières années. Rappelez-vous Courchevel : Armstrong avait à peine l’air marqué par l’effort dans les derniers hectomètres de l’étape…

Bref, on salue bien haut le courage et le mérite de Moncoutié aujourd’hui, 14 juillet en plus. Et il faudra absolument lire cette courte entrevue que David a accordé après l’arrivée et dont l’extrait le plus éloquent est le suivant :

Question du journaliste : _Voyez-vous un rapport entre les soupçons de dopage et le fait que les Français soient en retrait dans ce Tour de France?_

Réponse de Moncoutié : « _Je n’ai pas de preuves, et c’est un sujet assez délicat, je ne vais pas polémiquer là dessus. Mais on voit que ça roule très vite, et que nous les Français on est un peu juste, après on en tire les conclusions qu’on veut. C’est vrai qu’il y a eu pas mal de découragement côté français. Je vois qu’au Dauphiné Libéré (en juin NDLR), j’arrivais à suivre les meilleurs, au Tour de France je n’y arrive plus. C’est comme ça tous les ans, je me dis tant pis!_ »

Et on salue une fois de plus le franc parler de Bernard Hinault, de plus en plus remonté – comme nous – de l’attitude des principaux adversaires d’Armstrong :

« _Moi, je dis qu’il (Armstrong) n’a pas été attaqué, martèle-t-il. Lance Armstrong a encore joué au chat et à la souris avec ses rivaux ce qui n’est pas tout à fait pareil. Il est obéi au doigt et à l’oeil. Il met ses cow-boys devant et, terminé! Ils n’ont pas encore compris qu’il faut tenter et essayer encore et encore, estime le fermier. Un harcèlement mené en règle pourrait le déstabiliser. Sinon, il contrôlera la course, comme à son habitude. Dans un tel contexte, tu trouves toujours des alliés. Et Armstrong serait bien obligé de laisser partir des coups. Mais, là, il faut convenir que c’est lui qui écrit le scénario. Si on songe à une défaillance de sa part, on pourra attendre longtemps._ »

« Il faut arrêter la tisane… »

Saluons d’entrée le panache de Vinokourov aujourd’hui qui a réagit avec orgueil au lendemain de sa défaillance sur la route de Courchevel. « Vinokourov a remporté l’étape au courage »:http://www.lequipe.com/Cyclisme/TDF_05_11.html, passant la plus grande partie de la journée en échappée. Chapeau, et on aimerait bien voir d’autres champions réagir de la sorte au lendemain de performances moins reluisantes. Comme ils sont nombreux dans ce cas, ca nous donnerait un meilleur spectacle!

Car pour le reste, quelle étape décevante! Il faut dire que c’est généralement le cas sur des étapes ou le dernier col intervient loin de l’arrivée. Avec plus de 40 bornes de descente avant de rejoindre Briançon, les poursuivants savaient qu’ils pourraient « revenir » dans la descente, aussi c’est monté au train dans le Galibier, sans affolement.

Mais ce sont surtout les attitudes de nombreux coureurs qui décoivent. On ne critiquera pas Ullrich et Kloden, tenus aujourd’hui par la course d’équipe, tout comme Landis. Mais ou étaient les CSC aujourd’hui dans le Galibier ? Basso s’est lamentablement contenté de suivre… (à noter également que Voigt est arrivé hors délai aujourd’hui). Ou étaient les Gerolsteiner? Leipheimer est resté tranquille dans le peloton, content de suivre les Discovery qui amenaient un Armstrong dans son fauteuil. Idem aussi pour les Iles Baléares. Que foutaient les Mancebo et Valverde qui avaient tous les deux un bon coup à jouer aujourd’hui ? Bref, il n’y eu aucune bagarre dans le Galibier dont les derniers kms furent assurés par nul autre que… Georges Hincapie, rien de moins. Encore une fois, on a laissé les Discovery prendre la course en main et surtout monter les cols à leur allure. Et tout le monde trouve normal qu’Hincapie soit encore présent avec les meilleurs grimpeurs à 2 kms du Galibier, pourtant redoutable dans ses huit derniers kms. Pas à La Flamme Rouge. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond là-dedans.

Quoi qu’il en soit, le Tour est bel et bien terminé. Les 10 prochains jours vont être chiants, très chiants, sauf évidemment pour les fans d’Armstrong qui regarderont la course sur OLN. Eux vont se régaler jusqu’à l’écoeurement. « Seul Vinokourov semble encore volontaire pour se battre »:http://www.velo-club.net/article.php?sid=25711, quitte à tout perdre. Il a d’ailleurs déclaré au terme de l’étape d’aujourd’hui qu' »_on ne ne peut rien faire face à Armstrong si on attend le dernier col_ ». Bravo. Car pour le reste des adversaires d’Armstrong, c’est plutôt « je me contente de suivre pour assurer une place parmi les 10 premiers et ainsi avoir un autre bon contrat l’an prochain » qu’autre chose. Nul.

Un mot sur l’affaire Frigo. Un lecteur nous écrit aujourd’hui un excellent commentaire avec lequel nous sommes tout à fait d’accord et qui nous paraît important de partager avec l’ensemble de nos lecteurs : « _l’affaire Dario Frigo prouve qu’une fois encore, ce ne sont pas les tests qui ont prouvé le dopage, mais bien le fait d’avoir trouvé des produits dopants. Le fait que l’équipe d’Armstrong soit toujours « clean » par rapport aux tests ne prouve donc rien de rien…_ ». Nous sommes par ailleurs assez écoeurés par les commentaires des responsables du Tour qui affirment que Frigo est une brebis galeuse, un cas isolé et surtout un coureur appartenant à une génération de dopés (c’est d’ailleurs gentil pour tous les coureurs de cette génération des années 1990, Indurain, Riis, Pantani et Ullrich compris…). C’est évidemment faux, la culture dans le milieu n’ayant pas changé d’un iota depuis l’affaire Festina. Au contraire, certains médecins, notamment Français, affirment plutôt que le peloton aurait « remis en route » depuis quelques années, des propos relayés aujourd’hui par Didier Rous qui, écoeuré par les cadences infernales du Tour jusqu’à maintenant, a déclaré dans les pages du Dauphiné Libéré « _Il faut arrêter la tisane (sic). On est au niveau et puis d’un coup, on n’y est plus. A un moment, ça va. Je vais faire 11e du Tour 2001 en terminant 4e du chrono, je fais 20e en 2003, je gagne des courses et puis, soudainement, je suis largué. Pourtant, je m’entraîne de la même façon, je fais le métier, je suis affûté._ »

Non, depuis quelques années, le Tour n’est plus le Tour et la France cycliste n’est plus la France cycliste. La logique cycliste, d’ordinaire implacable, n’est plus respectée, faisant paraître les « experts » de ce sport comme des nuls, leurs prévisions s’avérant de plus en plus mauvaises, un peu comme c’est le cas en météo avec les changements climatiques imprévisibles d’aujourd’hui. D’ailleurs, devrait-on fermer ce petit site ?

Malgré ces propos pessimistes, allez, on se hasarde pour demain parce que c’est facile : visez un Français sur la route de Digne-les-Bains. C’est le 14 juillet, les Français sont décimés sur ce Tour (sauf Moreau qui évolue à un niveau impressionnant) et n’ont aucune victoire d’étape jusqu’ici. Ils voudront se montrer demain, ne serait-ce que pour la gloire. À notre avis, un Chavanel, un Moncoutié, un Casar ou un Voeckler pourraient bien être devant demain.

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