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Mois : septembre 2003 Page 1 of 2

Pas d’Ullrich chez Telekom ?

On apprenait finalement en soirée que les tractations visant un retour d’Ullrich chez Telekom ont capoté sur la question de la présence de Pavenage dans son entourage. Godefroot, homme de poigne, a probablement dit non fermement, ce qui a mis un terme à toutes négociations. On peut penser que la première victime dans l’affaire est Ullrich lui-même, coincé entre un l’avenir d’un ami de longue date (Pavenage) et un intérêt légitime de réintégrer une formation de premier plan. Ullrich est donc devant un choix entre Bianchi, dont l’avenir semble incertain, et la nouvelle équipe "Baléares" dont l’avenir semble tout aussi incertain. Les vacances ne seront pas aussi tranquilles qu’il l’aurait souhaité !

Le cas Ullrich

Ullrich doit annoncer très prochainement (à la fin de la semaine) son équipe pour 2004. Ses choix :

– rester avec Bianchi, mais cette dernière doit sérieusement augmenter son budget pour d’une part payer le salaire d’Ullrich en forte hausse suite à son Tour de France 2003 ou il a prouvé être le seul à pouvoir battre, à court terme, Lance Armstrong et, d’autre part, engager des grégarios de luxe (l’équivalent des Heras, Beltran, Hincapie, Rubiera et Hugo Pena) pour l’aider dans son projet de victoire au Tour 2004.

– partir en Espagne chez ibanesto.com qui poursuivrait si le nouveau sponsor annoncé, les îles des Baléares, emboîtait le pas. Il rejoindrait alors de bons coureurs comme Mancebo, les frères Osa, Garcia Acosta, etc., mais l’équipe aurait besoin d’être renforcée en vue du CLM par équipe… Et Ullrich dans une équipe espagnole ou les sentiments et les émotions sont mis au premier plan, on doute du résultat, lui qui a été élevé dans le moule de la rigueur et de la froideur est-allemande… – retourner à ses anciennes amours, c’est-à-dire ré-intégrer l’équipe T-Mobile Deutsch Telekom.

On a bien l’impression que cette dernière solution risque d’être la bonne puisque Pavenage et Godefroot, en brouille depuis le départ d’Ullrich de Telekom l’an dernier suite à son contrôle positif à l’Extasy au sortir d’une boîte de nuit (rigueur allemande oblige…), se sont récemment parlés. Et pour Ullrich, qui a besoin d’encadrement et de stabilité, ce serait probablement le meilleur choix en perspective d’une victoire au Tour de France 2004, puisque les preuves de cette équipe ne sont plus à faire. Mais alors, quel rôle pour Pavenage ?

Hamilton 2003

Sélection italienne : Mario Cipollini, Mario Scirea et Giovanni Lombardi (Domina Vacanze), Paolo Bettini et Luca Paolini (Quick.Step-Davitamon), Danilo Di Luca et Fabio Sacchi (Saeco), Francesco Casagrande et Sergio Barbero (Lampre), Ivan Basso (Fassa Bortolo), Paolo Bossoni (Vini Caldirola), Luca Mazzanti (Panaria), Cristian Moreni et Andrea Noè (Alessio) et Daniele Nardello (Telekom). On se surprendra de la sélection de Lombardi, dernier étage de la fusée Cipollini. Aurait-on voulu faire plaisir à Mario ?

Sélection espagnole : Igor Astarloa, Manuel Beltran, I�igo Cuesta, Oscar Freire, Gorka Gonzalez, Igor Gonzalez de Galdeano, Francisco Mancebo, Aïtor Osa, Luis Perez, Marcos Serrano, Oscar Sevilla et Alejandro Valverde. Nozal et Gonzales de Galdaneo sont annoncés pour le CLM, mais gageons que ca pourra changer… Une belle bagarre en perspective car théoriquement, ces deux équipes sont les meilleures dans ce mondial. Les sélections françaises (Vasseur), belges (Van Petegem et Bruylands) et hollandaises apparaissent moins fortes.

Défaillance de Nozal ou performance de Heras?

Dans le CLM hier, Heras a repris du temps à Nozal à tous les kilomètres des 11,2 que comportait le parcours. Après le premier km, Heras avait repris 7 secondes, au deuxième 22. Mais c’est au huitième que Nozal a montré des signes réels de défaillance, perdant 30 secondes sur ce kilomètre. Enfin, son effondrement s’est confirmé dans les 1200 derniers mètres de l’épreuve puisqu’il y a lâché 31 secondes face à Heras. Pour des coureurs professionnels, c’est énorme.

Défaillance de Nozal qui n’a jamais pu trouver son rythme hier ? Certainement. Pour lui, on pourra surement conclure que son manque d’expérience aura pesé lourd dans l’issue du CLM, n’ayant peut-être pas su bien gérer la pression de ce dernier. Ceci étant, l’US Postal nous avait prouvé, sur le Tour de France, qu’ils savaient bien récupérer. Heras en a certainement bénéficié hier, bien que les écarts en tête de l’étape soient assez serrés.

Une fin de Vuelta en apothéose

Encore ce matin, on n’y croyait pas… mais Heras a réussi l’impensable, détrônant Nozal de 28 secondes au classement général de la Vuelta. Final infernal pour l’équipe ONCE qui perd aujourd’hui la Vuelta, qui voit Gonzales de Galdaneo perdre sa place sur le podium et qui avait vu son directeur sportif légendaire, Manolo Saiz, être banni de la course hier. Sachant que ONCE stoppe son sponsorship à la fin de l’année, voilà qui n’aidera pas Manolo à retrouver un sponsor pour 2004. La victoire d’Heras sur la Vuelta (sauf incident demain) donne à l’US Postal sa seconde victoire cette année sur un grand tour, après Armstrong au Tour de France. Pour Heras, c’est une seconde victoire à la Vuelta, après 2000.

Ca ne sera pas suffisant

Heras doit reprendre aujourd’hui sur les 11,2 km du clm en côte 1min55 sur Nozal s’il veut gagner cette Vuelta, ce qui représente 9 secondes au kilomètre. C’est énorme, et il faudra une grosse défaillance de Nozal pour que le rêve d’Heras se réalise. Réponse dans quelques heures…

Histoire de fuites lentes…

On apprend, via diverses sources d’information, que c’est en France, plus précisément à travers les colonnes de L’Équipe, que le rapport – accablant pour l’UCI – des examinateurs indépendants sur le dernier Tour de France a été rendu public alors qu’il ne le devait pas. Une authentique "fuite" donc, et l’UCI, très embarassée de cette histoire puisque parraissant très mal dans l’affaire, semble chercher à identifier le ou les coupables plutôt qu’à faire un examen de conscience. L’UCI s’en prend même à la France en affirmant constater "qu’une fois de plus ces fuites d’informations, absolument inacceptables, proviennent régulièrement de la France et ont toujours comme cible privilégiée le cyclisme." On vise évidemment le ministère des sports ainsi que le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, deux organismes français qui ont le mérite d’avoir une approche réaliste face au problème du dopage. On regrettera de voir qu’une fois de plus, l’UCI semble vouloir "protéger" le milieu plutôt que d’encourager ceux qui ose le défier dans le but de l’assainir.

Vive Cytomax!

L’Agence Mondiale Anti-Dopage, dont les bureaux sont à Montréal (Québec), vient d’autoriser, pour 2004, l’usage de la caféïne et de la pseudoéphédrine, produits pourtant bannis depuis plusieurs années. Les détails de ce revirement de situation ne sont pas encore connus. La liste complète des produits interdits sera disponible sur le site web de l’agence d’ici le 1er octobre. Comme si le cyclisme avait besoin de ca en ce moment… Notre sport va encore être montré du doigt… Lamentable. C’est Bugno (champion italien des années ’90 suspendu au cours de sa carrière pour contrôle positif à la caféïne) qui va être content !

Pour poursuivre dans la même veine (la pigez-vous?), l’Agence a également rendu public le Rapport des observateurs indépendants sur le Tour 2003. Très instructif. On y apprend que "les évaluations du poids et de la taille n’étaient pas effectuées selon une bonne procédure technique et l’auscultation cardio-pulmonaire ne s’effectuait pas sous des conditions idéales" (p.10) lors de l’examen médical de la veille du départ (obligatoire pour tous les coureurs). Putain ! Il me semble que ce n’est tout de même pas compliqué de trouver un "endroit convenable" pour prendre adéquatement taille et poids!!! Imaginez le foutoir quant il faut faire des contrôles pour trouver de l’Actovegin ou de l’EPO si pour taille et poids, c’est déjà la croix et la bannière… Le Rapport est bourré de "n’ont pas observé les conditions de conservation et de sécurité des échantillons…", etc. On y apprend également qu’après l’arrivée, le coureur demandé au contrôle anti-dopage avait une heure pour se présenter (!!!) et n’était pas escorté. Quant on songe qu’on peut s’injecter 500 ml de chlorure de sodium dans les veines en 10 minutes… Le Rapport est au moins formel : "une manipulation était possible" (écrit en toutes lettres). Le Rapport mentionne enfin que 20% des échantillons présentaient des anomalies quant à des marqueurs d’EPO. 20%… Et on ose souligner, en conclusion, que "les choses ont changé dans le bon sens" depuis 1998 et le scandale Festina. On croit rêver! On n’ose à peine imaginer ce que c’était à l’époque… La crédibilité des contrôles sur le dernier Tour de France ? Nulle.

Nozal tiendra

Madrid est désormais en vue et Nozal est toujours en amarillo. Sauf grosse défaillance toujours possible à la fin d’une course de trois semaines pour un tel coureur sans référence dans ces épreuves, Nozal a course gagnée. L’étape courte de demain n’occasionnera pas trop de fatigue et même s’il y a beaucoup de vent, on peut être sôr que l’équipe ONCE protégera efficacement son leader. L’étape de vendredi sera le dernier moment réellement critique : Nozal devra maintenir Heras à distance respectable afin d’aborder le contre-la-montre (CLM) du lendemain avec sérénité. Car s’il a toujours battu Heras dans les autres CLM sur cette Vuelta, Nozal n’a aucune référence réelle dans cet exercice particulier qu’est le CLM en côte de samedi. Les 11,2 km à parcourir ainsi que les pourcentages ne dépassant jamais les 7% sauf sur 3 km ne seront toutefois probablement pas suffisant à Heras pour espérer faire la différence sur ce chrono.

Les 164 km de vendredi sont donc la dernière chance réelle de Heras et l’US Postal. Que faire ? Tenter le tout pour le tout et partir de loin, dans l’Alto de Los Leones, ou attendre le final pour espérer créer l’écart dans la dernière montée de La Pradera ? Les quelques 25km de descente après le dernier col, qui donneront à l’équipe ONCE et Nozal l’occasion de se réorganiser pour mener une chasse efficace si Heras est devant, ainsi que la longueur relativement courte de l’étape laisse penser que ce dernier devrait plutôt essayer de partir de loin. L’échappée fleuve est vraissemblablement la seule façon pour Heras de faire craquer Nozal et son équipe. Heras est donc face à ses responsabilités. Prendra-t-il le risque de s’exposer à tout perdre pour essayer de gagner, risque que tout grimpeur de légende a pris dans sa carrière car unique salut pour ce type de coureur ? À la lumière de son comportement trop attentiste dans la Sierra Nevada (en partant plus tôt dans l’étape, les experts ont affirmé qu’il aurait pu aller chercher beaucoup plus de temps à Nozal, visiblement moins bien cette journée-là), on peut en douter. Il est probablement de ceux qui joueront la partie de façon conservatrice en visant le plus facile, soit chiper la deuxième place du podium à Gonzalès de Galdaneo. Que voulez-vous, dans le cyclisme moderne, vaut mieux une 2e place que d’échouer hors du podium à vouloir essayer d’aller chercher la victoire. Le panache, si présent dans le cyclisme avant les années 1990, est une vertu en voie de disparition…

Le cas Pantani

Marco Pantani, qu’on peut désormais élever au titre de meilleur grimpeur de l’histoire du cyclisme sur route avec Charly Gaul et Frederico Bahamontes, confirmera probablement sa retraite sportive très bientôt. La nouvelle, même si attendue, reste un choc. Rappelons que Pantani est le seul coureur des années récentes à avoir réalisé le doublé Giro-Tour (en 1998, Indurain l’ayant réalisé deux fois en 1992 et 1993). Il est également à ce jour le seul coureur leader d’une équipe jouant le classement général ayant pu larguer et battre à la régulière Lance Armstrong dans le Tour de France (en 2000 à Courchevel). Il est également le seul coureur à l’avoir réellement inquiété puisque tellement imprevisible : ses accélérations, foudroyantes (on se souviendra de celle dans le Galibier en 1998), se soldaient par des minutes d’écart à l’arrivée. En comparaison, Ullrich doit paraître bien prévisible à l’Américain. Armstrong, durant le Tour 2000 par exemple, n’était pas tranquille, particulièrement dans l’étape de Morzine ou Pantani l’a d’ailleurs acculé au pied du mur et laissé sans forces, victime d’une fringale. À lui seul, il pouvait décimer une équipe en une seule étape de montagne et inverser le cours des choses. Coureur de panache, styliste magnifique, d’une souplesse incroyable et d’un mental à la fois fragile et changeant, il accomplissait ce que nul ne peut, encore aujourd’hui, accomplir dans la montagne. Son temps de 37 minutes 35 secondes réalisé en 1997 est toujours le meilleur chrono enregistré sur les 14 km de la montée de l’Alpe d’Huez. On retiendra également qu’il montait 95% du temps en danseuse, même sur les cols les plus longs, et mains en bas du guidon. Essayez, pour voir… Malgré une triste fin de carrière, Pantani restera à jamais comme un campionnissimo dans le coeur des tifosis. Il a gagné notre respect éternel. Forza, campeone!

Le secret des italiens

Depuis 1927, date du premier championnat du monde de cyclisme sur route tenu au Nurburgring et remporté par le campionnissimo Binda, il n’y a eu que les Belges (24 victoires) pour devancer les italiens (16 victoires) au palmarès de cette course prestigieuse. Et encore! l’essentiel des victoires belges ont été acquises avant 1975 (merci Van Steenbergen, Van Looy et Merckx!) puisqu’ils n’ont gagné que 4 fois depuis 1980 contre… 6 victoires italiennes.

Les italiens doivent essentiellement leurs récents succès sur les Championnats du monde à un programme national de courses d’un jour bien pensé dans les 2 semaines avant cette course : Giro del Lazio, GP Industria & Commercio di Prato, Coppa Sabatini, Giro dell’Emilia, Milano-Vignola et Giro della Romagna. Tout a été prévu : longueur idéale (autour de 200 bornes) pour b�tir la forme en vue des 260 bornes des Mondiaux, ces courses sont aussi généralement entrecoupées de quelques jours de repos… Pas surprenant que le sélectionneur national, Franco Ballerini, patiente de voir les performances des coureurs sur ces courses avant de boucler sa squadra azzura… Bref, vous voulez savoir qui sera devant à Hamilton ? Outre la Vuelta, les résultats sur ces courses italiennes sont une très bonne indication. Et devant le nombre de sélectionnables ainsi que les rivalités italo-italiennes autour des questions de "qui roule pour qui", le sélectionneur italien passera probablement d’ici le départ pour Hamilton quelques nuits blanches. Car c’est bien connu, abondance de biens nuit… mais c’est là un mal que les sélectionneurs belges, français et néerlandais aimeraient probablement avoir!

Vers une nouvelle ère sur les grands tours?

Nozal qui est toujours en amarillo à une semaine de l’arrivée à Madrid, on commence carrément à se poser des questions. Avant cette Vuelta, Nozal, classé 303ième coureur mondial (!!!), n’avait jamais gagné d’autre que deux étapes sur des petites courses à peu près inconnues en Espagne en 2002.

Professionnel en 1999, il a toujours couru pour l’équipe ONCE et a terminé deux Tours de France, en 2002 (38e place) et en 2003 (72e place, à plus de 2h d’Armstrong). Reconnu bon rouleur (1m81 pour 70 kg), il prenait toujours, jusqu’à cette Vuelta, une grosse veste dans les étapes de montagne, ce qui le cantonait à un rôle de grégario pour ses leaders Beloki et Gonzales de Galdaneo.

On trouve, dans l’histoire des grands tours, quelques vainqueurs surprises, sortis de nul part, et qui constituent une curiosité au palmarès de ces épreuves. On pense par exemple à Chioccioli sur le Giro en 1991, à Caritoux (1984), Giovanetti (1990) et Gonzales (2002) sur la Vuelta et à Riis (1996), Aimar (1966), Nencini (1960) et surtout le célèbre Walkowiak (1956) sur le Tour de France. Tous ces coureurs ont deux points en commun : ils n’avaient à peu près aucun fait d’armes sur ces épreuves avant de les remporter de façon innatendue et ils n’ont jamais plus (dans le cas d’Aitor Gonzales, l’avenir nous le dira, mais 2003 n’a pas été fort!) remporté de telles victoires par la suite. On peut penser que deux éléments expliquent, pour l’essentiel, ces victoires surprises : d’une part, certains auront pu gagner en raison d’un gain en temps important dans une des premières étapes du tour, le peloton ne se méfiant pas d’eux. Le reste du tour est alors devenu une gestion d’efforts afin de préserver leur avance. Dans ce cas de figure, le port du maillot de leader transcende souvent ces "petits" coureurs qui accompliront des exploits qu’eux mêmes ne se croyaient pas capables. D’autre part, certains doivent certainement leur victoire à une "préparation" toute particulière. S’il est difficile de prouver cet état de fait, on sait désormais que Riis, le tombeur d’Indurain ne l’oublions pas, doit sa victoire au Tour 1996 à un taux d’hématocrite supérieur à 60%… Dans ce contexte, il est fort possible que le palmarès des grands tours dans l’avenir soit de plus en plus souvent entaché de ces coureurs sortis de nul part et qui, l’espace de 3 semaines, livreront des performances inexplicables, frustrant des leaders confirmés.

Et Nozal dans tout ca ? Ses victoires dans les chronos de la première et la deuxième semaine et sa façon de tenir dans les étapes de montagne après 2 semaines de course suggèrent qu’il sait drôlement bien récupérer… même après des efforts que son organisme ne nous a pas habitué de voir… Le collectif de l’équipe ONCE, avec 3 coureurs dans les 13 premiers (Nozal, Gonzales de Galdaneo et Serrano) dont les deux premières places, tend également à montrer qu’il n’y a plus que l’US Postal qui maîtrise désormais l’art de la préparation et de la récupération…

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